La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2023 | FRANCE | N°19VE02739

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 21 mars 2023, 19VE02739


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants B... et D... F..., a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à leur verser une somme totale de 274 324,05 euros en réparation des préjudices subis en raison des carences de l'Etat dans la prise en charge des troubles autistiques d'Ilian F....

Par un jugement n° 1801767 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant l

a cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 29 juillet 2019, 10 déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants B... et D... F..., a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à leur verser une somme totale de 274 324,05 euros en réparation des préjudices subis en raison des carences de l'Etat dans la prise en charge des troubles autistiques d'Ilian F....

Par un jugement n° 1801767 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 29 juillet 2019, 10 décembre 2021 et 25 janvier 2023, Mme A... C..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants B... et D... F..., représentée par Me Janois, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à réparer ses préjudices pour un montant total de 223 413,50 euros, ou à défaut, d'un montant de 126 807,40 euros, assorti des intérêts légaux et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- une obligation de prise en charge adaptée des personnes atteintes de troubles autistiques pèse sur l'Etat en application des dispositions des articles L. 114-1 et L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles ; en ne respectant pas cette obligation à l'égard de son fils B... F... à compter du 19 mars 2012, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- son fils B... a subi une perte de chance de voir son état de santé s'améliorer et des troubles dans les conditions d'existence qui doivent être réparés à hauteur de la somme de 61 400 euros ;

- elle a subi un préjudice financier d'un montant total de 12 106,10 euros au titre des frais exposés pour prendre en charge son fils B... depuis 2012 et pour sa scolarisation en Belgique à compter de septembre 2016 ;

- elle a subi un préjudice financier au titre de sa perte de revenus professionnels d'un montant de 71 407,40 euros ;

- en tant que parent, elle a subi des troubles dans les conditions d'existence qui doivent être réparés par le versement de la somme de 72 000 euros ;

- son enfant D... F... a également subi des troubles dans les conditions d'existence qui doivent être réparés par le versement d'une somme de 6 500 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me Janois pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Par deux courriers datés du 15 décembre 2017, reçus le 18 décembre suivant, Mme C..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants, B... et D... F..., a demandé au ministre des solidarités et de la santé, ainsi qu'au directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France l'indemnisation des préjudices résultant d'un défaut de prise en charge adaptée de son fils B..., né le 19 octobre 2007, atteint d'un trouble du spectre autistique. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet le 18 février 2018. Mme C... relève appel du jugement du 6 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la réparation des préjudices résultant du défaut de prise en charge de son fils.

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. Adaptée à l'état et à l'âge de la personne, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social. (...) ". Aux termes de l'article L. 114-1 de ce code : " Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. L'Etat est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d'actions. ".

3. Il résulte de ces dispositions que le droit à une prise en charge pluridisciplinaire est garanti à toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique, quelles que soient les différences de situation. Si, eu égard à la variété des formes du syndrome autistique, le législateur a voulu que cette prise en charge, afin d'être adaptée aux besoins et difficultés spécifiques de la personne handicapée, puisse être mise en œuvre selon des modalités diversifiées, notamment par l'accueil dans un établissement spécialisé ou par l'intervention d'un service à domicile, c'est sous réserve que la prise en charge soit effective dans la durée, pluridisciplinaire, et adaptée à l'état et à l'âge de la personne atteinte de ce syndrome.

4. D'autre part, en vertu de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles, il incombe à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), à la demande des parents, de se prononcer sur l'orientation des enfants atteints du syndrome autistique et de désigner les établissements ou les services correspondant aux besoins de ceux-ci et étant en mesure de les accueillir, ces structures étant tenues de se conformer à la décision de la commission. Ainsi, lorsqu'un enfant autiste ne peut être pris en charge par l'une des structures désignées par la CDAPH en raison du manque de places disponibles, l'absence de prise en charge pluridisciplinaire qui en résulte est, en principe, de nature à révéler une carence de l'État dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour que cet enfant bénéficie effectivement d'une telle prise en charge dans une structure adaptée.

En ce qui concerne la période allant du 19 mars 2012 au 12 février 2014 :

5. Par une décision du 19 mars 2012, la CDAPH de la Seine-Saint-Denis a orienté B... F... vers les services médico-sociaux suivants : le service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) Envoludia et le SESSAD L'Envol. Si Mme C... soutient que ces deux établissements ont refusé d'accueillir son fils, et produit un courrier du SESSAD L'Envol du 2 septembre 2019 motivant le refus d'accueil de son fils B... en 2012, elle ne produit toutefois aucune preuve de refus d'accueil concernant le SESSAD Envoludia. Dans ces conditions, Mme C... n'établit pas l'existence d'une carence de l'Etat dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour que son enfant bénéficie d'une prise en charge effective dans une structure adaptée pour la période allant du 19 mars 2012 au 12 février 2014.

En ce qui concerne la période allant du 13 février 2014 au 20 juin 2016 :

6. Par une décision du 13 février 2014, la CDAPH de la Seine-Saint-Denis a orienté B... F... vers les établissements médico-sociaux suivants : l'externat médico-pédagogique (EMP) René Lalouette, l'EMP Livry Gargan, l'institut médico-éducatif (IME) Jean-Marc Itard et l'IME Guillez Le Petit Orme. Mme C... produit une réponse négative de l'EMP Lalouette lui indiquant qu'il n'y avait pas de place disponible, ainsi que des IME Itard et le petit Orme, aux motifs qu'ils sont complets et non adaptés. Toutefois, Mme C... n'apporte pas la preuve que l'établissement de Livry Gargan aurait refusé, en 2014, d'accueillir son fils. Dans ces conditions, la carence alléguée de l'Etat dans la prise en charge de l'enfant B... au titre de cette période n'est pas établie.

En ce qui concerne la période débutant le 21 juin 2016 :

7. Par une décision du 21 juin 2016, la CDAPH de la Seine-Saint-Denis a orienté B... F... vers les établissements médico-sociaux suivants : 1'IME de l'APJH, l'IME François Eglem, l'IME La Gabrielle, l'IME des Grands Champs et l'IME Autisme 93. Mme C... apporte la preuve que l'IME de l'APJH, l'IME de François Eglem et l'IME La Gabrielle ont refusé d'accueillir son fils. Toutefois, Mme C..., qui n'apporte pas de preuve de refus d'accueillir son fils de l'IME des Grands-Champs et de l'IME Autisme 93, n'établit pas l'existence d'une carence de l'Etat dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour que son enfant bénéficie d'une prise en charge effective dans une structure adaptée à compter du 21 juin 2016.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants B... et D... F..., au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées et à l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 14 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.

La rapporteure,

A-C. E...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 19VE02739 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02739
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : JANOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-21;19ve02739 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award