Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté non daté, notifié le 23 novembre 2021, par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
Par un jugement n° 2110691 du 25 mars 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2022, M. E..., représenté par Me Nait Mazi, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) d'annuler les décisions portant refus de titre, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas suffisamment motivé le jugement ;
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de l'acte dès lors que n'a pas été versé au débat le justificatif de publication de la délégation de signature ;
- le préfet a insuffisamment motivé son arrêté en omettant de s'appuyer sur l'ensemble des éléments de faits communiqués à l'administration ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'un vice de procédure tiré du défaut d'habilitation de l'agent qui a procédé à la consultation des fichiers de police ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment en ce que le préfet n'a pas pris en compte les circonstances qu'il réside habituellement en France depuis septembre 2017, avec son épouse titulaire d'un titre de séjour pluriannuel et leurs trois enfants, dont deux scolarisés depuis quatre ans en France et qu'il travaille en tant que câbleur qui est un métier recherché ;
- il porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, et par suite méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation quant à sa situation personnelle, dès lors qu'il justifie d'une insertion professionnelle et que le préfet a retenu à tort que son comportement était constitutif d'un risque de trouble à l'ordre public ;
- les décisions contestées portent atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs et par suite méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistrée le 16 juin 2022, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance du 19 janvier 2022.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G... E..., ressortissant marocain né le 20 juin 1989 à Agdal (Maroc), qui a déclaré être entré en France en septembre 2017, a sollicité le 5 mai 2021 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de ses qualités de parent d'enfants scolarisés et de conjoint d'un étranger en situation régulière. Par un arrêté non daté notifié le 23 novembre 2021, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. E... relève appel du jugement du 25 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Le jugement attaqué répond par des motifs circonstanciés à chacun des moyens soulevés en première instance par M. E..., et fait en particulier état, au point 7, des éléments relatifs à la situation familiale et professionnelle du requérant. Il est ainsi suffisamment motivé.
3. Si M. E... fait valoir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que le tribunal administratif aurait omis de tirer les conséquences des éléments de fait transmis à l'administration et considéré, à tort, que le préfet de l'Essonne a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle sans prendre en compte l'intensité des répercussions de l'obligation de quitter le territoire français sur sa vie personnelle et professionnelle ainsi que celle de son épouse et de leurs enfants, ces moyens relèvent du bien-fondé du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, par un arrêté n°2021-PREF-DCPPAT-BCA-223 du 9 septembre 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs n° 137 de la préfecture de l'Essonne, le préfet de l'Essonne a donné délégation à M. F... D..., signataire de l'arrêté attaqué, pour signer notamment les décisions refusant la délivrance de titres de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen d'incompétence du signataire ne peut qu'être écarté. La circonstance que cet arrêté n'a pas été produit en défense est sans incidence dès lors qu'il relève de l'office du juge de vérifier l'existence d'une délégation de signature régulièrement publiée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. L'arrêté contesté vise les textes applicables, mentionne les principaux éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. E... et précise notamment que les documents produits ne permettent pas d'établir de façon probante sa présence ininterrompue en France de 2017 à 2020, qu'il est marié à Mme C..., de même nationalité titulaire d'un titre de séjour et père de trois enfants, que le fait qu'il soit père d'un enfant né en France ne lui confère aucun droit au séjour, qu'il est connu des services de police pour des faits de violence sur sa conjointe et que son activité salariée ne saurait suffire à régulariser sa situation. L'arrêté contesté indique également que M. E... n'est pas dépourvu d'attaches à l'étranger et ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels d'admission au séjour. Il est ainsi suffisamment motivé, alors même qu'il ne mentionne pas la durée de scolarisation de ses enfants en France, ni l'insertion professionnelle de son épouse. Par suite, les moyens tirés d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle doivent être écartés.
7. En troisième lieu, le requérant soutient que l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure en ce qu'il n'est pas justifié de l'habilitation de l'agent qui a consulté le fichier de traitement des antécédents judiciaires. Toutefois, la circonstance que l'agent ayant procédé à cette consultation n'aurait pas été, en application des dispositions du code de procédure pénale, individuellement désigné et régulièrement habilité à cette fin, si elle est susceptible de donner lieu aux procédures de contrôle de l'accès à ces traitements, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité l'arrêté contesté. Par suite, ce moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ne peut qu'être écarté comme inopérant.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que, si M. E... allègue qu'il réside de manière habituelle et continue en France depuis septembre 2017, il ne produit aucune pièce pour la période antérieure à juin 2018, et les pièces produites pour la période de juin 2018 à décembre 2020 sont insuffisantes pour tenir pour établie la continuité de son séjour en France. M. E... soutient en outre qu'il est marié depuis 2010 à Mme H..., marocaine, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle en cours de renouvellement, et qu'il est aussi père de deux enfants nés en 2012 et 2014 en Italie et scolarisés en France depuis quatre années, et d'un enfant né en 2020 en France, pour lesquels il partage les droits parentaux avec son épouse. Toutefois, la vie commune des époux est récente et les seules circonstances que les deux aînés sont scolarisés et le dernier né en France ne confèrent pas un droit à l'admission exceptionnelle au séjour. S'il se prévaut également d'un contrat à durée indéterminé en qualité de câbleur depuis le 3 décembre 2020, cet emploi est récent à la date de la notification de l'arrêté contesté et n'est pas constitutif d'un emploi particulièrement recherché. Il ressort également des pièces du dossier que M. E... est connu pour des faits de violences conjugales suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours. En outre, il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident sa mère et sa sœur, et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans. Enfin, comme le souligne à juste titre le préfet, rien ne s'oppose à ce que Mme E... sollicite l'admission au séjour de son époux dans le cadre du regroupement familial une fois que son époux aura regagné son pays d'origine ou tout autre pays où il est légalement admissible, et le requérant pourra toujours se rendre temporairement et légalement en France sous couvert d'un visa court séjour ou son épouse de nationalité marocaine lui rendre visite avec leurs enfants. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, en considérant que la situation de M. E... n'était pas de nature à caractériser un motif exceptionnel ou des considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à justifier l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé, le préfet de l'Essonne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, ni porté une atteinte disproportionnée au droit de M E... au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme doit être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institution publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. Rien ne s'oppose à ce que la vie familiale de M. E..., son épouse et leurs enfants se poursuive au Maroc, pays dont ils ont tous la nationalité. Alors même que les deux premiers enfants de M. E... sont scolarisés en France, et que le troisième est né en France, l'arrêté attaqué ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants A... s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être également écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 17 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2023.
La rapporteure,
O. B...Le président,
P. BEAUJARD
La greffière,
S. LOUISERELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour exécution conforme,
La greffière,
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N° 22VE00958