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23/05/2023 | FRANCE | N°22VE02110

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 23 mai 2023, 22VE02110


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'autre part, l'arrêté du 11 juillet 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter de territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an, d'autre part, l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2209950, 2210004 du 18 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal

administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'autre part, l'arrêté du 11 juillet 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter de territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an, d'autre part, l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2209950, 2210004 du 18 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 août 2022 et le 3 mai 2023, M. B..., représenté par Me Doucerain, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) d'annuler les arrêtés contestés ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de régulariser sa situation administrative et de lui délivrer à une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, ou à défaut d'examiner sa situation dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en s'abstenant de soumettre au contradictoire sa note en délibéré, le magistrat désigné a entaché son jugement d'irrégularité ;

- s'agissant de la décision portant interdiction de retour, en se fondant sur des faits de violences qui n'étaient pas invoqués, le magistrat a opéré d'office une substitution de motif en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- en indiquant que la famille peut se reconstituer dans " un pays d'admission régulière " alors que son épouse a un droit au séjour en France, le tribunal a commis une erreur de fait et d'appréciation ;

- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi ;

- l'intérêt supérieur de son enfant mineur n'a pas été pris en compte, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le préfet a fait une inexacte application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 423-7 du même code, et porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée du même vice d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par exception d'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée du même vice d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle n'atteste pas de l'examen de circonstances humanitaires pouvant justifier de ne pas prononcer d'interdiction de retour ;

- l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français doit entrainer l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

- il n'a pas été informé, par une décision écrite, du traitement de ses données, en méconnaissance des dispositions de l'article 42 du règlement (CE) n° 1987/2006 du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II), régit le droit à l'information des ressortissants de pays tiers quant à l'enregistrement d'un signalement SIS ; le signalement aux fins de non-admission ne pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, l'interdiction de retour qui le fonde doit être annulée ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est irrégulière dès lors qu'elle est fondée sur une mesure d'éloignement et un refus de délai de départ volontaire eux-mêmes illégaux ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la durée de cette interdiction est excessive ;

- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de l'arrêté portant assignation à résidence ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ; sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;

- l'assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il est père d'un enfant de deux ans né sur le sol français dont la mère est titulaire d'une carte de résident et que sa profession de peintre en bâtiment lui impose des déplacements fréquents ;

- l'obligation de se présenter tous les jours au commissariat de Sarcelles, dimanche et jours fériés compris, est disproportionnée.

La requête a été communiquée au préfet du Val-d'Oise qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion ;

- les observations de Me Doucerain pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant égyptien né le 4 juin 1988, entré en France en 2016 selon ses déclarations, marié le 19 septembre 2020 en France à une ressortissante algérienne titulaire d'une carte de résident, avec laquelle il a eu un enfant né le 11 décembre 2020, a été interpellé le 10 juillet 2022 pour des faits de violence sur la personne de son conjoint. Par deux arrêtés du 11 juillet 2022, le préfet du Val-d'Oise, d'une part, lui a fait obligation de quitter de territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français durant un an, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 18 juillet 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ".

3. Si, dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans une note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé, soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la note en délibéré présentée pour M. B... le 18 juillet 2022 ne comporte aucun élément de droit ou de fait dont l'intéressé ne pouvait pas faire état avant l'audience. Dès lors, le magistrat désigné a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, la viser dans le jugement mis à disposition le même jour, sans la communiquer, ni l'analyser. La circonstance que le conseil du requérant n'a consulté que le 18 juillet 2022 l'avis d'audience mis à sa disposition le 13 juillet, pour une audience le 15 juillet, est sans incidence sur la régularité du jugement.

5. En deuxième lieu, en relevant, comme le faisait valoir le préfet du Val-d'Oise en défense, que M. B... a été interpellé le 10 juillet 2022 pour des faits de violence sur conjoint, faits dont la gravité constitue une atteinte manifeste à l'ordre public, le magistrat désigné n'a pas procédé d'office à une substitution de motif. Le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ne peut qu'être écarté.

6. Enfin, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Si M. B... soutient que le premier juge a entaché son jugement d'erreur de fait et d'erreur de droit, ces moyens, qui relèvent de l'appréciation du bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions contestées :

7. M. B... reprend en appel, sans critique du jugement sur ce point, son moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés contestés, auquel le premier juge a répondu au point 3 du jugement attaqué. Ce moyen ne peut qu'être écarté par adoption des motifs du jugement.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

8. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) ".

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire est motivée. ". L'arrêté contesté fait mention des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application et des circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. B.... Il est ainsi suffisamment motivé. Il ne ressort pas de ces motifs que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

10. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées à l'article L. 423-23 de ce code, qui sont relatives à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour à l'étranger ayant des liens personnels et familiaux en France, est inopérant dès lors que M. B... n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'en outre il peut bénéficier d'un regroupement familial et ne se trouve pas dans les catégories d'étrangers pouvant se prévaloir de ces dispositions. Il en est de même a fortiori du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-7 du même code, qui sont relatives à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour à l'étranger parent d'un enfant français, dès lors que le fils de M. B... n'a pas la nationalité française.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a épousé le 19 septembre 2020 une ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence de longue durée et qu'il est père d'un enfant né le 11 décembre 2020, âgé de dix-huit mois à la date de la décision en litige. L'intéressé, qui n'a pas fait de démarches pour se voir délivrer un titre de séjour, ne justifie pas de sa présence en France depuis 2016, ni de son insertion professionnelle, dès lors qu'il a déclaré aux services de police être sans ressources et ne pas exercer d'activité professionnelle. Le revenu fiscal de référence de la famille est d'ailleurs nul au titre de l'année 2021. En outre, les arrêtés contestés ont été pris à l'encontre de l'intéressé dans les suites d'un signalement pour des faits de violences conjugales. Dans ces conditions, eu égard à ses conditions d'entrée et de séjour en France, au caractère récent de sa vie familiale et au motif de son interpellation, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ni entaché sa décision de refus de titre d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

14. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu du jeune âge de l'enfant, de l'absence d'éléments établissant qu'à la date de l'arrêté attaqué le requérant contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de celui-ci, et de la circonstance que rien ne s'oppose à ce que la vie familiale se poursuive hors de France, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la légalité de la décision refus de délai de départ volontaire :

15. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". Toutefois, en application de l'article L. 612-2, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : " 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public " ; " 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstances particulières, dans les cas suivant : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) ".

16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire (...) sont motivées ". L'arrêté contesté vise les dispositions dont il fait application, notamment l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise qu'il existe un risque que M. B... se soustraie à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire dès lors qu'il est entré en France sans visa et s'y est maintenu dans la clandestinité et qu'il ne justifie pas de garanties de représentation suffisantes car il n'a pu présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité et ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Il est suffisamment motivé.

17. En second lieu, les moyens soulevés à l'encontre de la mesure d'éloignement étant écartés, le moyen d'exception d'illégalité de cette décision doit l'être également. M. B..., qui déclare être entré en France en 2016, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et n'a pas été en mesure de présenter son passeport. En outre, il a été interpellé pour des faits de violence sur la personne de son épouse. Il suit de là que le préfet pouvait légalement décider de ne pas lui octroyer de délai de départ volontaire, et n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant un an :

18. Aux termes du L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

19. En l'espèce, M. B... ne justifie pas de l'ancienneté de sa présence en France. Toutefois, il est constant que son épouse est titulaire d'un titre de séjour de longue durée et que le couple est parent d'un enfant. Par ailleurs, M. B... n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et, les faits de violence qui ont justifié son interpellation n'ayant pas eu de suites et présentant un caractère isolé, la menace pour l'ordre public n'est pas avérée. En outre, M. B... rentre dans les catégories d'étrangers ouvrant droit au bénéfice du regroupement familial. Dans ces circonstances particulières, le requérant est fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est entachée d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

20. Aux termes de l'article de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". L'article L. 732-1 du même code dispose que : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées. ".

21. L'arrêté contesté cite les dispositions rappelées au point précédent et précise que M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour d'un an du même jour et que, étant démuni de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, il est nécessaire de prévoir un laissez-passer consulaire et de prévoir l'organisation matérielle de son départ. Il est ainsi suffisamment motivé. Il ne ressort pas des pièces du dossier que sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier.

22. Dès lors que l'intéressé ne pouvait quitter immédiatement le territoire français mais que son départ constituait une perspective raisonnable, le préfet a pu l'assigner à résidence sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. La circonstance qu'il est père d'un enfant de deux ans né sur le sol français dont la mère est titulaire d'une carte de résident est à cet égard sans incidence, dès lors que l'assignation à résidence n'a pas pour effet de séparer le requérant de son enfant. Enfin, si M. B... soutient que sa profession de peintre en bâtiment lui impose des déplacements fréquents, de sorte que l'obligation de se présenter tous les jours au commissariat de Sarcelles, dimanche et jours fériés compris, serait disproportionnée, il ne l'établit pas. Il s'ensuit que les moyens dirigés contre l'arrêté portant assignation à résidence durant quarante-cinq jours doivent être écartés.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français durant un an.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

24. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour provisoire à M. B... ni le réexamen de sa situation. En revanche, l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français implique nécessairement l'effacement du signalement du requérant dans le système d'information Schengen aux fins de non-admission. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise d'y procéder dans le délai de quinze jours. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

25. L'Etat n'étant pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative peuvent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision portant interdiction de retour sur le territoire français est annulée.

Article 2 : Le jugement n° 2209950, 2210004 du 18 juillet 2022 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de procéder à l'effacement du signalement de M. B... dans le système d'information Schengen (SIS) dans le délai de quinze jours.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2023.

L'assesseur le plus ancien,

G. TAR La présidente-rapporteure,

O. DORIONLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme

La greffière,

2

N° 22VE02110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02110
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : DOUCERAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-05-23;22ve02110 ?
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