Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de l'Essonne a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le lot n° 6 (électricité courant fort courant faible) du marché de travaux de restructuration du bâtiment E de l'ancien lycée Louis Blériot en locaux associatifs, conclu par la commune d'Etampes avec la société Prunevieille le 2 novembre 2021.
Par un jugement n° 2202161 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Versailles a résilié ce marché.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 12 août 2022 et le 12 octobre 2022, sous le n° 22VE02027, la commune d'Etampes, représentée par Me Salamand, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter le déféré du préfet de l'Essonne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé quant à la réponse apportée à fin de non-recevoir qu'elle a opposée ; l'extrait K bis de la société Prunevieille et sa signature électronique n'étant pas nécessaires à l'exercice du contrôle de légalité, le déféré était tardif car introduit plus de quatre mois après la transmission des documents du marché ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé quant au caractère anormalement bas de l'offre de la société Prunevieille ;
- le déféré du préfet était tardif ; le courrier du 29 décembre 2021 ne constituait pas un recours gracieux ; l'extrait K bis et la signature électronique de la société Prunevieille demandés dans ce courrier n'étaient pas nécessaires pour apprécier la portée et la légalité du marché ;
- le caractère anormalement bas de l'offre de la société Prunevieille n'est pas établi ; un écart avec la valeur estimée du marché ou avec l'autre offre est insuffisant à cet égard ; les deux entreprises ayant remis une offre présentent des caractéristiques économiques, techniques et financières très différentes ; la société Prunevieille a présenté une offre de moins bonne qualité technique ;
- la mesure de résiliation décidée par le tribunal administratif porte une atteinte excessive à l'intérêt général ; la quasi-totalité des prestations était achevée à la date de l'audience ; la livraison de la maison des associations était prévue à la fin du mois de novembre 2022, celles-ci devant quitter leurs anciens locaux au plus tard le 31 décembre 2022 ; les conséquences financières sont très lourdes pour l'exposante, les titulaires des autres lots devant notamment être indemnisés du fait de l'ajournement des travaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, le préfet de l'Essonne demande à la cour de rejeter la requête de la commune d'Etampes.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 12 août 2022 et 20 décembre 2022, sous le n° 22VE02028, la commune d'Etampes représentée par Me Salamand, avocat, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2202161 du tribunal administratif de Versailles du 7 juillet 2022.
Elle soutient que :
- à titre principal, elle justifie de moyens sérieux de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation partiellement accueillies ; le jugement attaqué n'a pas été suffisamment motivé ; la demande du préfet de l'Essonne était tardive et irrecevable ; elle n'était pas fondée, en l'absence d'élément permettant de rejeter l'offre de la société Prunevieille comme anormalement basse ; la résiliation porte une atteinte excessive à l'intérêt général ; ainsi, le sursis à exécution du jugement doit être prononcé sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;
- à titre subsidiaire, l'exécution de la décision de première instance entraîne des conséquences irréparables ; l'exposante justifie de moyens sérieux ; ainsi, le sursis à exécution du jugement doit être prononcé sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, le préfet de l'Essonne demande à la cour de rejeter la requête de la commune d'Etampes.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la commande publique ;
- le décret n° 2021-631 du 21 mai 2021 ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Brami, pour la commune d'Etampes.
Considérant ce qui suit :
1. Par la requête n° 22VE02027, la commune d'Etampes relève appel du jugement du 7 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles, sur déféré du préfet de l'Essonne, a résilié le contrat confiant à la société Prunevieille le lot n° 6 du marché de restructuration du bâtiment E de l'ancien lycée Louis Blériot. Par la requête n° 22VE02028, la commune d'Etampes demande le sursis à l'exécution de ce jugement. Ces requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La commune d'Etampes soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, d'une part, en ce qui concerne la réponse apportée par le tribunal administratif à la fin de non-recevoir qu'elle a opposée au déféré préfectoral et, d'autre part, en ce qui concerne le caractère anormalement bas de l'offre de la société Prunevieille retenu par le tribunal pour résilier le marché.
3. Toutefois, il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a suffisamment précisé, aux points 7 et 8 de sa décision, les motifs pour lesquels il a considéré que la demande faite par le préfet à la commune d'Etampes par le courrier du 29 décembre 2021 de lui fournir, d'une part, l'extrait K bis des sociétés retenues et, d'autre part, la signature électronique de la société Prunevieille, étaient nécessaires pour apprécier la légalité du marché litigieux et la validité de son engagement. Ainsi, le jugement attaqué doit être regardé comme suffisamment motivé en ce qui concerne la prorogation du délai de recours contentieux par cette demande de pièces complémentaires. Par ailleurs, il ressort également de l'examen du jugement attaqué que les motifs pour lesquels le tribunal administratif a considéré que l'offre de la société Prunevieille devait être regardée comme anormalement basse ont été suffisamment précisés aux points 12 et 13 de ce jugement.
4. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Etampes n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour être insuffisamment motivé sur ces deux points.
Au fond :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
5. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-6 du même code : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ". Aux termes de l'article R. 2131-5 du même code : " La transmission au préfet ou au sous-préfet des marchés publics des communes et de leurs établissements publics autres que les établissements publics de santé comporte les pièces suivantes : 1° La copie des pièces constitutives du marché public, à l'exception des plans ; 2° La délibération autorisant le représentant légal de la commune ou de l'établissement à passer le marché public ; 3° La copie de l'avis d'appel à la concurrence et de l'invitation des candidats sélectionnés ; 4° Le règlement de la consultation, si celui-ci figure parmi les documents de consultation ; 5° Les procès-verbaux et rapports de la commission d'appel d'offres et les avis du jury de concours, avec les noms et qualités des personnes qui y ont siégé, ainsi que le rapport de présentation de l'acheteur prévu par les articles R. 2184-1 à R. 2184-6 du code de la commande publique ou les informations prévues par les articles R. 2184-7 à R. 2184-11 de ce même code ; 6° Les renseignements, attestations et déclarations fournis en vertu des articles R. 2143-6 à R. 2143-12 et R. 2143-16 du code de la commande publique ". Si les dispositions de l'article R. 2143-9 du code de la commande publique, dans leur rédaction issue du décret du 21 mai 2021 portant suppression de l'exigence de présentation par l'entreprise d'un extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers dans leurs démarches administratives, prévoient désormais que le candidat produit son numéro unique d'identification permettant à l'acheteur d'accéder aux informations pertinentes par le biais d'un système électronique, ces dispositions prévoyaient antérieurement à l'intervention de ce décret que l'acheteur acceptait comme preuve suffisante que le candidat ne se trouvait pas dans un cas d'exclusion mentionné à l'article L. 2141-3, notamment la production d'un extrait K ou K bis. Enfin, aux termes de l'article R. 2131-7 du code général des collectivités territoriales : " Le préfet ou le sous-préfet peut demander, pour exercer le contrôle de légalité, que des pièces complémentaires lui soient fournies ".
6. Lorsque la transmission de l'acte d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public relevant de ces dispositions au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement ne comporte pas le texte intégral de cet acte ou n'est pas accompagnée des documents annexes nécessaires pour mettre le préfet à même d'en apprécier la portée et la légalité, il appartient au représentant de l'Etat de demander à l'exécutif de la collectivité ou de l'établissement public dont l'acte est en cause, dans le délai de deux mois suivant sa réception, de compléter cette transmission. Dans ce cas, le délai de deux mois imparti au préfet pour déférer l'acte au tribunal administratif court soit de la réception du texte intégral de l'acte ou des documents annexes réclamés, soit de la décision, explicite ou implicite, par laquelle l'exécutif refuse de compléter la transmission initiale.
7. Il résulte de l'instruction que le marché litigieux a été reçu par les services de l'Etat le 8 novembre 2021. Par un courrier du 29 décembre 2021, le préfet de l'Essonne a demandé au maire de la commune d'Etampes de lui fournir plusieurs pièces complémentaires pour lui permettre d'apprécier la portée et la légalité de ce marché, à savoir notamment les extraits K bis des sociétés retenues et la signature électronique de la société Prunevieille.
8. A la date à laquelle l'avis de marché a été publié le 29 juin 2021 ou au plus tard lors de la remise de l'offre le 30 juillet 2021, l'extrait K bis était au nombre des éléments de preuve permettant à l'acheteur d'établir que le candidat ne se trouvait pas dans un cas d'exclusion de la procédure de passation des marchés publics, l'article 3 du décret du 21 mai 2021 précité qui a modifié l'article R. 2143-9 du code de la commande publique n'étant entré en vigueur que le premier jour du sixième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel de la République française, soit le 1er novembre 2021. Ainsi, la demande faite par le préfet de l'Essonne dans son courrier du 29 décembre 2021 doit être regardée comme nécessaire pour apprécier la légalité du marché qui lui est transmis. En outre, si en vertu de l'article 7.1 du règlement de la consultation, la signature électronique n'était pas exigée dans le cadre de cette consultation, l'offre électronique étant transformée en offre papier pour donner lieu à la signature manuscrite du marché, le seul cachet de la société Prunevieille apposé sur l'acte d'engagement et l'absence de signature manuscrite du représentant de cette société pouvait légitimement conduire le préfet à solliciter la communication de sa signature électronique, celle-ci n'ayant pas été interdite et ce cachet étant à lui seul insuffisant pour attester de son consentement aux stipulations du marché. Il suit de là que la demande de pièces complémentaires sollicitées par le préfet de l'Essonne dans son courrier du 29 décembre 2021 a prorogé le délai de recours contentieux qui n'a commencé à courir au plus tôt qu'à compter du 19 janvier 2022, date de réception par l'administration de la réponse du maire de la commune d'Etampes. Ainsi, la demande du préfet de l'Essonne tendant à l'annulation du lot n° 6 du marché litigieux, qui a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2022, n'était pas tardive. Par suite, le moyen tiré par la commune d'Etampes de la tardiveté de cette demande doit être écarté.
En ce qui concerne le bien fondé du déféré préfectoral :
9. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.
10. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.
11. Le tribunal administratif a estimé que l'offre de la société Prunevieille, anormalement basse, était irrégulière et que ce vice justifiait de la résiliation du marché, sans effet différé en l'absence d'atteinte excessive à l'intérêt général.
Quant au caractère anormalement bas de l'offre retenue :
12. Aux termes de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique : " Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ". Aux termes de l'article L. 2152-6 du même code : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. / Lorsqu'une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. / Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2152-3 du même code : " L'acheteur exige que le soumissionnaire justifie le prix ou les coûts proposés dans son offre lorsque celle-ci semble anormalement basse eu égard aux travaux, fournitures ou services, y compris pour la part du marché qu'il envisage de sous-traiter. / Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects suivants : 1° Le mode de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services, le procédé de construction ; 2° Les solutions techniques adoptées ou les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire pour fournir les produits ou les services ou pour exécuter les travaux ; 3° L'originalité de l'offre ; 4° La règlementation applicable en matière environnementale, sociale et du travail en vigueur sur le lieu d'exécution des prestations ; 5°L'obtention éventuelle d'une aide d'Etat par le soumissionnaire ". Aux termes de l'article R. 2152-4 du même code : " L'acheteur rejette l'offre comme anormalement basse dans les cas suivants : 1° Lorsque les éléments fournis par le soumissionnaire ne justifient pas de manière satisfaisante le bas niveau du prix ou des coûts proposés (...) ".
13. Le fait pour un pouvoir adjudicateur de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public. Il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre.
14. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'analyse des offres établi par le maître d'œuvre, que la proposition de la société Prunevieille, qui s'élevait à la somme de 281 061,61 euros HT, a été détectée comme anormalement basse, le maître d'œuvre ayant fait une estimation des travaux à hauteur de 406 705 euros HT et l'offre concurrente s'élevant à la somme de 439 933,82 euros HT. Il résulte de ce même rapport qu'une demande de justification et de précisions sur le montant de son offre a été faite à la société Prunevieille. Celle-ci s'est toutefois abstenue de fournir des explications sur ses prix ou ses coûts conformément aux dispositions précitées de l'article R. 2152-4 du code de la commande publique mais s'est contentée de confirmer son offre et de fournir un planning et des fiches techniques sans montant. Si le maître d'œuvre a proposé de rejeter l'offre de la société Prunevieille comme étant anormalement basse, le maître d'ouvrage n'a pas suivi cette analyse.
15. A l'appui de sa requête, la commune d'Etampes soutient qu'un écart entre les prix des différentes offres ou entre l'offre retenue et la valeur estimée du marché ne suffisent pas à caractériser l'existence d'une offre anormalement basse. Elle soutient également qu'il n'existait aucun élément permettant d'affirmer que le prix proposé par la société Prunevieille était manifestement sous-évalué. Elle fait enfin valoir que les caractéristiques très différentes des entreprises ayant soumissionné, ainsi que la moindre valeur technique de la proposition de la société Prunevieille, permettaient de justifier le prix proposé par cette dernière.
16. Toutefois, les écarts significatifs constatés entre la valeur estimative du marché et les deux offres dont la commune d'Etampes a été saisie justifiaient qu'une demande de précisions et de justifications sur le montant de son offre fût adressée à la société Prunevieille. Il est constant qu'en réponse à la demande qui lui a été faite par le maître d'œuvre, cette dernière n'a apporté aucun des éléments prévus par les dispositions précitées de l'article R. 2152-3 du code de la commande publique. Elle n'a pas davantage apporté ces éléments dans la présente instance. Si la société Prunevieille dispose d'un capital, d'un effectif et d'un chiffre d'affaires bien supérieurs à ceux de sa concurrente, ni cette circonstance, ni la moindre valeur technique de son offre, qui a obtenu la note de 36/60 contre 50/60 pour sa concurrente, ne suffisent à justifier le prix qu'elle a proposé. Par suite, ce prix doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme ayant été manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché.
Quant aux conséquences du vice affectant l'offre retenue :
17. La commune d'Etampes soutient que la résiliation du marché prononcée par le tribunal administratif porte une atteinte excessive à l'intérêt général dès lors, d'une part, qu'elle compromet la livraison de la maison des associations prévue en novembre 2022 et, d'autre part, qu'elle l'expose à de lourdes conséquences financières vis-à-vis de ses cocontractants.
18. Toutefois, la commune d'Etampes indique elle-même que la majeure partie des travaux de la société Prunevieille était achevée lors de l'audience devant le tribunal administratif le 23 juin 2022, seuls le câblage des contrôles d'accès et les essais des installations restant à effectuer. Ainsi, il n'est pas établi que la résiliation prononcée est de nature à compromettre durablement l'achèvement des travaux et à faire obstacle à l'accueil des associations concernées dans ces nouveaux locaux dans un délai raisonnable. En outre, si cette résiliation expose, le cas échéant, la collectivité à devoir indemniser ses cocontractants, cette circonstance ne constitue pas en l'espèce, cette indemnisation n'étant d'ailleurs pas estimée, un motif d'intérêt général suffisant de nature à faire obstacle au prononcé d'une telle mesure.
19. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune d'Etampes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé la résiliation du marché conclu avec la société Prunevieille.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
20. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 22VE02027 de la commune d'Etampes tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 7 juillet 2022, les conclusions de la requête n° 22VE02028 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais liés à l'instance :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse une somme à la commune d'Etampes au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 22VE02027 de la commune d'Etampes est rejetée.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 22VE02028 de la commune d'Etampes.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Etampes et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Janicot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
Le rapporteur,
G. B... La présidente,
C. Signerin-Icre
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière
Nos 22VE02027... 2