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21/04/2023 | FRANCE | N°21VE03269

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 21 avril 2023, 21VE03269


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'union des amis du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse et l'association de défense de la vallée de la Mérantaise et de l'environnement de Châteaufort ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la délibération du 19 septembre 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Châteaufort a adopté la modification n° 1 du plan local d'urbanisme de la commune et de mettre à la charge de la commune de Châteaufort une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 7

61-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1908786 du 15 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'union des amis du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse et l'association de défense de la vallée de la Mérantaise et de l'environnement de Châteaufort ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la délibération du 19 septembre 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Châteaufort a adopté la modification n° 1 du plan local d'urbanisme de la commune et de mettre à la charge de la commune de Châteaufort une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1908786 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a admis l'intervention de la SAS Philia, rejeté la demande de l'union des amis du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse et de l'association de défense de la vallée de la Mérantaise et de l'environnement de Châteaufort, mis à la charge de l'union des amis du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse et de l'association de défense de la vallée de la Mérantaise et de l'environnement de Châteaufort une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Châteaufort sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions présentées par la SAS Philia sur ce même fondement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er décembre 2021, le 13 décembre 2021, le 26 mai 2022 et le 16 février 2023, l'union des amis du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse et l'association de défense de la vallée de la Mérantaise et de l'environnement de Châteaufort, représentées par Me Dutoit, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette délibération ;

3°) et de mettre à la charge de la commune de Châteaufort une somme de 3 000 euros à verser à chacune d'elles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérantes soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

- la cour administrative d'appel de Versailles est territorialement compétente pour juger de cette affaire ;

- leur requête n'est pas tardive ;

- elles justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- la procédure de modification aurait dû faire l'objet d'une évaluation environnementale ;

- l'autorité environnementale s'est prononcée sur la base d'informations erronées et n'a pas compris quelle était la nature du projet ;

- l'avis d'enquête publique ne comportait pas toutes les mentions exigées par les articles R. 123-9 et R. 123-11 du code de l'environnement en ce qu'il ne faisait pas apparaître les caractéristiques du projet ;

- l'arrêté prescrivant l'enquête publique ne faisait pas référence à la modification de l'orientation d'aménagement et de programmation des Jeunes A... ;

- les conclusions du commissaire-enquêteur sont insuffisamment motivées ;

- le public a été faussement conduit à croire que la modification avait pour objet la création de logements sociaux afin de répondre à une obligation légale en ce sens ; le motif de création de logements sociaux invoqué dans la délibération du 17 janvier 2018 n'apparaît plus dans la délibération attaquée du 19 septembre 2019 ;

- le dossier soumis à l'enquête publique a fait l'objet de plusieurs ajouts qui n'ont pas été soumis au public ou aux personnes publiques associées ;

- la délibération attaquée est incompatible avec le schéma directeur de la région Ile-de-France dès lors que ce dernier classe le terrain d'assiette de la modification en espace agricole ne pouvant faire l'objet d'une densification ou urbanisation ;

- la délibération attaquée est incompatible avec le schéma régional de cohérence écologique ;

- la délibération attaquée est incompatible avec la charte du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse ;

- l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur des Jeunes A... est trop précise dans sa définition des caractéristiques des logements, en méconnaissance des articles L. 151-6 et L. 151-7 du code de l'urbanisme, et est incompatible avec le projet d'aménagement et de développement durables ;

- le projet aurait dû faire l'objet d'une révision du plan local d'urbanisme, conformément à l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il a pour effet la réduction d'une zone non aedificandi ;

- l'étude prévue par l'article L. 111-8 du code de l'urbanisme n'a pas été jointe au rapport de présentation ;

- la délibération attaquée est entachée de détournement de procédure et de détournement de pouvoir ; il est contestable que la modification d'un plan local d'urbanisme soit la conséquence de la délivrance d'un permis d'aménager à un promoteur privé.

Par des mémoires, enregistrés le 7 avril 2022, le 30 juin 2022 et le 7 mars 2023, la SAS Philia, représentée par Me Rochmann-Sackscik, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérantes une somme de 4 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 2 novembre 2022 et le 8 mars 2023, la commune de Châteaufort, représentée par la Selarl Landot et associés, avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérantes une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 31 mars 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Dutoit pour les associations requérantes, de Me D'Andrea pour la commune de Châteaufort, de Me Baysan, substituant, Me Rochmann-Sackscik pour la SAS Philia.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil municipal de la commune de Châteaufort a, par une délibération du 17 janvier 2018, décidé de prescrire la modification n° 1 du plan local d'urbanisme de la commune, approuvé le 19 mars 2014. Par un arrêté du 10 mai 2019, le maire de Châteaufort a prescrit l'enquête publique, qui s'est déroulée du 3 juin au 5 juillet 2019. Par une délibération du 19 septembre 2019, le conseil municipal de la commune de Châteaufort a approuvé la modification n° 1 du plan local d'urbanisme. L'union des amis du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse et l'association de défense de la vallée de la Mérantaise et de l'environnement de Châteaufort demandent l'annulation du jugement n° 1908786 du 15 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la légalité de la délibération attaquée :

En ce qui concerne la légalité externe :

S'agissant de la dispense d'évaluation environnementale :

2. Aux termes de l'article L. 104-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée : " Sauf dans le cas où elles ne prévoient que des changements qui ne sont pas susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, les procédures d'évolution des documents mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 donnent lieu soit à une nouvelle évaluation environnementale, soit à une actualisation de l'évaluation environnementale réalisée lors de leur élaboration ". Selon l'article L. 104-2 du même code : " Font également l'objet de l'évaluation environnementale prévue à l'article L. 104-1 les documents suivants qui déterminent l'usage de petites zones au niveau local : / 1° Les plans locaux d'urbanisme : / a) Qui sont susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, compte tenu notamment de la superficie du territoire auquel ils s'appliquent, de la nature et de l'importance des travaux et aménagements qu'ils autorisent et de la sensibilité du milieu dans lequel ceux-ci doivent être réalisés (...) ".

3. D'une part, si les requérantes soutiennent que le projet est de nature à avoir un impact sur le secteur concerné par la modification litigieuse du plan local d'urbanisme compte tenu de ce que le site est vierge de toute construction, largement végétalisé et arboré, ces seules affirmations ne permettent pas d'établir que la modification en cause aurait sur l'environnement des incidences " notables " au sens des dispositions citées ci-dessus alors, au demeurant, que la procédure a été dispensée d'évaluation environnementale par une décision de la mission régionale d'autorité environnementale Ile-de-France du 24 mai 2019.

4. D'autre part, il ressort de la réponse faite par la mission régionale d'autorité environnementale Ile-de-France au commissaire-enquêteur le 8 juillet 2019, que l'autorité environnementale s'est prononcée sur la base d'un dossier lui ayant permis de prendre la mesure de la modification envisagée, à savoir l'ouverture à l'urbanisation de la zone 2AU en l'intégrant dans la zone 1AU et les modifications nécessaires de l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur des Jeunes A.... Si la décision du 24 mai 2019 fait référence à la suppression de la zone non aedificandi, cette seule circonstance ne saurait suffire à démontrer, au vu de la réponse du 8 juillet 2019, que l'autorité environnementale aurait été trompée sur la nature de la modification opérée par la délibération litigieuse. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité environnementale se serait prononcée sur la base d'une appréciation erronée de la portée et de la nature de la modification doit être écarté.

S'agissant de la régularité de l'enquête publique :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-9 du code de l'environnement, dans sa version applicable à la date de la délibération attaquée : " I. - L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête précise par arrêté les informations mentionnées à l'article L. 123-10, quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et après concertation avec le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête. Cet arrêté précise notamment : / 1° Concernant l'objet de l'enquête, les caractéristiques principales du projet, plan ou programme ainsi que l'identité de la ou des personnes responsables du projet, plan ou programme ou de l'autorité auprès de laquelle des informations peuvent être demandées ; / 2° En cas de pluralité de lieux d'enquête, le siège de l'enquête, où toute correspondance postale relative à l'enquête peut être adressée au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête ; / 3° L'adresse du site internet comportant un registre dématérialisé sécurisé auxquelles le public peut transmettre ses observations et propositions pendant la durée de l'enquête. En l'absence de registre dématérialisé, l'arrêté indique l'adresse électronique à laquelle le public peut transmettre ses observations et propositions ; / 4° Les lieux, jours et heures où le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête, représentée par un ou plusieurs de ses membres, se tiendra à la disposition du public pour recevoir ses observations ; / 5° Le cas échéant, la date et le lieu des réunions d'information et d'échange envisagées ; / 6° La durée, le ou les lieux, ainsi que le ou les sites internet où à l'issue de l'enquête, le public pourra consulter le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête ; (...) ". Selon l'article R. 123-11 du même code : " I. - Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. Pour les projets d'importance nationale et les plans et programmes de niveau national, cet avis est, en outre, publié dans deux journaux à diffusion nationale quinze jours au moins avant le début de l'enquête. (...) ".

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté prescrivant l'enquête publique pris par le maire de Châteaufort le 10 mai 2019 indique qu'il sera procédé à une enquête publique sur la modification n° 1 du plan local d'urbanisme de la commune et que le projet de modification porte " sur l'ouverture à l'urbanisation de la zone 2AU afin de faciliter à court terme la réalisation d'une opération résidentielle mixte d'une capacité de 65 logements environ dont 25% de logements à caractère social ". Par suite, cet arrêté est conforme aux exigences précitées de l'article R. 123-9 du code de l'environnement, qui n'imposent pas qu'il fasse référence à l'ensemble des éléments susceptibles d'être modifiés par la procédure de modification.

7. D'autre part, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'un dossier mis à l'enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de cette enquête publique que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population. En l'espèce, si l'avis d'enquête publique, régulièrement publié dans plusieurs journaux régionaux ou locaux, se borne à mentionner l'ouverture d'une enquête publique portant " sur le projet de modification du plan local d'urbanisme ", il résulte de ce qui a été exposé au point précédent que l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique, affiché en mairie ainsi que sur des panneaux à l'extérieur de la mairie, précisait suffisamment les caractéristiques du projet. Par suite, compte tenu des modalités d'affichage de l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique, la circonstance que l'avis d'enquête publique ne mentionnait pas les caractéristiques du projet n'a pas eu pour effet de nuire à l'information complète du public.

8. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation des conclusions du commissaire-enquêteur par les mêmes motifs que ceux retenus, à bon droit, par les premiers juges au point 10 du jugement attaqué.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 123-18 du code de l'environnement : " (...) Après clôture du registre d'enquête, le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête rencontre, dans un délai de huit jours, le responsable du projet, plan ou programme et lui communique les observations écrites et orales consignées dans un procès-verbal de synthèse. Le délai de huit jours court à compter de la réception par le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête du registre d'enquête et des documents annexés. Le responsable du projet, plan ou programme dispose d'un délai de quinze jours pour produire ses observations. (...) ".

10. D'une part, le document contenant " 10 questions et réponses " annexé au rapport du commissaire-enquêteur postérieurement à la clôture de l'enquête publique correspond aux observations de la commune en réponse au procès-verbal de synthèse prévu par l'article R. 123-18 du code de l'environnement, qui, conformément aux dispositions précitées, ne peut être soumis que postérieurement à la clôture de l'enquête publique. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été ajouté au dossier d'enquête publique postérieurement à la clôture de l'enquête sans avoir été soumis aux personnes publiques associées ou au public doit être écarté.

11. D'autre part, en réponse aux observations du commissaire-enquêteur, la commune de Châteaufort a également produit, postérieurement à la clôture du registre d'enquête, une " étude d'entrée de ville ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette étude vise à justifier la réduction de la zone non aedificandi de part et d'autre de la route départementale 36 opérée lors de la révision du plan local d'urbanisme en 2014 et sur laquelle la modification du plan local d'urbanisme en litige n'a aucune incidence. Par suite, cette étude, donnée à titre explicatif, n'avait pas à être annexée au dossier d'enquête publique et le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas été soumise aux personnes publiques associées ou au public doit être écarté.

12. En quatrième lieu, si une obligation de réaliser des logements sociaux en application de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) a été évoquée au cours de la séance du conseil municipal du 17 janvier 2018, cette obligation légale, au demeurant non applicable dans les communes de moins de 1 500 habitants telles que la commune de Châteaufort, n'a pas été reprise dans les motifs de la délibération du même jour prescrivant la modification du plan local d'urbanisme, qui se borne à faire état de la " nécessité ", non qualifiée juridiquement d'obligation, de réaliser des logements sociaux compte tenu du faible nombre de logements de cette nature dans la commune. L'additif au rapport de présentation du plan local d'urbanisme ne fait pas davantage état d'une obligation légale de réaliser de tels logements cette volonté ne résultant que d'un choix de la commune de " favoriser le développement de programmes proposant des logements adaptés aux ménages les plus modestes " afin de " conserver et encourager cette mixité de population ", comme l'indique le projet d'aménagement et de développement durables. Dans ces conditions, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la procédure de modification aurait été fondée sur un motif erroné de nature à fausser l'information du public. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que la délibération du 17 janvier 2018 serait entachée d'illégalité dès lors qu'elle serait fondée sur une obligation légale de créer des logements sociaux doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant de la compatibilité et la prise en compte des documents supérieurs :

13. L'article L. 131-1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la délibération attaquée, prévoit que : " Les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec : (...) / 3° Le schéma directeur de la région d'Ile-de-France prévu à l'article L. 123-1 ; / (...) 6° Les chartes des parcs naturels régionaux prévues à l'article L. 333-1 du code de l'environnement ; (...) ". En outre, selon l'article L. 131-2 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la délibération attaquée : " Les schémas de cohérence territoriale prennent en compte : (...) / 2° Les schémas régionaux de cohérence écologique prévus à l'article L. 371-3 du code de l'environnement ; (...) ". En vertu de l'article L. 131-7 du même code, dans sa version alors en vigueur : " En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont compatibles, s'il y a lieu, avec les documents énumérés aux 1° à 10° de l'article L. 131-1 et prennent en compte les documents énumérés à l'article L. 131-2. (...) ".

14. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des articles L. 131-1 3° et L. 131-7 du code de l'urbanisme qu'au sein de la région d'Ile-de-France les schémas de cohérence territoriale et, en leur absence, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont soumis à une obligation de compatibilité avec le schéma directeur de cette région. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour prendre en compte les prescriptions du schéma directeur de la région, si le schéma de cohérence territoriale ou, en son absence, le plan local d'urbanisme, le document en tenant lieu ou la carte communale ne contrarie pas les objectifs et les orientations d'aménagement et de développement fixés par le schéma, compte tenu du degré de précision des orientations adoptées, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque orientation ou objectif particulier.

15. Si les requérantes soutiennent que le terrain d'assiette de la modification du plan local d'urbanisme est classé en espace agricole par le schéma directeur de la région Ile-de-France et ne pourrait donc, pour cette raison, être ouvert à l'urbanisation, elles ne visent aucune des dispositions du schéma directeur de la région Ile-de-France applicables aux espaces agricoles. Au surplus, à supposer même que l'intégralité du secteur concerné par la modification serait un espace agricole au sens du schéma directeur de la région Ile-de-France, son classement en zone à urbaniser n'est pas incompatible avec les orientations du schéma directeur de la région d'Ile-de-France, compte tenu de la faible superficie des terrains concernés au regard de l'ensemble du territoire communal et des superficies agricoles qu'il accueille. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité de la modification litigieuse avec le schéma directeur de la région Ile-de-France doit être écarté.

16. En deuxième lieu, si les requérantes soutiennent que la modification litigieuse est incompatible avec la charte du parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse, elles ne citent aucune disposition de cette charte. Au surplus, la circonstance que le parc naturel régional aurait émis des doutes quant aux conditions d'aménagement de la partie nord de l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur des Jeunes A..., correspondant à la parcelle cadastrée AA 9, n'est pas, à elle seule, de nature à démontrer l'incompatibilité de la modification litigieuse avec la charte du parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse alors que l'ensemble du secteur est identifié comme une zone dans laquelle il est prévu de " densifier les tissus urbains existants " et de " conduire un urbanisme endogène au sein des espaces préférentiels de densification " et que la délibération attaquée a pour objet principal de modifier le zonage applicable à la parcelle cadastrée AA 10, désormais classée en zone 1AUb, sans modifier les principes d'aménagement de la parcelle cadastrée AA 9 dont la vocation de zone d'activité mixte a été définie lors de la révision du plan local d'urbanisme en 2014. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité de la délibération attaquée avec la charte du parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse doit être écarté.

17. En dernier lieu, si les requérantes soutiennent que le terrain d'assiette de la modification litigieuse est classé en " mosaïque agricole " par le schéma régional de cohérence écologique, elles ne visent aucune disposition de ce schéma qui interdirait l'ouverture à l'urbanisation d'un tel secteur alors, au demeurant, que les dispositions précitées imposent uniquement la prise en compte des dispositions du schéma régional de cohérence écologique.

S'agissant de l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur des Jeunes A... :

18. Aux termes de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports et les déplacements. (...) ". Selon l'article L. 151-7 du même code : " I. - Les orientations d'aménagement et de programmation peuvent notamment : / 1° Définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l'environnement, notamment les continuités écologiques, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain, favoriser la densification et assurer le développement de la commune et assurer le développement de la commune ; / 2° Favoriser la mixité fonctionnelle en prévoyant qu'en cas de réalisation d'opérations d'aménagement, de construction ou de réhabilitation un pourcentage de ces opérations est destiné à la réalisation de commerces ; / 3° Comporter un échéancier prévisionnel de l'ouverture à l'urbanisation des zones à urbaniser et de la réalisation des équipements correspondants ; / 4° Porter sur des quartiers ou des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager ; / 5° Prendre la forme de schémas d'aménagement et préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics ; (...) ".

19. D'une part, les requérantes soutiennent que l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur des Jeunes A... est trop prescriptive et méconnaît à ce titre les dispositions précitées du code de l'urbanisme. Toutefois, il ressort des termes mêmes de l'orientation d'aménagement et de programmation que cette dernière, qui définit les conditions d'aménagement de deux sous-secteurs, dont l'un " principalement résidentiel " et l'autre " principalement voué à accueillir un programme économique mixte ", se borne à indiquer, pour le premier secteur, que seront réalisées " au moins 9 maisons individuelles " et que " les logements collectifs seront répartis en 2 bâtiments minimum ". Si ce document précise également qu'il " sera privilégié une volumétrie limitée des constructions ne dépassant pas R+2+C " ces mentions ne sont que le rappel des dispositions prévues par le règlement de la zone 1AUb applicable dans ce secteur. De même, le document relatif à l'orientation d'aménagement et de programmation se borne à indiquer qu'une " attention particulière sera apportée quant à l'insertion des nouvelles constructions dans le contexte environnant " et que " la compacité des formes urbaines sera favorisée ". S'il est également prévu la réalisation de 25% de logements sociaux et que " le programme de l'OAP correspond à 23 000 m² de surface de plancher environ ", cette orientation d'aménagement et de programmation, par son contenu et les termes retenus, doit être regardée comme définissant une opération visant à aménager un secteur au sens des dispositions précitées de l'article L. 151-7 du code de l'urbanisme, sans fixer précisément les caractéristiques ou l'emplacement des constructions susceptibles d'être édifiées. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur des Jeunes A... doit être écarté.

20. D'autre part, les requérantes soutiennent que l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur des Jeunes A... serait incohérente avec le projet d'aménagement et de développement durables en ce qu'elle prévoit la réalisation d'une zone d'activité mixte comprenant des commerces et des activités d'hôtellerie et de restauration. Toutefois, il ressort du projet d'aménagement et de développement durables que ce dernier prévoit de " renforcer le tissu économique à l'échelle locale " en mettant en place des " mesures afin de pérenniser le dynamisme (...) du tissu économique local " notamment par la " création d'une nouvelle offre hôtelière sur le terrain aujourd'hui libre de toute occupation situé en limite nord du quartier de la Perruche et en abord de la RD 36 ". Dans ces conditions, l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur des Jeunes A..., dont la vocation définie par la révision du plan local d'urbanisme approuvée le 19 mars 2014 n'a en tout état de cause pas été modifiée par la délibération attaquée, n'est pas incohérente avec le projet d'aménagement et de développement durables.

S'agissant de la réduction de la zone non aedificandi :

21. Si les requérantes soutiennent que seule une procédure de révision du plan local d'urbanisme pouvait décider de réduire l'emprise de la zone non aedificandi le long de la route départementale 36 de 75 à 35 mètres, il ressort des pièces du dossier que cette réduction a été décidée lors de la révision du plan local d'urbanisme approuvée par une délibération du 19 mars 2014. Ainsi, la circonstance que l'orientation d'aménagement et de programmation rappelle cette évolution est sans incidence sur la légalité de la réduction de la zone non aedificandi à laquelle elle n'apporte aucune modification par rapport à ce qui a été approuvé en 2014. Par suite, les moyens tirés de ce que la délibération du 19 septembre 2019 méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme et les dispositions de l'article L. 111-8 de ce même code doivent être écartés.

S'agissant du détournement de pouvoir et de procédure :

22. La circonstance que la modification du plan local d'urbanisme aurait pour effet de permettre à la société Philia de réaliser ses projets d'aménagement n'est pas, par elle-même, de nature à établir que la délibération en cause ne serait pas motivée par l'intérêt général, lequel consiste, en l'espèce, selon le parti d'urbanisme retenu par le conseil municipal, à permettre la réalisation de logements et l'installation d'activités économiques. Par suite, les moyens tirés de l'existence d'un détournement de pouvoir et de procédure doivent être écartés.

23. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Châteaufort, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les requérantes demandent à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge solidaire des requérantes une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Châteaufort sur le fondement des mêmes dispositions. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la SAS Philia sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'union des amis du parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse et autre est rejetée.

Article 2 : L'union des amis du parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse et l'association de défense de la vallée de la Mérantaise et de l'environnement de Châteaufort verseront solidairement à la commune de Châteaufort une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SAS Philia sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'union des amis du parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse, à l'association de défense de la vallée de la Mérantaise et de l'environnement de Châteaufort, à la commune de Châteaufort et à la société Philia.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Houllier, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 avril 2023.

La rapporteure,

S. B...Le président,

B. EVENLa greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

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N° 21VE03269


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03269
Date de la décision : 21/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SELARL LANDOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-04-21;21ve03269 ?
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