Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Réaliser l'accord Cité-Nature-Espace " et autres ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 27 janvier 2018 par laquelle le maire de la commune de Louveciennes a implicitement refusé de recueillir l'accord de l'architecte des bâtiments de France sur l'opération de défrichement des parcelles cadastrées AL 33 et AL 35, d'enjoindre au maire de la commune de Louveciennes de déposer une demande d'autorisation préalable de travaux sur le fondement de l'article L. 621-32 1° du code du patrimoine afin de recueillir l'accord de l'architecte des bâtiments de France sur ce défrichement et de mettre à la charge de la commune de Louveciennes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1802205 du 30 novembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a donné acte du désistement de Mme D..., M. A... et M. B..., rejeté la requête de l'association " Réaliser l'accord Cité-Nature-Espace " et autres et rejeté les conclusions présentées par la commune de Louveciennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er février 2021, l'association " Réaliser l'accord Cité-Nature-Espace ", l'association " Yvelines Environnement ", la fédération " Patrimoine Environnement " et la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), représentées par Me Monamy, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 27 janvier 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Louveciennes une somme de 2 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les requérantes soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet aurait été tenu de consulter l'architecte des bâtiments de France lors de l'instruction de la demande d'autorisation de défricher dès lors que le principe d'indépendance des législations fait obstacle à ce qu'une autorisation acquise au terme d'une procédure, en l'espèce celle prévue par le code forestier, respecte la procédure prévue par une autre législation, à savoir celle prévue par le code du patrimoine ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'autorisation de défrichement était devenue définitive et que le préfet était en situation de compétence liée pour refuser de solliciter l'avis de l'architecte des bâtiments de France ;
- l'opération de défrichement aurait dû faire l'objet d'un avis de l'architecte des bâtiments de France dès lors qu'elle concerne des parcelles situées à moins de 500 mètres de l'aqueduc de Louveciennes qui sont visibles depuis cet ouvrage.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2021, la commune de Louveciennes, représentée par Me Lherminier, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérantes une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était tardive dès lors que les conclusions sont implicitement dirigées contre l'arrêté du 8 juillet 2016, devenu définitif ;
- le défaut de saisine de l'architecte des bâtiments de France ne peut être soulevé que dans le cadre d'un recours dirigé contre l'arrêté autorisant le défrichement ;
- le silence gardé par la commune ne saurait être regardé comme un acte décisoire ou une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir ;
- les demandeurs de première instance ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- l'architecte des bâtiments de France a été saisi dans le cadre de l'instruction des demandes de permis de construire ;
- les autres moyens de la demande de première instance et de la requête d'appel ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
L'avocat des requérantes a, le 1er février 2021, désigné l'association " Réaliser l'accord Cité-Nature-Espace " en qualité de représentante unique sur le fondement de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code forestier ;
- le code du patrimoine ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- les observations de Me Lacoste, substituant Me Monamy, pour l'association " Réaliser l'accord Cité-Nature-Espace " et autres, et de Me Roulette, substituant Me Lherminier, pour la commune de Louveciennes.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet des Yvelines a, par un arrêté du 8 juillet 2016, accordé à la commune de Louveciennes une autorisation de défrichement d'une surface de 2 962 m² sur une parcelle cadastrée AL 33 et de 988 m² sur une parcelle cadastrée AL 35. Par une demande du 24 novembre 2017, l'association " Réaliser l'accord Cité-Nature-Espace " et autres, estimant que cette décision n'avait pas été prise au terme d'une procédure régulière faute pour l'architecte des bâtiments de France d'avoir été consulté, ont demandé au maire de Louveciennes de saisir ce dernier. Les demandeurs doivent ainsi être regardés comme ayant entendu solliciter le retrait de l'arrêté du 8 juillet 2016 portant autorisation de défricher en raison de l'irrégularité de la procédure suivie. L'association " Réaliser l'accord Cité-Nature-Espace " et autres demandent à la cour d'annuler le jugement n° 1802205 du 30 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision ayant implicitement rejeté cette demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.
3. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir exposé les raisons de droit pour lesquelles le préfet était tenu de rejeter la demande formée le 24 novembre 2017, ont écarté les autres moyens comme inopérants pour cette raison. Par suite, le jugement attaqué est suffisamment motivé.
Sur la légalité de la décision attaquée :
4. L'article L. 341-3 du code forestier dispose que : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation. / L'autorisation est délivrée à l'issue d'une procédure fixée par décret en Conseil d'Etat. / La validité des autorisations de défrichement est fixée par décret. / (...) ". En application des dispositions de l'article R. 431-1 et suivants du même code, cette autorisation est donnée par le préfet du département où sont situés les terrains à défricher.
5. Selon l'article L. 621-31 du code du patrimoine, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'un immeuble est adossé à un immeuble classé ou situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. (...) ". Aux termes de l'article L. 621-32 du même code, dans sa version applicable au litige : " (...) / II. ' Lorsqu'elle ne concerne pas des travaux pour lesquels le permis de construire, le permis de démolir, le permis d'aménager ou la déclaration préalable est nécessaire au titre du code de l'urbanisme, la demande d'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du présent code est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci statue après avoir recueilli l'avis de l'architecte des Bâtiments de France. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où un projet, situé dans le champ de visibilité d'un monument historique, ne nécessite pas la délivrance d'un permis de construire ou d'une autre autorisation au titre du code de l'urbanisme, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation sollicitée au titre d'une autre législation l'est également pour délivrer l'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du code du patrimoine.
6. En l'espèce, bien que prise dans la perspective de travaux de construction ultérieurement autorisés par permis de construire, l'autorisation de défricher sollicitée par le maire de Louveciennes ne relevait pas du champ du permis de construire ou de la déclaration préalable. Par conséquent, la demande d'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du code du patrimoine devait, conformément au II de l'article L. 621-32 de ce même code qui vise les cas de déboisement, être adressée au préfet, autorité administrative compétente en la matière, et ce dernier devait ensuite statuer après avoir saisi l'architecte des bâtiments de France. En conséquence, la demande du 24 novembre 2017 tendant à ce que le maire de Louveciennes saisisse l'architecte des bâtiments de France sur l'opération de défrichement a été adressée à une autorité incompétente, sans qu'y fasse obstacle le principe d'indépendance des législations. Par suite, en application de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, le maire est réputé avoir transmis cette demande au préfet des Yvelines et la décision implicite de rejet doit être regardée comme ayant été prise par ce dernier.
7. En outre, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". Selon l'article L. 241-2 du même code : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré ".
8. Il résulte de ces dispositions, en l'absence de toute allégation de fraude, que le préfet des Yvelines était tenu de rejeter la demande présentée le 24 novembre 2017, postérieurement à l'expiration du délai de quatre mois mentionné à l'article L. 242-1 précité. Il s'en suit que tous les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie au titre de la décision rejetant la demande des requérants sont inopérants et doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées par la commune de Louveciennes, que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Louveciennes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les requérantes demandent à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge solidaire de l'association " Réaliser l'accord Cité-Nature-Espace " et autres requérantes une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Louveciennes sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association " Réaliser l'accord Cité-Nature-Espace " et autres est rejetée.
Article 2 : L'association " Réaliser l'accord Cité-Nature-Espace " et autres verseront, solidairement, une somme de 1 500 euros à la commune de Louveciennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Réaliser l'accord Cité-Nature-Espace ", en sa qualité de représentante unique, à la commune de Louveciennes et au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Le Gars, présidente-assesseure,
Mme Houllier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.
La rapporteure,
S. C...Le président,
B. EVENLa greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE00320