La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/2023 | FRANCE | N°21VE01017

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 18 avril 2023, 21VE01017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Chronopost a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision de l'inspectrice du travail de la 2ème unité de contrôle de la direction générale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France du 12 janvier 2018 de refus d'autoriser le licenciement de M. A... C..., et, d'autre part, d'annuler la décision du 16 juillet 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé à l'encont

re de la décision de l'inspectrice du travail du 12 janvier 2018.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Chronopost a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision de l'inspectrice du travail de la 2ème unité de contrôle de la direction générale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France du 12 janvier 2018 de refus d'autoriser le licenciement de M. A... C..., et, d'autre part, d'annuler la décision du 16 juillet 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision de l'inspectrice du travail du 12 janvier 2018.

Par un jugement n° 1806403 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée 7 avril 2021, la société Chronopost, représentée par Me Tréton, avocat, demande à la cour :

1°) d'infirmer ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 16 juillet 2018 rejetant le recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision de l'inspectrice du travail du 12 janvier 2018 ;

3°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail de la 2ème unité de contrôle de la direction générale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France du 12 janvier 2018 refusant l'autorisation de licencier pour faute M. A... C... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 16 juillet 2018 méconnaît les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail dans la mesure où les faits fautifs n'étaient pas prescrits à la date de convocation du salarié à l'entretien préalable, soit le 9 octobre 2017, dès lors que le réquisitoire supplétif intervenu le 23 mars 2017 a interrompu le délai de prescription de deux mois pour engager des poursuites disciplinaires ; en effet, d'une part, les poursuites pénales doivent être engagées à raison de faits et non dirigées nominativement contre des personnes, l'instruction préalable à des poursuites pénales nécessitant un certain temps ; d'autre part, il est établi que ce réquisitoire supplétif concerne les faits commis par M. C... ; enfin, l'information de l'employeur quant aux poursuites engagées et son intention de s'en prévaloir ne sont pas prévues par le texte ;

- la décision du 12 janvier 2018 est entachée d'erreur d'appréciation dès lors, d'une part, que les faits reprochés à M. C... sont établis ; les procédures internes portées à la connaissance des salariés ont été méconnues, aucune faute collective ne peut être opposée, le destinataire des colis rémunérait le salarié et la complicité entre les deux salariés impliqués est établie ; d'autre part, les faits en cause sont suffisamment graves pour justifier un licenciement ;

- la demande d'autorisation de licenciement est sans lien avec le mandat de représentant du personnel détenu par M. C..., ainsi que l'a relevé l'inspectrice du travail ;

- aucun motif d'intérêt général n'est susceptible de justifier le refus d'autorisation de licenciement.

Par un mémoire, enregistré le 19 juillet 2022, M. A... C... conclut au rejet de la requête et à ce que la société Chronopost soit condamnée à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les faits sont prescrits au sens des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, ni un dépôt de plainte, ni l'ouverture d'une enquête préliminaire ne constituant des poursuites pénales susceptibles d'interrompre la prescription ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- les vidéos de surveillance sur lesquelles l'employeur s'appuie ne lui ont pas été montrées lors des deux entretiens préalables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me Castineiras, pour la société Chronopost.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., employé par contrat à durée indéterminée au sein de la société Chronopost depuis le 7 juillet 2003, exerce les fonctions d'équipier support sur le site de l'agence de Massy et, à l'époque des faits, un mandat de délégué du personnel titulaire pour le Syndicat Sud. A la suite de deux interventions des services douaniers sur ce site les 13 et 14 mars 2017, qui ont donné lieu à la saisie respectivement de sept et vingt-trois colis en provenance de Chine comportant des chaussures de sport contrefaites, la direction de la sûreté de la société Chronopost a procédé à une enquête interne qui l'a conduite, le 21 mars suivant, à déposer une plainte contre M. C..., pour abus de confiance. Par courrier du 9 octobre 2017, M. C... a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave. Le 15 novembre 2017, la société Chronopost a demandé à l'inspectrice du travail de la 2ème unité de contrôle de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France l'autorisation de licencier pour faute M. C.... Par une décision du 12 janvier 2018, l'inspectrice du travail a refusé d'accorder cette autorisation. A la suite du recours hiérarchique formé le 13 mars 2018, la ministre du travail a, par une décision du 16 juillet 2018, confirmé la décision de refus d'autorisation de licencier, au motif nouveau de la prescription des faits reprochés à M. C.... La société Chronopost fait appel du jugement du 11 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 12 janvier et 16 juillet 2018.

Sur la légalité de la décision du 16 juillet 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que pour confirmer le refus de l'inspectrice du travail d'autoriser la société Chronopost à licencier M. C..., la ministre du travail s'est fondée sur le fait qu'à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable, soit le 9 octobre 2017, qui constitue l'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés à M. C... étaient prescrits en application des dispositions précitées de l'article L. 1332-4 du code du travail et ne pouvaient donc plus servir de fondement à un licenciement, dès lors que l'employeur avait eu une connaissance exacte de ces faits dès le 22 mars 2017. Il est établi que le responsable sûreté du site Chronopost " Chilly Agence " a déposé plainte le 21 mars 2017 pour abus de confiance contre M. C... et toute autre personne concernée, au motif que les moyens de la société avaient été utilisés pour faciliter un trafic de produits contrefaits. Toutefois, cette plainte, qui a été instruite dans le cadre d'une information judiciaire ouverte par le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Evry pour des faits commis " entre le 31 août 2015 et le 14 mars 2017, en Ile-de-France et à Massy et dans l'Essonne " et consistant à avoir " détourné les moyens matériels et humains qui lui avaient été remis et qu'il avait acceptés à charge d'en faire un usage déterminé et ce, au préjudice de la société Chronopost ", si elle a amené la société Chronopost à se constituer partie civile, a donné lieu à la notification d'un avis à partie civile le 13 septembre 2017 indiquant qu'un réquisitoire supplétif a été pris dès le 23 mars 2017 concernant l' " importation sans déclaration de marchandises prohibées comme présentées sous une marque contrefaite avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée entre le 31 août 2015 et le 14 mars 2017 ", avec mise en examen d'un tiers mais sans précision quant au sort réservé à M. C.... Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits reprochés à M. C..., qui n'ont fait l'objet que d'une plainte de la part de l'employeur sans constitution de partie civile à la date du 21 mars 217, auraient donné lieu à poursuites pénales dans les deux mois suivant la date à laquelle l'employeur en a eu connaissance. Dans ces conditions, les faits en cause étaient prescrits au moment où l'employeur a engagé à l'encontre de M. C... des poursuites disciplinaires le 9 octobre 2017. Par suite, la décision de la ministre du travail du 16 juillet 2018, qui confirme le refus d'autoriser le licenciement de M. C... à raison de la prescription des faits, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail.

Sur la légalité de la décision du 12 janvier 2018 :

4. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'aux termes de sa décision du 12 janvier 2018, l'inspectrice du travail a considéré que les faits reprochés par la société Chronopost à M. C..., tenant à " avoir sciemment participé, durant ses heures de travail et à l'aide du matériel et des moyens mis à sa disposition par la société, à un trafic de marchandises contrefaites ", " s'être livré à cette activité illicite en violant les procédures internes de remise des colis qu'il devait respecter ", " s'être fait remettre, en rémunération de sa participation au trafic, des sommes d'argent par le destinataire des colis " et " avoir opéré avec l'aide d'un autre salarié complice au sein de l'agence ", n'étaient pas établis. Toutefois, si la société Chronopost conteste cette décision en soutenant que ces faits sont avérés et suffisamment graves pour justifier un licenciement, elle ne conteste pas, en revanche, la régularité de la substitution de motifs à laquelle le tribunal administratif a procédé en première instance, laquelle est fondée pour les motifs retenus au point 3 de l'arrêt. Dans ces conditions, nonobstant l'éventuel bien-fondé des motifs retenus par l'inspectrice du travail dans sa décision du 12 janvier 2018, dès lors que les faits reprochés à M. C... étaient prescrits à la date d'engagement de la procédure disciplinaire, la société Chronopost n'est pas fondée à soutenir que cette première décision serait entachée d'une erreur d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Chronopost n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 12 janvier et 16 juillet 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il n'apparaît pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Chronopost est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Chronopost, à M. A... C... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.

La rapporteure,

M.-G. B...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE01017 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01017
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-04-18;21ve01017 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award