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14/02/2023 | FRANCE | N°19VE02665

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 14 février 2023, 19VE02665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Electricité de France (EDF) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 novembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'unité de contrôle n° 5 des Hauts-de-Seine a refusé d'autoriser le licenciement de Mme A..., médecin du travail, ainsi que la décision implicite née le 28 avril 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchiqu

e formé le 22 décembre 2015.

Par jugement n° 1605960 du 28 mai 2019, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Electricité de France (EDF) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 novembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'unité de contrôle n° 5 des Hauts-de-Seine a refusé d'autoriser le licenciement de Mme A..., médecin du travail, ainsi que la décision implicite née le 28 avril 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique formé le 22 décembre 2015.

Par jugement n° 1605960 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 23 juillet 2019 et 11 mars 2020, la société EDF, représentée par Me Jolly, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 4 novembre 2015 de l'inspectrice du travail et la décision implicite du ministre travail née de son recours hiérarchique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les décisions attaquées sont entachées d'erreur de droit ;

- elles sont entachées d'inexactitude matérielle des faits dès lors qu'il est établi que Mme A... a effectué de fausses déclarations lors de son embauche ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que Mme A... a méconnu ses obligations contractuelles.

Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2019, Mme A..., représentée par Me Maire, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société EDF la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du CJA ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 décembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jolly pour la société EDF.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... a été recrutée par la société EDF le 1er mai 2013, sous couvert d'un contrat de travail à temps partiel à raison de 14 heures 30 par semaine, en qualité de médecin du travail. Le 18 septembre 2015, la société EDF a sollicité, sur le fondement de l'article L. 4623-5 du code du travail, l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire Mme A..., protégée en sa qualité de médecin du travail, auprès de l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'unité de contrôle n° 5 des Hauts-de-Seine. Par une décision du 4 novembre 2015, l'inspectrice du travail a rejeté cette demande. Par une décision implicite de rejet, la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique exercé par la société EDF le 22 décembre 2015. La société EDF relève appel du jugement du 28 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

2. Aux termes de l'article L. 4623-5 du code du travail : " Le licenciement d'un médecin du travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend le service de santé au travail, après avis du médecin inspecteur du travail ". Il résulte de ces dispositions que les médecins du travail bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs et sous le contrôle du juge, d'une protection particulière en cas de licenciement. Lorsque le licenciement d'un de ces médecins est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec l'exercice normal de ses fonctions de médecin du travail. Lorsque la demande d'autorisation de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale des fonctions dont il est investi.

3.En premier lieu, la société EDF a demandé l'autorisation de licencier Mme A... au double motif d'une part, qu'elle avait lors de son recrutement en 2013 pour travailler au profit de la société EDF 14h30 par semaine les lundis et mardis, indiqué travailler à temps partiel pour La Poste, les lundis, jeudis et vendredis, qu'elle avait ainsi effectué une fausse déclaration sur ses engagements vis-à-vis de La Poste lors de son embauche par la société EDF et d'autre part, qu'elle avait exercé une activité professionnelle rémunérée au profit d'un tiers à l'insu d'EDF sur le temps de travail dû à EDF, ces éléments constituant un non-respect de ses obligations contractuelles, notamment de loyauté. Pour refuser l'autorisation de licencier sollicitée, l'inspectrice du travail a considéré qu'il n'était pas établi que Mme A... ait travaillé les mardis pour La Poste, dès lors qu'elle bénéficiait d'une totale liberté dans la détermination de son programme de travail, qu'EDF ne produisait pas les feuilles de présence de Mme A... à La Poste les mardis, et qu'en tout état de cause, elle pouvait compléter au profit de La Poste sa journée de travail de 7h30 exercé au profit d'EDF en travaillant 10 heures par jour, qu'ainsi le manquement de Mme A... à ses obligations contractuelles n'était pas établi.

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que lors de son recrutement en 2013 par la société EDF, Mme A... a indiqué, notamment dans son curriculum vitae, travailler à temps partiel au profit de La Poste alors qu'elle y travaillait à temps complet depuis 2008, que le contrat signé le 12 juin 2013 avec EDF prévoyait expressément 14h30 de service hebdomadaire, et qu'une convention signée le même jour imposait des horaires précis les mardis. Cette fausse déclaration, dont la matérialité est établie, et qui a été déterminante dans son recrutement par la société EDF, constitue un manque de loyauté vis-à-vis de cette société. Il ressort par ailleurs également du dossier que Mme A... a travaillé de nombreux mardis pour La Poste, sans qu'il en ressorte qu'elle aurait allongé ses journées de travail du mardi à 10 heures par jour, sans d'ailleurs que cela ne permette de remplir ses obligations vis-à-vis de la société EDF. Ces manquements à ses obligations professionnelles, dont son obligation de loyauté, sont suffisamment établis, et constituent des fautes d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de Mme A.... Par suite, la société EDF est fondée à soutenir que la décision de l'inspectrice du travail du 4 novembre 2015 refusant d'autoriser le licenciement de Mme A... est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, ainsi que celle du ministre du travail rejetant son recours hiérarchique.

5. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de licenciement de Mme A... serait liée aux fonctions occupées de médecin du travail.

6. Il résulte de ce qui précède que la société EDF est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 4 novembre 2015 et de la décision implicite du ministre du travail rejetant le recours hiérarchique.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société EDF qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée au titre des frais exposés par Mme A.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société EDF d'une somme de 1 500 euros à ce titre.

Sur les dépens :

8. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées par la société EDF et Mme A... sur ce fondement doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1605960 du 28 mai 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La décision de l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'unité de contrôle n° 5 des Hauts-de-Seine refusant d'autoriser le licenciement de Mme A... ainsi que la décision implicite du ministre du travail rejetant le recours hiérarchique de la société EDF sont annulées.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société EDF au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société EDF est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par Mme A... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées, ainsi que celle présentées au titre des dépens.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Electricité de France, à Mme C... A... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

La rapporteure,

A.-C. B...Le président,

S. BROTONS La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N°19VE02665 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02665
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : MAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-14;19ve02665 ?
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