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14/03/2023 | FRANCE | N°21VE00650

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 14 mars 2023, 21VE00650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015.

Par un jugement n° 1904154 du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mars 2021, M. E..., représenté par Me Goguelat, avocat, demande à la co

ur :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplément...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015.

Par un jugement n° 1904154 du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mars 2021, M. E..., représenté par Me Goguelat, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure d'imposition a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, faute pour la proposition de rectification d'exposer le contenu des renseignements et documents sur lesquels l'administration fiscale s'est fondée et les conditions de leur obtention ;

- la procédure d'imposition n'a pas été conforme à l'interprétation administrative de la loi fiscale référencée BOI-CF-PGR-30-10-20171004 § 210 et 270 ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que son épouse et lui ne vivaient plus sous le même toit.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de M. E....

Il fait valoir que la requête est irrecevable, dès lors qu'elle se borne à être une reproduction intégrale et exclusive du mémoire de première instance et que les moyens de M. E... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er septembre 2021, l'instruction a été close au 15 octobre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et Mme B..., mariés sous le régime de la séparation de biens, ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leurs déclarations à l'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015. A la suite de ce contrôle, l'administration fiscale a notamment remis en cause les déclarations communes qu'ils ont déposées au titre de ces trois années et a assujetti M. E... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu. M. E... relève appel du jugement du 5 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de ces années.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose que : " l'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". En vertu de ces dispositions, il incombe à l'administration fiscale, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement de leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

3. M. E... soutient que pour fonder les rectifications litigieuses, l'administration fiscale a utilisé des informations obtenues de tiers et que la procédure d'imposition est irrégulière car il n'a pas été informé de l'origine de ces informations dès la proposition de rectification. Toutefois, si la proposition de rectification du 25 novembre 2016 se borne à mentionner " les éléments en possession du service " sans préciser l'origine et la teneur de ces renseignements, la réponse aux observations du contribuable du 11 avril 2017 précise que, pour établir que M. E... ne vivait plus sous le même toit que Mme B..., avec laquelle il était marié sous le régime de séparation de biens jusqu'à ce que leur divorce soit prononcé le 5 avril 2016, l'administration fiscale s'est fondée sur l'analyse et le recoupement des éléments se trouvant dans son dossier fiscal, à savoir l'acte de cession de la résidence qu'il occupait avec Mme B... en date du 18 juillet 2013, l'acte d'acquisition de sa nouvelle résidence principale du 5 août 2013, en indivision avec Mme D..., et la naissance d'un enfant en 2014. Par ailleurs, si l'administration fiscale a exercé son droit de communication auprès de la Caisse primaire d'assurance Maladie de Houilles et d'Evry et de Pôle Emploi afin d'obtenir la dernière adresse déclarée par Mme B..., il résulte de l'instruction que l'administration fiscale n'a pas utilisé les renseignements obtenus pour procéder aux rectifications litigieuses. L'administration fiscale ayant ainsi porté à la connaissance de M. E... l'origine des informations sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, les demandes de renseignements ainsi que leur réponse, qui ont été annexées à la réponse aux observations du contribuable du 11 avril 2017, soit avant la mise en recouvrement des impositions maintenues par cette réponse, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

4. M. E... ne peut utilement invoquer les termes des paragraphes 210 et 270 de l'interprétation administrative de la loi fiscale publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence BOI-CF-PGR-30-10-20171004, dès lors que les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne s'appliquent pas en matière de procédure d'imposition. La procédure d'imposition n'étant pas entachée d'irrégularité de ce fait, les dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales n'ont pas davantage été méconnues.

5. En second lieu, l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dispose que : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

6. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 25 novembre 2016 mentionne les articles 6, 196 et 204 du code général des impôts, et expose les raisons justifiant l'imposition séparée de M. E... et Mme B..., à savoir qu'ils étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et ne vivaient plus sous le même toit au cours des années d'imposition en litige, selon les éléments en possession de l'administration fiscale. Cette proposition de rectification a ainsi permis à M. E... de connaître les motifs pour lesquels l'administration fiscale a remis en cause son imposition commune avec Mme B... et de présenter utilement ses observations, ce qu'il a d'ailleurs fait le 25 janvier 2017. Le moyen tiré de ce que cette proposition de rectification serait insuffisamment motivée doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " 1. (...) les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention " Monsieur ou Madame ". / (...) / 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : / a) Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; (...) / 6. Chacun des époux (...) est personnellement imposable pour les revenus dont il a disposé pendant l'année de la réalisation de l'une des conditions du 4, (...) ".

8. Il est constant que M. E... et Mme B... étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. Pour remettre en cause l'imposition commune du couple, le service a relevé qu'ils ont vendu le domicile conjugal le 18 juillet 2013, que M. E... a acquis une nouvelle habitation en indivision avec Mme D... à Houilles peu de temps après, dans laquelle ils ont tous deux déclaré avoir déménagé au 1er septembre 2013, qu'un enfant commun de M. E... et Mme D... est né le 22 décembre 2014, lequel figure sur la déclaration de revenus de sa mère, portant le nom E..., et pour lequel M. E... a d'ailleurs déduit des frais de garde, et que le nouveau foyer de M. E... avait deux comptes bancaires communs, dont un ouvert le 7 juin 2013. Il ressort en outre de l'extrait du jugement de divorce du 5 avril 2016 que le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal, ce qui suppose une séparation des époux depuis plus de deux ans à la date de ce jugement. Enfin, si les renseignements obtenus dans l'exercice du droit de communication n'ont pas permis de déterminer la nouvelle adresse de Mme B..., qui peut être repartie à l'étranger, l'administration fiscale était néanmoins fondée à remettre en cause son appartenance au foyer fiscal de M. E... dès lors qu'il était démontré que M. E... et Mme B... ne vivaient pas sous le même toit dès le courant de l'année 2013, puis au cours des années 2014 et 2015. M. E..., en se bornant à faire état de considérations très générales sur la nature du lien matrimonial et à affirmer que ces éléments ne suffisent pas à établir qu'il ne vivait pas sous le même toit que Mme B... au cours des années en litige, n'apporte pas la preuve contraire. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'administration fiscale ne pouvait pas légalement l'imposer personnellement sur ses revenus de ces années.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu de rejeter la requête, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 28 février 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mars 2023.

Le rapporteur,

G. A... La présidente,

O. DORIONLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE00650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00650
Date de la décision : 14/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu. - Enfants à charge et quotient familial.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : GOGUELAT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-14;21ve00650 ?
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