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09/02/2023 | FRANCE | N°20VE01169

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 09 février 2023, 20VE01169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 1er août 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, vers un pays dans lequel elle est légalement admissible, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois, sous astreinte

de 150 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer son dossier, selon le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 1er août 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, vers un pays dans lequel elle est légalement admissible, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer son dossier, selon les mêmes modalités, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1909444 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées le 10 avril 2020, le 19 mai 2020, le 15 septembre 2021 et le 19 janvier 2023, Mme A... C..., représentée par Me Berdugo, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans un délai de quinze jours, un récépissé valant autorisation de travail ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé valant autorisation de travail, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dans sa réponse aux moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et n'aurait pas été précédé d'un examen particulier et de ce que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît son droit à une vie privée et familiale normale compte tenu, notamment, de son intégration professionnelle ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 6-5 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet s'est senti lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation à cet égard ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des Nations-Unies relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation à cet égard.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des Nations-Unies relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Frémont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante algérienne, née le 18 février 1974, qui déclare être entrée en France le 19 janvier 2015, a sollicité le 23 mai 2018 son admission au séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade. Par un arrêté du 1er août 2019, le préfet de Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Mme A... C... demande l'annulation du jugement n° 1909444 du 10 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, sans être tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.

3. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont, par une motivation suffisante, répondu, notamment, au moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé et n'aurait pas été précédé d'un examen particulier de la situation de la requérante et à celui tiré de la méconnaissance de son droit au respect d'une vie privée et familiale normale.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives individuelles défavorables qui constituent une mesure de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. L'arrêté attaqué vise les stipulations applicables de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, notamment son article 6-5, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et expose les considérations de fait, notamment le contenu de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et la situation personnelle et familiale de la requérante, qui fondent la décision. Si l'arrêté attaqué ne fait pas expressément référence à la situation du père de l'enfant de la requérante, ceci ne saurait suffire à entacher d'insuffisante motivation cette décision.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, le 23 mai 2018, Mme A... C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour uniquement en qualité d'accompagnant d'enfant malade. Si, par un courrier du 18 juillet 2019, soit plus d'un an après le dépôt de sa demande initiale, le conseil de Mme A... C... a informé la préfecture que la situation personnelle et familiale de l'intéressée justifiait également la délivrance d'un titre de séjour au titre des anciens articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France. Par suite, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de ces articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. En tout état de cause, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Saint-Denis a examiné la situation privée et familiale de la requérante en France avant d'estimer que celle-ci ne faisait pas obstacle à l'édiction d'un refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée n'aurait pas été précédée d'un examen particulier de la situation de Mme A... C... doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Seine-Saint-Denis se serait cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'article 6 de l'accord-franco algérien du 27 décembre 1968 modifié stipule que : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

9. D'une part, Mme A... C... déclare être entrée en France en janvier 2015. En décembre 2017, son enfant, B..., né le 26 mars 2012 en Algérie, a été diagnostiqué comme souffrant d'une dyskinésie ciliaire primitive pour laquelle il fait l'objet d'un suivi hospitalier régulier, ainsi que d'un traitement médicamenteux accompagné de séances de kinésithérapie respiratoire quotidiennes. S'il est constant que cette maladie nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ressort de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 décembre 2018 que le traitement adéquat est effectivement accessible en Algérie et que l'enfant peut voyager sans risque vers son pays d'origine, sans que les certificats médicaux produits par la requérante, rédigés par des médecins français en des termes peu circonstanciés, ne permettent de remettre en cause cette appréciation. Si la requérante produit également un certificat établi par un médecin algérien, ce dernier est insuffisamment précis pour permettre d'établir que l'enfant B... ne pourrait effectivement bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé en Algérie.

10. D'autre part, si la requérante y travaille à temps partiel depuis avril 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait transféré en France l'intégralité de sa vie privée et familiale, alors même qu'elle n'est entrée en France qu'en janvier 2015 et qu'elle n'allègue pas être privée d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a résidé jusqu'à l'âge de 41 ans.

11. Enfin, le père de l'enfant, également ressortissant algérien, qui est divorcé de la requérante depuis le 10 mai 2015, réside régulièrement en France depuis de nombreuses années. Il ressort de l'ordonnance du juge aux affaires familiales du 20 janvier 2017, qu'un droit de visite lui a été octroyé à hauteur d'un week-end sur deux et de la moitié des vacances scolaires. Cependant, si la requérante produit par ailleurs deux certificats médicaux, établis en juillet et août 2019, attestant que le père de l'enfant était présent lors du diagnostic de son fils en 2017 et lors de certaines consultations de kinésithérapie, ainsi qu'une attestation de la caisse d'allocation familiale et de la couverture maladie universelle indiquant que, de 2015 à 2017, son fils et elle ont été rattachés à la couverture maladie du père de l'enfant, et si elle produit une attestation de ce dernier indiquant, de manière très peu circonstanciée, qu'il s' " occupe de manière permanente, financièrement et contribue effectivement à l'entretien, l'éducation et la scolarisation " de son fils, ainsi que la preuve de trois virements réalisés en octobre, novembre et décembre 2022, postérieurement à la décision attaquée, il ne ressort pas des pièces du dossier que le père de l'enfant exercerait le droit de visite octroyé par le juge aux affaires familiales, ni qu'il contribuerait de manière régulière à l'entretien et l'éducation de son fils, alors, au surplus, qu'il résidait déjà en France à la date de sa naissance et lors des trois premières années de vie de ce dernier. Dans ces conditions, rien ne s'oppose à ce que Mme A... C... puisse se réinstaller en Algérie en compagnie de son fils, dont elle a la garde principale, et avec qui elle vit depuis sa naissance. Par suite, le préfet de Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet à cet égard doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 à 11 précédents.

13. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

14. Il résulte de ce qui a été exposé au point 11 de cet arrêt, qu'il n'est pas établi que le père de l'enfant contribuerait de manière régulière et effective à l'éducation et l'entretien de son fils, ni que la relation existante entre eux ne pourrait être poursuivie depuis l'Algérie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Le Gars, présidente-assesseure,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.

La rapporteure,

S. D...Le président,

B. EVENLa greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE01169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01169
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-09;20ve01169 ?
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