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08/03/2023 | FRANCE | N°21VE01035

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 08 mars 2023, 21VE01035


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti, en droits et pénalités, au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1804052 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2021, M. A..., représenté par Me Anguill

aume, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de prononcer la rédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti, en droits et pénalités, au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1804052 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2021, M. A..., représenté par Me Anguillaume, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de prononcer la réduction des impositions contestées à concurrence de l'imposition dans la catégorie des revenus fonciers, au lieu des bénéfices industriels et commerciaux, des loyers perçus par la SCI Le Triphase du fait de la location d'un appartement au 170 rue de Saint-Gratien à Ermont en 2014 et 2015, et de la déduction d'une pension alimentaire de 6 000 euros en 2015 ;

3°) de prononcer la décharge des impositions correspondant à la réintégration dans ses bases imposables d'une pension alimentaire de 6 000 euros au titre de l'année 2015 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les revenus de la location du bien immobilier situé 170 rue de St Gratien, 95120, Ermont, sont des revenus fonciers au titre d'une location non-meublée ; par conséquent il n'y avait pas lieu, pour l'administration fiscale, de les imposer au titre des bénéfices industriels et commerciaux ;

- il est fondé à déduire de ses revenus la pension alimentaire de 6 000 euros versée à la mère de ses enfants au titre de l'année 2015.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 novembre 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par une lettre du 13 janvier 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que M. A... ne pouvait être imposé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à proportion de sa quote-part dans la SCI Le Triphase dès lors que l'activité commerciale de cette société relève de l'impôt sur les sociétés et non du régime des sociétés de personnes.

Par un mémoire, enregistré le 17 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public.

Il demande, en tant que de besoin, que l'imposition soit maintenue sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 ou, à titre subsidiaire, du a de l'article 111 du code général des impôts ; la substitution de base légale peut être demandée à tout moment de la procédure et ne prive le requérant d'aucune garantie ; l'administration a démontré que le contribuable a disposé des sommes en cause.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Le Triphase, propriétaire de quatre immeubles dans le Val-d'Oise, qui exerce une activité de location immobilière à usage d'habitation, a fait l'objet d'un contrôle portant sur l'ensemble de ses déclarations fiscales au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. A l'issue de cette vérification, l'administration a notamment notifié à la SCI Le Triphase, selon la procédure contradictoire, des rectifications en matière de revenus fonciers et de bénéfice industriel et commercial. Concomitamment, tirant les conséquences du contrôle de la SCI Le Triphase, l'administration fiscale, à l'issue d'un contrôle sur pièces, a notifié à M. A..., détenteur de 49.76 % des parts de la SCI Le Triphase, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des revenus fonciers et de contributions sociales, pour sa quote-part dans les bénéfices de la SCI Le Triphase, au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités. M. A... relève appel du jugement du 11 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des revenus des années 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes, en tant qu'il a rejeté sa demande du rehaussement résultant de l'imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au titre des années 2014 et 2015, des loyers tirés par la SCI Le Triphase de la location d'un appartement meublé situé au 170 rue de St Gratien, à Ermont et de la prise en compte, au titre de l'année 2015, d'une pension alimentaire de 6 000 euros.

Sur les conclusions aux fins de décharges :

En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :

2. D'une part, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : "'Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif (...) sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35'". Toutefois, aux termes de l'article 206 de ce code : "'(...) 2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35. (...)'".

3. D'autre part, aux termes de l'article 34 du même code : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale ". Il résulte de ces dispositions qu'une société civile donnant habituellement en location des locaux garnis de meubles doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts et, par suite, est passible de l'impôt sur les sociétés par application du 2 de l'article 206 du même code et de la contribution additionnelle à cet impôt prévue par l'article 235 ter ZA de ce code.

4. Il résulte de l'instruction que M. A..., co-gérant de la SCI Le Triphase, a lui-même déclaré lors du contrôle et dans ses écritures en première instance que l'un des sept logements loués au 170 rue de St Gratien à Ermont (95), était loué meublé. Pour établir en appel que ce bien aurait été loué habituellement non-meublé par la SCI Le Triphase en 2014 et 2015, M. A... soutient que le bien a été mis en location avec mise à disposition à titre gratuit de certains meubles ayant appartenu à son père. Toutefois dès lors qu'il n'est pas établi que la SCI Le Triphase ait renoncé à tirer tout profit de la présence de meubles, la circonstance que la société ne soit pas elle-même propriétaire des meubles garnissant l'appartement qu'elle loue ne prive pas la location consentie du caractère de location meublée. Si M. A... soutient également que la mise à disposition de meubles ne comprenait pas de linge de maison, de vaisselle et de télévision, et qu'aucun inventaire des meubles n'a été effectué, ces seuls éléments ne suffisent pas à établir que le mobilier ne conférait pas à l'appartement loué un minimum d'habitabilité caractérisant une location meublée.

5. Une société civile donnant habituellement en location des locaux garnis de meubles doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts et, par suite, est passible de l'impôt sur les sociétés. Il suit de là que, la SCI Le Triphase doit être regardée comme s'étant livrée à une exploitation commerciale du logement meublé situé au 170 rue de St Gratien à Ermont au sens de l'article 34 du code général des impôts relevant de l'impôt sur les sociétés conformément aux dispositions précitées du 2 de l'article 206 du code général des impôts. Dès lors, l'assujettissement de la SCI Le Triphase aux impôts commerciaux faisait légalement obstacle à l'imposition de ces revenus entre les mains de M. A..., en sa qualité d'associé, dans les conditions prévues à l'article 8 du code général des impôts. M. A... ne pouvait dès lors être imposé, à raison de ces revenus, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.'

6. L'administration est cependant en droit, à tout moment de la procédure contentieuse suivie devant le juge de l'impôt, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée. En l'espèce, l'administration demande que soit substituée à la base légale initialement retenue une imposition, dans la catégorie des revenus fonciers, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ou subsidiairement sur le fondement du a de l'article 111 du même code.

7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) a Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration d'individualiser les sommes ou opérations qu'elle entend qualifier de revenus distribués.

8. Toutefois, en se bornant à demander que l'imposition soit maintenue sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 ou, à titre subsidiaire, du a de l'article 111 du code général des impôts sans produire au dossier, même de manière succincte, d'éléments permettant au contribuable, sous le contrôle du juge de l'impôt, de discuter de la détermination du bénéfice social, de sa répartition et de sa distribution au cours de chacune des années d'imposition selon les règles fixées aux articles 108 et suivants du code général des impôts, l'administration fiscale, qui ne remet pas même en cause la transparence fiscale de la SCI Le Triphase, ne justifie pas du bien-fondé de la demande de substitution de base légale qu'elle présente à titre subsidiaire. Cette demande ne peut être accueillie.

En ce qui concerne la déduction de la pension alimentaire :

9. Il résulte de l'avis d'imposition du 19 janvier 2018 sur les revenus de 2015, que la pension alimentaire de 6 000 euros dont M. A... demande la déduction a déjà été déduite de ses revenus imposables. Par suite, le moyen manque en fait et doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 résultant de la réintégration dans ses revenus imposables d'une quote-part des bénéfices industriels et commerciaux réalisés par la SCI Le Triphase.

Sur les frais relatifs au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par M. A... au titre des frais liés au litige sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.

DÉCIDE :

Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu auquel M. A... a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 est réduite à concurrence de la réintégration dans ses revenus imposables de sa quote-part des bénéfices industriels et commerciaux réalisés par la SCI Le Triphase.

Article 2 : M. A... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n°1804052 du 11 février 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 17 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2023.

La rapporteure,

O. B...

Le président,

P. BEAUJARDLa greffière,

S. LOUISERELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

2

N° 21VE01035


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01035
Date de la décision : 08/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Pouvoirs du juge fiscal.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Personnes morales et bénéfices imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : ANGUILLAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-08;21ve01035 ?
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