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09/05/2023 | FRANCE | N°21VE00804

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 mai 2023, 21VE00804


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tip Trailer Services France a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer le rétablissement de ses déficits reportables au 1er janvier 2012 à hauteur d'une somme de 4 092 429 euros.

Par un jugement n° 1805670 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 mars 2021, le 24 juin 2021 et le 30 mai 2022, la société Tip Trailer Services France, rep

résentée par Me Buchet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rétab...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tip Trailer Services France a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer le rétablissement de ses déficits reportables au 1er janvier 2012 à hauteur d'une somme de 4 092 429 euros.

Par un jugement n° 1805670 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 mars 2021, le 24 juin 2021 et le 30 mai 2022, la société Tip Trailer Services France, représentée par Me Buchet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rétablir le montant de ses déficits reportables au titre de l'année 2012 pour un montant de 2 353 417 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en sollicitant, seulement lors de son avant-dernière intervention, l'ensemble des justificatifs des déficits des sociétés CTR et TIP imputés sur le déficit de 2003, dans un délai insuffisant de neuf jours et en dressant un procès-verbal de non présentation de comptabilité à l'issue de ce délai, le vérificateur a refusé de se prêter au débat oral et contradictoire ;

- l'article L. 51 du livre des procédures fiscales a été méconnu, dès lors que la société CTR avait déjà fait l'objet de deux vérifications de comptabilité au titre des exercices 1997 à 2002 ;

- il existe une contradiction entre les positions de l'interlocuteur départemental et du vérificateur, sur laquelle les premiers juges auraient dû se prononcer ;

- le vérificateur ne pouvait contrôler de manière illimitée et sans distinction l'ensemble des résultats déficitaires de la société CTR sans analyser au préalable si ces résultats avaient contribué aux déficits fiscaux dont le report était demandé ;

- les déficits sont suffisamment justifiés par l'ensemble des éléments produits par elle.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 mai 2021, le 4 mai 2022 et le 3 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Tip Trailer Services France ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Buchet, représentant la société Tip Trailer Services France.

Considérant ce qui suit :

1. La société Tip Trailer Services France, qui exerce l'activité de location de semi-remorques dans le cadre de contrats à court ou long terme, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2012 et 2013. A l'issue de cette vérification, le service vérificateur a adressé à l'intéressée une proposition de rectification en date du 5 août 2015 en matière d'impôt sur les sociétés, portant notamment sur le rejet des déficits reportables déclarés à l'ouverture de la période vérifiée, représentant un montant total de 4 092 429 euros, estimant que ces déficits reportables n'avaient pas été justifiés par la présentation de la comptabilité de tous les exercices antérieurs à l'origine de ces déficits reportables. La requérante a ensuite bénéficié d'un entretien avec l'interlocuteur qui a accepté de tenir compte de factures produites devant lui et d'admettre l'existence de déficits reportables pour un montant total de 1 755 975 euros au 1erjanvier 2012. La société Tip Trailer Services France relève appel du jugement n° 1805670 du 22 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcé le rétablissement à hauteur de 2 353 417 euros de ses déficits reportables au 1er janvier 2012.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La société Tip Trailer Services France soutient que les premiers juges auraient dû se prononcer sur la contradiction existant entre les positions du vérificateur et de l'interlocuteur départemental avant analyse de la justification des déficits. Toutefois, les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que le déficit de la société CRT était justifié, et n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments présentés devant eux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Il résulte des dispositions des articles L. 13 et L. 52 du livre des procédures fiscales que la vérification de comptabilité doit se dérouler au siège de l'entreprise vérifiée, de façon à permettre au contribuable d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur à partir des documents comptables. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. En l'espèce, il est constant que les opérations de vérification se sont déroulées dans les locaux de la société, en présence de la comptable de la société et de la responsable fiscale du groupe General Electric France auquel appartient la société, dûment mandatées à cet effet. Dès lors, la charge de la preuve de l'absence de débat oral et contradictoire incombe à la requérante.

4. Il résulte de l'instruction que le vérificateur avait interrogé la société Tip Trailer Services Frances sur l'origine des déficits reportés dès sa première intervention et qu'il est revenu sur ce sujet à chacune des interventions ultérieures. La société requérante savait donc qu'il était procédé au contrôle des déficits reportés, et aurait dû accomplir toutes diligences pour réunir les éléments comptables permettant d'en justifier. Si le vérificateur n'a demandé formellement la production d'éléments comptables depuis l'origine des déficits que par courrier du 12 mai 2015 reçu le 18 mai 2015, il ressort des termes mêmes de ce courrier qu'il avait sollicité au préalable un historique des déficits, mais que la société requérante ne lui avait fourni qu'un historique remontant à 1997 pour la société CTR alors que, à cette date, la société CTR disposait déjà d'un déficit de 24 499 678 euros. Si la société SIP Trailer fait valoir que le délai de neuf jours était insuffisant, elle n'établit pas en avoir demandé prorogation au vérificateur avant son expiration. Au vu de ces éléments, la société Tip Trailer Services France n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de comptabilité ou l'examen de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou d'une taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevé, l'administration ne peut procéder à une vérification de comptabilité ou à un examen de comptabilité de ces mêmes écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. ". Si la société Tip Trailer Services Frances invoque la méconnaissance de ces dispositions en faisant valoir que la société CTR a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant sur les exercices clos en 1997 à 2002, ces deux contrôles ne concernent pas le même contribuable, ni la même période que ceux concernés par la vérification de comptabilité ayant abouti aux rectifications litigieuses. Le moyen doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

6. Aux termes du I de l'article 209-1 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " (...) En cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice (...) Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants (...). Aux termes du II de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs (...) non encore déduits par la société absorbée ou apporteuse sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues respectivement au troisième alinéa du I et au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212. (...) ". Aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts dans sa rédaction applicable sur la période de constitution des amortissements réputés différés de la société CTR avant l'année 2003, soit avant la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 portant loi de finances pour 2004, ayant supprimé le régime des amortissements réputés différés : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment (...) 2°) (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, (...) y compris ceux qui auraient été différés au cours d'exercices antérieurs déficitaires. ". Selon le second alinéa de l'article 39 B du même code, dans sa rédaction applicable sur la période de constitution des amortissements réputés différés de la société CTR avant l'année 2003 : " (...) Les amortissements régulièrement comptabilisés mais réputés différés en période déficitaire sont compris dans les charges au même titre que les amortissements visés au premier alinéa du 2° de l'article 39. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sous réserve du délai, le législateur n'a entendu établir aucune distinction entre le report des déficits et celui des amortissements différés et que les amortissements régulièrement comptabilisés, mais réputés différés en période déficitaire, constituent des charges déductibles du bénéfice net imposable. Ainsi, leur report au-delà de la période prescrite concourt à la détermination des résultats imposables d'exercices non prescrits.

7. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Pour l'application des dispositions de l'article 209 du code général des impôts, il appartient, dès lors, au contribuable de justifier l'existence d'un déficit reportable et de son montant. Il s'acquitte de cette obligation par la production d'une comptabilité régulière et probante ou, à défaut, par toute autre preuve extracomptable suffisamment probante. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation en produisant une comptabilité, il incombe alors à l'administration, si elle s'y croit fondée, soit de critiquer les écritures ayant conduit à la constatation d'un déficit, soit de demander au contribuable de justifier de la régularité de ces écritures.

8. Il résulte de l'instruction que la société Tip Trailer Services France, antérieurement dénommée Eurotrec France, a absorbé sa filiale, la société Central Trailer Rentco (CTR), en 2011. A la suite de l'obtention de l'agrément prévu à l'article 209-II du code général des impôts le 7 février 2012, les déficits de CTR existant au 31 décembre 2010 ont été transférés à la requérante pour un montant de 5 115 145 euros. Il est constant que la société Tip Trailer Services France, qui n'avait plus elle-même de déficit propre reportable à l'ouverture de l'exercice 2012, a intégralement imputés les déficits de la société CTR au titre de l'exercice 2011, et que les déficits reportables dont elle demande le rétablissement proviennent de la société CTR.

9. En premier lieu, la société requérante reproche au vérificateur d'avoir contrôlé de manière illimitée et sans distinction l'ensemble des résultats déficitaires de la société CTR sans avoir analysé au préalable si ces résultats avaient contribué aux déficits fiscaux dont le report était demandé. Un tel moyen doit être écarté comme inopérant, dès lors que, après interlocution départementale, l'administration fiscale a limité son contrôle à la justification du déficit de l'année 2003. En tout état de cause, le report déficitaire opéré par un contribuable sur son résultat imposable a le caractère d'une charge de l'exercice ou de l'année dont les résultats sont grevés par ledit report. Le contrôle d'un déficit reporté, lorsqu'il est effectué à l'occasion d'une vérification de comptabilité, se rattache, alors même qu'il comporte l'extension des investigations du vérificateur à des exercices ou à des années antérieures, à la vérification de l'exercice sur lequel ou de l'année sur laquelle est opéré le report. Par suite, le vérificateur n'a pas excédé ses pouvoirs en exerçant son contrôle sur les déficits de CTR depuis leur origine qui, du fait de la décision d'agrément de transfert, ont contribué à la détermination du résultat imposable de la société requérante.

10. En deuxième lieu, la société Tip Trailer Services France soutient que les déficits qui existaient à l'ouverture de l'exercice clos en 2012 provenaient uniquement de l'exercice 2003 de la société CTR, et plus précisément de l'en-cours d'amortissements réputés différés, pour un montant de 24,4 millions d'euros. Si elle affirme que l'existence et le montant de ces déficits sont suffisamment démontrés par la production d'une comptabilité probante et non entachée d'irrégularités, elle a seulement produit à l'administration fiscale sa comptabilité au titre des années vérifiées, et celle de la société CTR au titre des années 1998 et 1999, mais non au titre des années de création des déficits, seule en mesure d'en permettre la justification dès lors que l'origine des déficits remontait à 1992. Elle ne peut invoquer une prétendue impossibilité de produire ces pièces comptables dans le délai de neuf jours, alors qu'elle n'a pas demandé de prolongation de ce délai, que la société CTR devait conserver toutes pièces justificatives utiles, sans que puisse être invoqué le délai de conservation limité que prévoit la loi en ce qui concerne les documents sur lesquels l'administration peut exercer son droit de communication, et que ces documents n'ont pas été non plus produits en première instance ou en appel.

11. A supposer même que l'on puisse admettre que les déficits qui existaient à l'ouverture de l'exercice clos en 2012 provenaient uniquement de l'exercice clos en 2003 de la société CTR, la société requérante ne produit pas non plus la comptabilité de la société CTR au titre de cet exercice. Ni la décision d'agrément du 7 février 2012, qui précise expressément qu'elle n'emporte pas approbation du montant des déficits accordés, ni la mention de ces déficits dans les liasses fiscales ou les états financiers, ni la production d'un tableau, sans certification comptable, présenté comme le registre des immobilisations de la société CTR, ne permettent d'établir la réalité de ces déficits en l'absence d'aucune production de comptabilité permettant de les corroborer. Le rapport du commissaire aux comptes au titre de l'exercice clos en 2003 fait état de la mention d'immobilisations corporelles acquises en 2003 à hauteur de 16 668 832 euros dans la déclaration de résultats de la société CTR, mais le tableau récapitulatif joint en annexe n'indique que des acquisitions d'immobilisation à hauteur de 3 256 641 euros et montre en outre que des factures sont manquantes pour démontrer ce dernier montant. Ainsi, la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que les déficits qui existaient à l'ouverture de l'exercice clos en 2012 provenaient uniquement de l'en-cours d'amortissements réputés différés transformé à l'ouverture de l'exercice 2004, ni de la régularité de la constitution de ces amortissements sur les années précédentes.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Tip Trailer Services France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Tip Trailer Services France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tip Trailer Services France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mai 2023.

La rapporteure,

C. A... Le président,

P. BEAUJARDLa greffière,

S. LOUISERELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 21VE00804


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