La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2023 | FRANCE | N°22VE01679

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 10 mai 2023, 22VE01679


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 20 juillet 2020 prononçant son expulsion du territoire français et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2008062 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 202

2, M. D..., représenté par Me Mesureur, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 20 juillet 2020 prononçant son expulsion du territoire français et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2008062 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2022, M. D..., représenté par Me Mesureur, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dahi, pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 27 mai 1989, relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 20 juillet 2020 prononçant son expulsion du territoire français.

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et, en particulier, l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les circonstances de fait sur lesquelles le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé pour décider l'expulsion du requérant. S'il indique que M. D... ne peut bénéficier de la protection de " l'article L. 521-2-1 " en sa qualité de parent d'enfant français, il a, sans doute possible, entendu se référer ainsi aux dispositions de l'article L. 521-2 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. En tout état de cause, une éventuelle erreur à cet égard serait sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de l'arrêté contesté. En outre, cet arrêté précise notamment que M. D... vit en concubinage avec Mme A... et qu'il est père d'un enfant français né le 2 septembre 2016. Alors même qu'il n'indique pas que M. D... a conservé des liens avec son fils malgré son incarcération et que plusieurs membres de sa famille résident en France, cet arrêté a ainsi été suffisamment motivé en droit et en fait, le préfet n'étant pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé de cet arrêté doit être écarté.

3. En deuxième lieu, la motivation de l'arrêté contesté révèle que la situation personnelle et familiale de M. D... a fait l'objet d'un examen particulier.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public.

5. M. D... soutient que, dès lors qu'il a été condamné le 16 janvier 2020 à une peine d'emprisonnement de dix-huit ans, sa présence sur le territoire français ne pouvait, eu égard au long délai devant s'écouler entre la date de l'arrêté litigieux et celle de sa libération, être regardée comme constituant, à la date de cet arrêté, une menace pour l'ordre public. Toutefois, la circonstance qu'une personne est emprisonnée au moment de l'adoption de la décision d'expulsion, sans perspective de libération dans un avenir proche, n'exclut pas que son comportement représente, le cas échéant, une menace grave pour l'ordre public. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'outre cette condamnation à une peine d'emprisonnement de dix-huit ans pour meurtre, M. D... a également été condamné à trois mois d'emprisonnement pour vol le 24 février 2017, à dix mois d'emprisonnement dont six avec sursis pour transport sans motif légitime d'arme de catégorie B et D le 12 mai 2017 et à trois mois d'emprisonnement pour vol en réunion le 19 juin 2019. Ces infractions sont particulièrement graves et répétées sur une période significative et récente à la date de la mesure d'expulsion en litige. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet des Hauts-de-Seine a pu estimer, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, que la présence en France de M. D... représentait une menace grave pour l'ordre public, sans qu'y fassent obstacle sa présence sur le territoire national depuis 2014, ses liens avec sa compagne et leur enfant ainsi que les efforts entrepris par l'intéressé en prison pour se réinsérer, notamment en effectuant un suivi psychologique ou en travaillant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : / 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (...) / Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger visé au 1° à 5° peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ".

7. Ainsi qu'il a été dit, M. D... a été condamné définitivement à une peine de dix-huit ans d'emprisonnement pour meurtre. Il ne saurait ainsi se prévaloir de la protection instaurée en faveur des parents d'enfant français par les dispositions précitées du 1° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur et pouvait faire l'objet d'une expulsion en application de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors même qu'il aurait contribué effectivement à l'entretien et l'éducation de son enfant. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Hauts-de-Seine aurait commis une erreur de droit doit être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. D... soutient résider en France depuis février 2014 et entretenir depuis cette époque une communauté de vie avec une ressortissante française, mère de son enfant né le 2 septembre 2016 et avec laquelle il s'est marié en prison le 30 juin 2021. Toutefois, les pièces produites par le requérant et, notamment, l'attestation de son épouse et les relevés de parloirs faisant état de ses visites entre 2017 et 2022, ainsi que les attestations de membres de sa famille présents en France, ne permettent nullement d'établir qu'avant son incarcération, M. D... aurait noué d'autres liens suffisamment intenses à caractère amical ou professionnel. Par ailleurs, M. D... n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où réside son père et où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Dans ces conditions, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. D... et de la gravité de la menace que représente sa présence en France, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été édicté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. A l'appui de sa requête, M. D... produit notamment des relevés de parloirs et un historique de séjours en unité de vie familiale faisant état de quelques rencontres avec son fils postérieurement à l'arrêté contesté et un relevé d'opérations comptables établi par l'administration pénitentiaire indiquant que l'intéressé a effectué six virements bancaires à son épouse en 2021 et 2022. Ces éléments ainsi que les autres pièces du dossier ne permettent pas d'établir l'existence de liens suffisants entretenus entre M. D... et son fils. Dans ces conditions, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme ayant porté atteinte à l'intérêt supérieur du fils de M. D.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2023.

Le rapporteur,

G. CamenenLa présidente,

C. Signerin-Icre Le rapporteur,

G. CamenenLa présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N°22VE01679


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01679
Date de la décision : 10/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. - Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : MESUREUR

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-05-10;22ve01679 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award