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18/04/2023 | FRANCE | N°19VE03898

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 18 avril 2023, 19VE03898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... J..., Mme C... H..., Mme B... A..., Mme K... I..., M. O... N... et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 2 rue de la mairie dans la commune de Tremblay-en-France ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté 29 mars 2018 du maire de la commune de Tremblay-en-France ordonnant la démolition de l'ensemble immobilier situé 2 rue de la mairie.

Par un jugement n° 1804858 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
>Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2019, Mme J...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... J..., Mme C... H..., Mme B... A..., Mme K... I..., M. O... N... et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 2 rue de la mairie dans la commune de Tremblay-en-France ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté 29 mars 2018 du maire de la commune de Tremblay-en-France ordonnant la démolition de l'ensemble immobilier situé 2 rue de la mairie.

Par un jugement n° 1804858 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2019, Mme J... et les autres requérants, représentés par Me Picard, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2019 , ainsi que l'arrêté du 29 mars 2018 du maire de la commune de Tremblay-en-France ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Tremblay-en-France une somme de 1 000 euros à verser à chacun des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- en l'absence de pose des témoins préconisés par la société IBC pour connaître l'évolution de l'immeuble sur 6 mois, il n'est pas possible de s'assurer que la démolition est la seule mesure à envisager ; la mairie reconnaissait d'ailleurs que plusieurs éléments structurels du bâtiment nécessitaient une étude technique complémentaire pour vérifier leur état de conservation et leur solidité.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2020, la commune de Tremblay-en-France conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir ;

- le jugement est suffisamment motivé ;

- l'arrêté du 29 mars 2018 est suffisamment motivé ;

- l'état de l'immeuble nécessite des travaux de grande ampleur ; la société IBC n'a pas effectué les travaux de mesures et sondages préconisés par l'expert judiciaire et n'a pas défini les travaux nécessaires ;

- la démolition a été ordonnée dans la mesure où les frais de réhabilitation s'avéraient aussi importants qu'une véritable reconstruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme M...,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pasquio, pour la commune de Tremblay-en-France.

Considérant ce qui suit :

1.Par un arrêté du 6 juillet 2017, le maire de la commune de Tremblay-en-France a déclaré l'état de péril imminent d'un immeuble situé 2 rue de la mairie, et prescrit à ses copropriétaires d'exécuter en urgence diverses mesures de sauvegarde, dont l'interdiction d'accès et d'habitation dans les lieux ainsi que la réalisation de diagnostics portant sur la structure du bâtiment. Par un arrêté du 16 octobre 2017, qui a complété le précédent, le maire a étendu la déclaration de l'état de péril imminent à une partie de construction située en extension de l'immeuble et prescrit aux copropriétaires la réalisation en urgence de mesures d'évacuation et de travaux de mise en sécurité. Par un arrêté du 29 mars 2018, le maire a poursuivi la procédure par une déclaration de péril ordinaire et a ordonné aux copropriétaires de faire procéder à la démolition totale de l'immeuble dans un délai de quatre mois à compter de la notification de cet arrêté et décidé qu'en cas d'inexécution par les propriétaires il y serait procédé d'office par la commune aux frais exclusifs des copropriétaires, chacun pour ce qui le concerne. Les copropriétaires ont demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2018 en tant qu'il ordonne la démolition de cet immeuble. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " les jugements sont motivés ".

3. Il ressort de l'examen du jugement attaqué d'une part que ce dernier a pris en compte l'étude réalisée par le cabinet IBC à la demande des copropriétaires et a considéré qu'il n'en résultait pas que le bâtiment faisant l'objet de l'arrêté attaqué pourrait être remis en état au moyen de travaux d'une importance limitée, que la note du cabinet IBC, qui au demeurant énonçait que l'immeuble présentait des pathologies d'ordre structurel résultant de facteurs internes et externes, n'excluait pas qu'il soit nécessaire, en fonction des résultats des investigations proposées, de procéder à une réhabilitation " lourde ", dans le cas où les planchers de la construction devraient être remplacés. Le jugement a ensuite étudié les travaux préconisés par l'étude du cabinet IBC, et portant sur un curage du bâtiment, opération consistant à déposer l'ensemble des huisseries extérieures et intérieures, les réseaux, les cloisons dans les parties communes, l'escalier, dont le replacement était envisagé, ainsi que les enduits muraux, la note précisant à ce titre qu'il pourrait être nécessaire de procéder à la consolidation des murs, dont elle évoquait la probable fragilité, par des injections de coulis de ciment et de résines, ainsi que le renforcement des ouvertures des portes et des fenêtres, sans exclure des travaux importants sur les fondations, en fonction des résultats d'investigations complémentaires. Le jugement mentionne également que cette étude rappellait aussi l'obligation de faire effectuer des diagnostics obligatoires de détection de présence d'amiante et de plomb et qu'elle évoquait l'utilité d'une étude géotechnique, coûteuse, en vue de connaitre la consistance du terrain sur lequel repose l'immeuble. Le tribunal a ainsi examiné et pris en compte le résultat de l'étude réalisée par le cabinet IBC ainsi que les travaux préconisés.

4.Par ailleurs, concernant les vices de légalité interne et externe invoqués devant le tribunal administratif, il ressort de l'examen du jugement attaqué qu'il écarte de manière motivée le défaut de motivation de l'arrêté attaqué, le défaut d'examen particulier de l'affaire, qui découle des motifs de l'arrêté attaqué, qu'il écarte le moyen tiré du défaut de reproduction dans l'arrêté de l'article L.511-1-1 du code de la construction et de l'habitation, le moyen tiré du défaut d'accomplissement des formalités de communication prévues par l'article R.511-4 du même code, les erreurs de fait alléguées, et le moyen tiré de l'absence de nouveau rapport sur l'état de la construction. En se bornant à soutenir que le jugement n'écarte pas les nombreux vices de légalité interne et externe invoqués sans préciser desquels il s'agit, les requérants n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement doit être écarté.

Sur la fin de non-recevoir opposée :

5. Mme J..., Mme H..., Mme I..., M. N..., Mme L... D... et M. E... G... apportent la preuve de leur qualité de copropriétaires de l'immeuble concerné par l'arrêté attaqué. En revanche, le syndic de copropriété n'établit pas avoir été autorisé par l'assemblée générale des copropriétaires pour introduire un appel au nom du syndicat des copropriétaires. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense ne peut être retenue qu'à l'encontre du syndic de copropriété.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable: " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique (...) ".

7. Un arrêté de péril ordinaire ne peut prescrire la démolition d'un immeuble que si les mesures de réparation ne remédieraient pas de façon efficace et durable aux dangers qu'il présente ou lorsque les réparations nécessaires seraient d'une importance telle qu'elles équivaudraient à une véritable reconstruction.

8. Les requérants soutiennent que l'étude menée par le cabinet IBC ne fait pas état d'une menace sur la solidité de l'immeuble et qu'elle envisage comme techniquement réalisable des travaux de rénovation ou de réhabilitation. Toutefois, cette étude préconise d'effectuer des diagnostics supplémentaires pour déterminer les moyens à utiliser et le coût d'une réhabilitation.

Le diagnostic de structure réalisé par le bureau d'études 3B-IC le 22 septembre 2017 en vue de vérifier la stabilité du bâtiment relève de nombreux désordres mais préconise à très court terme, compte des fissures constatées, un butonnage de la façade côté cour et la stabilisation du pignon sur la route de Roissy si des travaux de réhabilitation ou de démolition ne sont pas rapidement mis en œuvre. Le rapport du cabinet de consultants BTP Consultants conclut soit à des travaux de reprise en sous-œuvre et en superstructure ou à la démolition-reconstruction. Compte tenu de la possibilité évoquée par ces rapports d'une réhabilitation de l'ensemble immobilier, dont l'ampleur n'est toutefois pas déterminée, il y a lieu pour la cour avant de se prononcer sur la légalité de l'arrêté attaqué, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer si une réhabilitation de l'ensemble immobilier est techniquement réalisable pour remédier aux désordres affectant sa solidité, de décrire les travaux de réparation nécessaires et leur ampleur, d'évaluer la valeur marchande du bien immobilier et le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres affectant sa solidité.

D E C I D E :

Article 1er : Il est, avant dire droit sur le bien-fondé des conclusions de la requête dirigées contre l'arrêté du 29 mars 2018 du maire de la commune de Tremblay-en-France, ordonné qu'il soit procédé à une expertise.

Article 2 : L'expert aura pour mission de :

1°) déterminer si une réhabilitation de l'ensemble immobilier est techniquement réalisable pour remédier aux désordres affectant sa solidité ;

2°) de décrire les travaux de réparation nécessaires et leur ampleur ;

3°) d'évaluer la valeur marchande du bien immobilier et le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres affectant sa solidité.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... J... en tant que représentant unique et à la commune de Tremblay-en-France.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.

La rapporteure,

A.C. M...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 19VE03898


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03898
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : CABINET EOS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-04-18;19ve03898 ?
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