Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 12 juin 2015 par laquelle la déléguée territoriale des Hauts-de-Seine de l'agence régionale de santé (ARS) a refusé d'engager une procédure d'insalubrité du logement qu'il occupe ainsi que la décision du 31 mars 2015 du président de la communauté d'agglomération des Hauts-de-Bièvre de mise en demeure du propriétaire du même logement, et, d'autre part, de condamner l'ARS à lui verser la somme de 100 000 euros au titre des dommages subis et de mettre à la charge de l'ARS une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1610241 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés le 26 mars 2021 et les 29 et 30 novembre et les 2 et 29 décembre 2022, M. C... A..., représenté par Me Ceprika, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de la déléguée territoriale des Hauts-de-Seine de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France du 12 juin 2015 ;
3°) d'annuler la décision du président de la communauté d'agglomération des Hauts-de-Bièvre du 31 mars 2015 ;
4°) de condamner l'ARS d'Ile-de-France à lui verser la somme totale de 200 000 euros ;
5°) de mettre à la charge de l'ARS d'Ile-de-France la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais exposés en première instance, ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- il est recevable à agir contre la décision du 31 mars 2015 en tant qu'elle ne déclare le logement ni insalubre, ni indécent ;
- le rapport dressé par l'EPCI ne peut fonder les décisions en litige dans la mesure où il a été établi de manière partiale et ne lui a jamais été notifié ;
- la décision du 12 juin 2015 ne lui a pas davantage été notifiée ;
- les deux décisions en litige méconnaissent les dispositions des articles L. 1331-22 et L. 1331-26 du code de la santé publique, des articles R. 111-3 et R. 111-6 du code de la construction et de l'habitation, lesquelles sont applicables, et de l'article 3-5 du décret du 30 janvier 2002 en tant que l'ARS n'a pas mis le propriétaire en demeure de faire cesser le désordre alors que le logement est insalubre et impropre à l'habitation en raison de sa superficie de 6m2, de l'absence d'eau chaude, de l'insuffisance du système de chauffage, de multiples autres désordres affectant notamment les huisseries et du caractère insalubre de l'ensemble de l'immeuble ;
- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation ;
- elles ont été prises dans l'intention de lui nuire ;
- ces décisions lui ont causé un préjudice matériel, tenant notamment à une surconsommation d'électricité pour se chauffer, des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice moral en raison de son expulsion, de son incapacité à travailler, de son état de santé physique et mental et de sa situation familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2022, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il renvoie au mémoire en défense produit par l'ARS en première instance ;
- l'absence de notification de la décision du 31 mars 2015 est sans incidence sur la légalité de celle-ci ;
- la décision du 31 mars 2015 ne fait pas grief à M. A... dans la mesure où elle était de nature à assurer la mise en conformité de son logement aux prescriptions du règlement sanitaire départemental ;
- les dispositions du décret du 30 janvier 2002 relatif au logement décent et des articles R. 111-6 et suivants du code de la construction et de l'habitat régissent les rapports entre locataire et propriétaire et ne peuvent fonder une décision de police sanitaire ;
- la seule méconnaissance de la règle de surface minimale de la pièce habitable ne suffit pas à qualifier un logement d'insalubre ;
- les autres désordres invoqués par le requérant relèvent de la procédure de mise en conformité avec le règlement sanitaire départemental et non de la procédure d'insalubrité prévue par le code de la santé publique ;
- aucune faute de l'ARS n'est établie.
Un mémoire présenté pour M. A... a été enregistré le 16 janvier 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le règlement sanitaire départemental des Hauts-de-Seine ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- et les observations de Me Ceprika pour M. A....
Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 25 janvier 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., locataire d'un logement situé au n° 7 de l'avenue Jean Jaurès à Chatenay-Malabry (92) depuis le 24 novembre 2014, a, le 23 décembre 2014, saisi les services d'hygiène de la commune, laquelle appartient à la communauté d'agglomération des Hauts-de-Bièvre, afin de faire constater l'insalubrité de ce logement. Par une décision du 31 mars 2015, le président de la communauté d'agglomération a mis en demeure le propriétaire du logement d'engager des travaux pour remédier aux désordres et manquements au règlement sanitaire départemental, constatés par le service d'hygiène de l'habitat de la communauté d'agglomération des Hauts-de-Bièvre, devenue Vallée sud Grand Paris, lors de sa visite du 26 janvier 2015. M. A... a également saisi l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France pour qu'elle constate l'insalubrité du logement. Au vu de l'inspection du logement diligentée le 16 avril 2015 et du rapport de visite dressé le 11 juin 2015, la déléguée territoriale des Hauts-de-Seine de l'ARS d'Ile-de-France a reconnu, par une décision du 12 juin 2015, le caractère indécent du logement occupé par M. A... mais refusé d'en reconnaître le caractère impropre à l'habitation en raison d'une insalubrité. M. A... a alors saisi l'ARS, le 9 novembre 2016, d'une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices subis du fait de l'état du logement, laquelle a été rejetée par une décision du 9 février 2017. M. A... fait appel du jugement du 10 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation des décisions des 31 mars 2015 et 12 juin 2015, et, d'autre part, sa demande tendant à la condamnation de l'ARS à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis.
Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du président de la communauté d'agglomération des Hauts-de-Bièvre du 31 mars 2015 :
2. Par la décision en litige, le président de la communauté d'agglomération des Hauts-de-Bièvre a mis en demeure le propriétaire du logement occupé par M. A... de remédier, sous délai contraint, aux désordres et infractions au règlement sanitaire départemental constatés lors de la visite des lieux le 16 janvier 2015 par un inspecteur d'hygiène et de salubrité de l'habitat de la communauté d'agglomération. Le requérant n'établit pas, notamment en l'absence de production du courrier qu'il a adressé aux services d'hygiène de la communauté d'agglomération, dans quelle mesure la décision visant à ce qu'il soit remédié à la mise en conformité du logement qu'il occupait avec le règlement sanitaire départemental, lui ferait grief. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de ce que la décision en litige ne fait pas grief à M. A... doit être accueillie.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la déléguée territoriale des Hauts-de-Seine de l'ARS d'Ile-de-France du 12 juin 2015 :
3. En premier lieu, M. A..., qui ne démontre pas qu'il aurait en vain demandé la communication du rapport établi à la suite de la visite de son logement le 16 janvier 2015 par l'inspecteur d'hygiène et de salubrité de l'habitat de la communauté d'agglomération, ne peut en tout état de cause utilement se prévaloir de l'absence de communication ou du manque d'impartialité de son auteur, ce rapport n'ayant pas servi de fondement à la décision en litige. Par suite, le moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif au point 3 de son jugement, la notification d'une décision étant sans incidence sur sa légalité, M. A... ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision du 12 juin 2015 ne lui aurait pas été régulièrement notifiée.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, dans sa version applicable au litige : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. Il peut prescrire, le cas échéant, toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès ou l'usage des locaux aux fins d'habitation, au fur et à mesure de leur évacuation. Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le maire au nom de l'Etat. Ces mesures peuvent faire l'objet d'une exécution d'office ". L'article L. 1331-26 du même code dispose : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : / 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; / 2° Sur les mesures propres à y remédier. (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que la décision en litige est fondée sur le rapport de visite établi le 11 juin 2015 par un technicien sanitaire de la délégation territoriale des Hauts-de-Seine de l'ARS d'Ile-de-France, lequel a relevé une superficie du logement occupé par M. A... de 7,6m2 avec la cuisine, 6,8m2 sans la cuisine, tout en notant que de simples travaux de suppression d'un placard permettraient d'obtenir une surface de 8,9m2. M. A... conteste ce relevé au moyen de procès-verbaux établis par huissier les 1er mars 2016 et 6 février 2017, lesquels font état d'une surface d'à peine 6m2, en excluant toutefois certaines zones comme celles situées devant les fenêtre et porte. Si le requérant fait également grief à la décision de l'ARS de ne s'être fondée que sur la surface du logement pour apprécier ses conditions d'hébergement, il ne résulte pas de l'instruction que les autres désordres et manquements relevés le 16 janvier 2015 par l'inspecteur d'hygiène et de salubrité de l'habitat de la communauté d'agglomération, qui constituaient des infractions au règlement sanitaire départemental auxquels il pouvait être remédié par de simples travaux d'entretien, le changement d'huisserie ne constituant qu'une recommandation des services d'hygiène et de salubrité, soient de nature à affecter la propriété à l'habitation du local en cause. Enfin, les attestations médicales produites par l'intéressé ne permettent pas d'établir que les affections dont il souffre résulteraient du caractère insalubre du logement qu'il a occupé. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de qualifier son logement d'insalubre et d'engager la procédure pour déclarer celui-ci impropre à l'habitation au motif que la seule méconnaissance de la règle de surface minimale fixée par le règlement sanitaire départemental n'est pas une cause suffisante, la déléguée territoriale des Hauts-de-Seine aurait méconnu les dispositions précitées des articles L. 1331-22 ou L. 1331-26 du code de la santé publique, ni qu'elle aurait commis une erreur d'appréciation.
7. En quatrième lieu, M. A... soutient que cette décision méconnaîtrait les dispositions de l'article 3-5 du décret du 30 janvier 2002 relatif au logement décent. Toutefois, cette réglementation n'a vocation à s'appliquer qu'aux seuls rapports entre les propriétaires bailleurs et les locataires, dont les litiges relèvent de la compétence du juge judiciaire. Dès lors, le requérant ne peut utilement s'en prévaloir à l'appui du présent recours portant sur le caractère insalubre ou impropre à l'habitation du logement que l'intéressé a pris à bail, lequel est soumis à une législation distincte fondée sur le code de la santé publique. Il en va de même des dispositions des articles R. 111-3 et R. 111-6 du code de la construction et de l'habitation, qui constituent des règles prescriptives en matière de construction, distinctes de celles qui régissent l'intervention des autorités en matière de police sanitaire. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions doivent être écartés.
8. En dernier lieu, si M. A... soutient que la décision du 12 juin 2015 aurait été prise par la déléguée territoriale des Hauts-de-Seine de l'ARS d'Ile-de-France dans l'intention de lui nuire, il n'assortit pas cette allégation des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée de détournement de pouvoir doit être écarté.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
9. Il résulte de ce qui précède que la décision de la déléguée territoriale des Hauts-de-Seine de l'ARS n'étant pas entachée d'illégalité, aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'ARS d'Ile-de-France à l'égard de M. A... n'est établie. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter l'ensemble de ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais liés à la première instance et celles tendant à la condamnation de l'ARS d'Ile-de-France au titre de l'article R. 761-1 du même code, en l'absence de dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de la prévention et de la santé.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président de chambre,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.
La rapporteure,
M.-G. B...
Le président,
S. BROTONS
La greffière,
S. DE SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de la prévention et de la santé en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE00934