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23/03/2023 | FRANCE | N°21VE03292

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 23 mars 2023, 21VE03292


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " visiteur " ou, à ti

tre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " visiteur " ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la date de notification du jugement et, en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2106497 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Gerin, avocat, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou de procéder au réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à Me Gerin, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme C... soutient que :

- sa requête est recevable ;

- en jugeant que le moyen tiré du défaut du respect de la procédure contradictoire était inopérant les premiers juges ont commis une erreur de droit ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'incompétence ;

- elle aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire ;

- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle n'indique pas le fondement juridique justifiant le refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à cet égard ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à cet égard ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, le préfet des Yvelines conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Houllier, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne, née le 27 mars 1956, est entrée en France le 19 décembre 2019 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour. Elle a sollicité, le 9 février 2021, la délivrance d'un certificat de résidence en invoquant le bénéfice de l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 21 juin 2021, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer le titre de demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite. Mme C... fait appel du jugement n° 2106497 du 9 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2021.

Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. "

3. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 janvier 2023 intervenue au cours de la présente instance. Par suite, ses conclusions à fin d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme C... ne peut utilement se prévaloir de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation commises par les premiers juges, qui sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne le moyen d'incompétence soulevé au soutien des conclusions dirigées contre les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

5. L'arrêté attaqué a été signé par Mme A... D..., directrice des migrations à la préfecture des Yvelines, qui a reçu délégation de signature à cet effet par un arrêté n° 78-2021-03-01-010 du 1er mars 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 78-2021-047 du même jour. Cet arrêté définit avec suffisamment de précision le champ des actes pouvant être signés par Mme D.... Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces deux décisions doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation soulevé au soutien des conclusions dirigées contre les décisions portant refus de titre de séjour et fixant le pays de destination :

6. Ces décisions, qui visent les stipulations applicables de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, en mentionnant, notamment, la situation familiale de la requérante en France et en Algérie ainsi que son état de santé, sont suffisamment motivées.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

8. Contrairement à ce que soutient la requérante, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer dans le cas où la décision résulte d'une demande de l'intéressé, ainsi que c'est le cas en l'espèce. Par suite, ainsi que l'ont indiqué à bon droit les premiers juges, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7° Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui institue des dispositions de procédure relatives à la délivrance de titres de séjour aux étrangers malades applicables aux ressortissants algériens : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) ".

10. Pour rejeter la demande de Mme C..., le préfet des Yvelines s'est fondée sur l'avis du 17 mai 2021, émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), indiquant que si l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si Mme C... soutient qu'elle souffre de varices au niveau des membres inférieurs, de thromboses veineuses, de douleurs abdominales, de difficultés psychiatriques et d'arthrose, les certificats médicaux qu'elle produit ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation du collège des médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Mme C... se prévaut de la présence en France de deux de ses filles et notamment de l'une d'elle, Sophie Arbane, née C..., résidant à Grenoble, qui souffre de troubles psychiatriques et élève un enfant autiste et nécessiterait la présence de sa mère à ses côtés. Toutefois, elle ne justifie pas résider auprès de sa fille à Grenoble, d'autant qu'elle a subi de très nombreux examens médicaux en région parisienne, où sa demande de titre de séjour a d'ailleurs été déposée. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'époux de Mme C..., ainsi que quatre autres de ses enfants résident toujours en Algérie où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 63 ans. Dans ces conditions, le préfet des Yvelines n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C... au regard des buts poursuivis. Il n'a dès lors pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour doivent être écartées.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

15. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges au point 17 du jugement attaqué.

16. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges aux points 19 et 20 du jugement attaqué.

17. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés aux points 10 et 12 du présent arrêt.

18. Il résulte de ce qui précède que les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartées.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

19. Il résulte de ce qui précède que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Bonfils, première conseillère,

Mme Houllier, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

La rapporteure,

S. HOULLIERLe président,

B. EVEN

La greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE03292


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03292
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : GERIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-23;21ve03292 ?
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