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14/02/2023 | FRANCE | N°21VE00424

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 14 février 2023, 21VE00424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et a assorti cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 200229

3 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et a assorti cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002293 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrés les 15, 17 et 18 février 2021, Mme E... C..., représentée par Me Nunes, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à défaut au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est entaché d'irrégularité au regard des articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative, en l'absence de réponse aux moyens tirés de l'insuffisante motivation du refus de régularisation au titre du pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet, de l'absence d'examen complet de sa situation professionnelle, de méconnaissance de sa compétence par le préfet en matière d'autorisation de travail au regard de l'article R. 5221-17 du code du travail et de l'existence d'une erreur de fait ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen, notamment au regard de sa situation professionnelle ;

- la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence est entachée d'un vice de procédure au regard des articles L. 312-1, L. 312-2 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour alors qu'elle avait droit à la délivrance d'un titre sur le fondement des stipulations de l'article 6§5 de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet ayant méconnu l'étendue de sa compétence prévue à l'article R. 5221-17 du code du travail ;

- elle méconnaît les stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'une erreur de fait au regard de ses attaches familiales ;

- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de ce même accord ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 5 et du 4° de l'article 6 de la directive n° 2008/115/CE ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 6 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi que les dispositions des articles 41 et 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le droit d'être entendu ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans n'a pas été motivée au regard de l'ensemble des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judicaire de Versailles du 19 juillet 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 18 décembre 2000 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les états membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bonfils a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... C..., ressortissante algérienne née le 22 novembre 1994 à Amizour, est entrée sur le territoire français le 3 octobre 2015 sous couvert d'un visa court séjour. Le 16 juillet 2019, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 23 septembre 2019, le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Mme C... relève appel du jugement du 29 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires (...) ". Il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a omis de viser et n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, soulevé par Mme C... et tiré de l'erreur de droit commise par le préfet des Hauts-de-Seine en tant qu'il a méconnu l'étendue de sa compétence en matière d'autorisation de travail prévue à l'article R. 5221-17 du code du travail. Dès lors, le jugement est pour ce motif irrégulier. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens relatifs à sa régularité, il doit être annulé.

3. Il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué comporte la signature de Mme A... B..., adjointe au chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement à la direction des migrations et de l'intégration du préfet des Hauts-de-Seine. Il ressort également de l'arrêté référencé PCPIIT n° 2019-52 du 5 septembre 2019, publié au recueil des actes administratif de la préfecture des Hauts-de-Seine du 16 septembre 2019, que le préfet de ce département a donné délégation à Mme B..., à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. H... D..., directeur des migrations et de l'intégration, et de Mme F... I..., chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, " les refus de séjour et de renouvellement de titre de séjour ", " les décisions d'obligation de quitter le territoire français assorties ou non d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi " et " les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français ". Mme C... n'établit ni même n'allègue que ces deux agents auraient été présents le jour de la signature de l'arrêté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

Sur la légalité externe des décisions portant refus de délivrance d'un certificat de résidence et obligation de quitter le territoire :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

6. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il vise les textes dont il fait application, notamment le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais aussi les II et III du même code, ainsi que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. En outre, le préfet a énoncé les considérations de fait le conduisant à refuser de délivrer à Mme C... un certificat de résidence sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, telles que l'absence de liens suffisamment stables, anciens et intenses sur le territoire français, la présence de sa famille nucléaire dans son pays d'origine, et le fait qu'elle y a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Il a motivé de manière particulière l'usage qu'il a fait de son pouvoir discrétionnaire. Enfin, au regard du caractère suffisamment motivé de son refus de délivrer un certificat de résidence, le préfet n'avait pas à motiver spécifiquement sa décision portant obligation de quitter le territoire français, conformément aux dispositions du dixième alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.

7. En second lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué, notamment de son point 3, qu'il mentionne la production par Mme C... d'un formulaire CERFA pour un emploi sous contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité d'agent de service. En outre, Mme C... n'établit ni même n'allègue qu'elle serait en possession d'un visa long séjour et d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation professionnelle de Mme C.... Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence :

8. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ".

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-1 de ce même code : " I. - Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-14 du code du travail : " Peut faire l'objet de la demande prévue au I de l'article R. 5221-1 l'étranger résidant hors du territoire national ou l'étranger résidant en France et titulaire d'un titre de séjour prévu à l'article R. 5221-3. ". Ce dernier article, dans sa rédaction alors applicable, dispose : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) / 8° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé. (...) ". En vertu de l'article R. 5221-11 du même code, la demande d'autorisation de travail relevant du 8° de l'article R. 5221-3 est présentée par l'employeur. Aux termes de l'article R. 5221-15 de ce code, dans sa version applicable : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-17 du même code, alors applicable : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ".

10. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur. Le préfet saisi d'une telle demande est tenu de la faire instruire et ne peut refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente. Toutefois, aucune stipulation de l'accord franco-algérien ni aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, saisi par un étranger déjà présent sur le territoire national et qui ne dispose pas d'un visa de long séjour, d'examiner la demande d'autorisation de travail ou de la faire instruire par les services compétents du ministère du travail, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance du titre de séjour.

11. Mme C... soutient que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence, notamment au regard de l'article R. 5221-17 du code du travail. Toutefois, la demande de l'intéressée ne tendait pas à l'obtention d'une autorisation de travail relevant, notamment, du 8° de l'article R. 5221-3 du code du travail dans sa version précitée, dont la demande aurait dû être faite par son employeur en vertu de l'article R. 5221-11 du même code, sur laquelle le préfet aurait dû prendre une décision en application des dispositions de l'article R. 5221-17 de ce code. Dans ces conditions, le préfet, qui n'était pas saisi d'une telle demande, n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en ne se prononçant sur celle-ci. Par suite, ce moyen doit être écarté en tant qu'il est inopérant.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... est arrivée en France le 3 octobre 2015 sous couvert d'un visa court séjour et elle ne bénéficiait pas d'un visa long séjour à la date de la décision attaquée. Au surplus, si Mme C... produit un formulaire CERFA, ce seul document ne saurait remplir les conditions fixées par l'article 7 b) de l'accord précité, qui exige un contrat de travail visé par les services du ministre chargé du travail et de l'emploi. Dès lors, nonobstant l'emploi dont se prévaut l'intéressée, en rejetant la demande de titre de séjour de Mme C..., le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus / (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ".

14. Mme C... soutient qu'elle vit en France depuis quatre ans auprès de son compagnon, ressortissant français, qu'elle est dépourvue d'attaches dans son pays d'origine et qu'elle justifie, non seulement d'une parfaite intégration au sein de la société française, mais aussi de liens suffisamment stables, anciens et intenses sur le territoire français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des bulletins de paie qu'elle produit pour la période allant d'avril 2017 à septembre 2019, qu'elle justifie de son insertion professionnelle, par une activité qu'elle n'exerce à temps plein que depuis novembre 2018 et qui lui procure des revenus d'un montant irrégulier, et de sa présence sur le territoire de manière continue seulement au titre de cette période. En outre, pour établir la relation dont elle se prévaut, la requérante se contente de produire un certificat d'hébergement du 11 octobre 2019 ainsi qu'une quittance de loyer du mois de mai 2019, sans assortir ses allégations d'autres justificatifs. L'intéressée ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française. Enfin, Mme C..., qui est divorcée et sans enfant à charge, n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où résident les membres de sa famille et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait, de la méconnaissance par l'arrêté attaqué des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

15. En quatrième lieu, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors qu'en ce qui concerne les ressortissants algériens, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

16. Il ressort de ce qui a été dit au point 14 du présent arrêt que Mme C... ne justifie pas de liens suffisamment stables, anciens et intenses qui justifieraient la régularisation de sa situation. Par ailleurs, si elle allègue résider en France depuis fin 2015, la production de bulletins de paie pour la période 2017-2019, d'une attestation de la CPAM justifiant de l'absence de versement d'indemnités journalières pour la période 2018-2020, ainsi que de deux avis d'impôt au titre des revenus des années 2016 et 2018, dont l'un ne fait apparaître aucun revenu fiscal, est insuffisante pour établir qu'elle réside de manière stable et continue sur le territoire français depuis quatre ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ce refus sur la situation personnelle de Mme C..., doivent être écartés.

17. En cinquième lieu, Mme C..., n'assortit pas ses allégations, selon lesquelles les dispositions des article 5 et 6-4 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 auraient été transposées de manière incomplète, des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors que ces dispositions ont été transposées par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011. Par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir de leur méconnaissance, à l'appui de son recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire.

18. En dernier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles visés par ces dispositions auxquels il envisage néanmoins de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent. Ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme C... ne remplit pas les conditions pour obtenir un certificat de résidence. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le défaut de saisine de la commission du titre de séjour entacherait d'irrégularité la décision en litige.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

19. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que ces articles s'adressent non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union.

20. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de cette même Cour que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, qui implique notamment que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, doit mettre l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permettre, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

21. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

22. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... ait sollicité, sans réponse, un entretien avec les services préfectoraux ni qu'elle ait été empêchée de présenter ses observations avant que ne soit prise la décision litigieuse. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas eu, avant l'édiction de la décision en litige, la possibilité de faire valoir son droit d'être entendue et représentée par un conseil. Par suite, le moyen tiré du droit à être entendu garanti par le droit européen doit être écarté.

23. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ; / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) / II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".

24. Dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle de la décision de refus de séjour. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la décision refusant la délivrance d'un certificat de résidence à Mme C... est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité doit être écarté.

25. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 14, alors que Mme C... n'est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où vivent l'ensemble des membres de sa famille, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni n'est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

26. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

27. En vertu de ces dispositions, l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. En outre, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose, cependant, que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Cette décision doit, par ailleurs, faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

28. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté du 23 septembre 2019 qu'il a été pris au visa notamment du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise les éléments de la situation de Mme C... relatifs à sa durée de présence en France, ses attaches familiales et l'existence d'une précédente mesure d'éloignement non exécutée datée du 6 mars 2018. Ainsi, et nonobstant l'absence de mention que la présence de l'intéressée sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public, la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée, tant en son principe que quant à sa durée, et le moyen doit être écarté.

29. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède, notamment ce qui a été dit au point 14 de l'arrêt, que Mme C... ne justifie ni de liens suffisamment intenses, anciens et stables sur le territoire français, ni d'une présence stable et continue suffisante sur le territoire français. Par suite, la requérante, qui n'invoque par ailleurs aucune circonstance humanitaire, n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaitrait les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'elle serait entachée d'une quelconque erreur manifeste d'appréciation.

30. Enfin, la seule allégation que l'interdiction de retour aurait pour objet de faire obstacle à toute demande tendant à lui permettre de régulariser sa situation pour revenir vivre auprès de son compagnon, la situation de concubinage étant au demeurant non établie, est insuffisante à établir l'existence d'un détournement de pouvoir qu'aurait commis le préfet. Par suite ce moyen doit être écarté.

31. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2019 du préfet des Hauts-de-Seine. Ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2002293 du 29 janvier 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme E... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

La rapporteure,

M.-G. Bonfils

Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. DE SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE00424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00424
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : NUNES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-14;21ve00424 ?
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