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24/01/2023 | FRANCE | N°21VE00313

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 24 janvier 2023, 21VE00313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1808012 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a déchargé M. A... des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, à concurrence d'une réduction en base de 21 469 euros

des revenus de capitaux mobiliers de l'année 2015, ainsi que des pénalités corresponda...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1808012 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a déchargé M. A... des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, à concurrence d'une réduction en base de 21 469 euros des revenus de capitaux mobiliers de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2021, M. Lê, représenté par Me Picovschi, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en visant sans l'analyser son mémoire en réplique présenté le 16 novembre 2020, alors qu'il avait été informé de la constitution de son nouveau conseil, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit au recours et les prescriptions de l'article L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire relatives au déni de justice ont, ainsi, été méconnues ;

- la procédure d'examen de sa situation fiscale personnelle est irrégulière dès lors que le service vérificateur lui a demandé la nature de ses crédits bancaires sans respecter la règle du double posée à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, ni le délai de réponse d'au moins deux mois prévu à l'article L. 16 A du même livre ;

- la vérification de comptabilité dont la société Intermed a fait l'objet est irrégulière en ce que l'avis de vérification était prématuré pour une période ne pouvant être vérifiée, et en ce que la mention du lien d'accès à la charte du contribuable vérifié n'était pas valide ; la procédure conduite à l'égard de la société n'étant pas valide, les conséquences ne pouvaient en être tirées sur son imposition personnelle ;

- son activité de conseil en informatique ne présentait pas de caractère occulte dès lors qu'il avait déclaré son activité à un centre de formalités des entreprises et qu'il a déposé des déclarations dans lesquelles il a déclaré ses revenus dans la catégorie des traitements et salaires ; son activité ne pouvait être regardée comme occulte dès lors qu'il a seulement commis une erreur catégorielle ; il s'ensuit que le délai de reprise de l'administration était prescrit en application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;

- en l'absence d'activité occulte, le service n'a pas respecté le délai d'intervention de trois mois prévu par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- la procédure d'évaluation d'office ayant été irrégulièrement mise en œuvre en l'absence d'activité occulte, il a été privé des garanties prévues par la charte du contribuable vérifié tenant à la faculté de saisir le supérieur hiérarchique, l'interlocuteur départemental et la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- il n'a pas eu connaissance de l'attestation délivrée par la société Open et ainsi été privé de la faculté d'en demander communication en application des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- il a été privé d'un débat oral et contradictoire du fait de l'absence de restitution, à l'issue de la visite domiciliaire du 7 décembre 2016, de justificatifs de ses charges constituant les scellés n° 7 et 13 de l'inventaire de l'enquête préliminaire ;

- les produits non déclarés par la société Intermed qu'il aurait appréhendés selon le service doivent être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

- le service devait constater un ratio de charges déductibles au titre du principe de réalisme économique ;

- les pièces et factures saisies ne lui ayant pas été restituées à l'issue de la procédure d'enquête préliminaire, il n'a pas été en mesure de justifier de ses charges ;

- la pénalité de 80 % n'est pas justifiée en l'absence d'activité occulte.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de M. Lê.

Il s'en remet à l'appréciation de la cour quant à la régularité du jugement et fait valoir que les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 septembre 2022, l'instruction a été close au 6 octobre 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. Lê a réalisé, au cours des années 2012 à 2015, des prestations de services informatiques auprès de trois sociétés françaises, elles-mêmes prestataires informatiques, chez lesquelles le service a découvert des factures émises par M. Lê portant des numéros de Siren différents, parfois des adresses différentes, alors que cette activité n'était pas connue de l'administration et n'avait pas été déclarée à un centre de formalités des entreprises. M. Lê a alors fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité occulte de consultant informatique portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015. Parallèlement, la société Intermed, dont M. et Mme Lê sont les dirigeants, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur 2014 et 2015, et le foyer fiscal a fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle portant sur les années 2014 et 2015. A l'issue de ces contrôles, les revenus imposables de M. et Mme Lê ont été rehaussés des résultats de l'activité occulte de consultant informatique de M. Lê, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, et de revenus regardés comme distribués par la société Intermed, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre des années 2014 et 2015. Dans la présente instance, M. Lê relève appel du jugement du 3 décembre 2020 du tribunal administratif de Versailles en tant que celui-ci n'a pas intégralement fait droit à sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux, et de la majoration de 80 % pour activité occulte, auxquels son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, pour un montant total de 208 972 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Versailles avait, par une ordonnance du 12 octobre 2020 notifiée aux parties le même jour par l'intermédiaire de l'application Télérecours, prononcé la clôture de l'instruction au 28 octobre 2020, lorsque Me Picovschi s'est constitué en remplacement de Me Reillac pour défendre les intérêts de M. Lê. La circonstance que la procédure a été communiquée à un conseil nouvellement désigné pour assister l'une des parties est par elle-même sans incidence sur la clôture de l'instruction. La circonstance que le greffe de la chambre chargée de l'instruction lui aurait indiqué à tort qu'en cas de succession d'avocats l'instruction est automatiquement rouverte, ce qui n'est au demeurant pas établi, est sans incidence sur la régularité de la procédure. Par suite, l'affaire étant en état d'être jugée et le mémoire déposé au soutien de la demande le 16 novembre 2020 par l'avocat nouvellement constitué ne comportant l'exposé d'aucune circonstance de fait dont M. Lê n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction, ni circonstance de droit nouvelle ou que le juge devait relever d'office, le tribunal a pu à bon droit, en application de l'article R.613-3 du code de justice administrative, et sans porter atteinte aux droits de la défense ni entacher d'irrégularité son jugement, viser ce mémoire sans l'analyser. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit au recours et des dispositions de l'article L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire relatives au déni de justice ne peuvent qu'être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

S'agissant des moyens tirés du non-respect des dispositions des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales :

4. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales prévoit que : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation (...). / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. ". L'article L. 16 A du même livre dispose que : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la procédure d'examen de situation fiscale personnelle dont le foyer fiscal de M. Lê a fait l'objet, aucune demande d'éclaircissements ou de justifications n'a été adressée aux contribuables. Ni l'avis de contrôle par lequel le service a invité M. et Mme Lê à remettre au vérificateur leurs comptes financiers et comptes bancaires, ni les demandes de renseignements adressées aux établissements bancaires teneurs de ces comptes, ne sauraient constituer des demandes d'éclaircissements ou de justifications au sens des dispositions rappelées au point précédent. Il s'ensuit que les moyens tirés du non-respect des dispositions des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

S'agissant des moyens tirés de l'irrégularité de la procédure de vérification de la comptabilité de la société Intermed :

6. L'imposition d'une personne morale à l'impôt sur les sociétés constitue une procédure distincte de l'imposition à l'impôt sur le revenu de son dirigeant ou associé, alors même qu'elle résulterait d'excédents de distribution révélés par une rectification des bases de l'impôt sur les sociétés, que l'administration entend imposer en tant que revenu distribué, entre les mains de son bénéficiaire. Il suit de là que les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure de vérification de comptabilité dont la société Intermed a fait l'objet sont, en vertu de l'indépendance des procédures d'imposition, inopérants.

S'agissant des moyens relatifs à l'absence de caractère occulte de l'activité de conseiller informatique de M. Lê :

7. Aux termes de l'article L 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. (...) ". L'article 68 de ce livre dispose que : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite (...) ". Aux termes de l'article L. 52 du même livre : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) / II.- Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) / 7° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169. (...) ".

8. Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

9. Pour considérer que M. Lê avait, au cours des années en litige, exercé une activité occulte de consultant informatique, le service a relevé que l'activité libérale créée le 24 mai 2012 par M. Lê sous le code APE 7022Z de " conseil pour les affaires et en gestion et management " ne correspondait pas à une activité de conseil en informatique, que cette activité avait été déclarée cessée le 30 décembre 2013 alors que M. Lê avait continué son activité jusqu'en février 2015, que M. Lê avait déposé une seule déclaration de bénéfices non commerciaux correspondant à cette activité, au titre de l'année 2012, ne faisant apparaître que des charges pour 6 041 euros, sans recettes, qu'aucune des factures émises par M. Lê sur la période du 6 juin 2012 au 31 janvier 2013 pour le client Aneo relatives à des prestations de " software development manager ", sur la période du 11 février 2013 au 30 septembre 2014 pour le client Uniware Global Services au titre de prestations de " delivery manager build " et de " programm management office " et sur la période du 17 septembre 2014 au 27 février 2015 pour le client Timspirit à raison de " prestations de chef de projets senior ", ne faisaient apparaître le numéro de Siren 751 969 494 correspondant à l'activité déclarée, que ces factures avaient été établies jusqu'au 24 octobre 2012 avec la mention " en cours d'immatriculation ", puis avec un numéro de Siren usurpé à un quasi homonyme ayant d'ailleurs porté plainte pour usurpation d'identité, et celui, également usurpé, d'un groupement d'intérêt public INTERMED' GIE, dont le nom est voisin de celui de la SAS Intermed dont M. et Mme Lê sont associés et dirigeants, ce qui caractérise l'intention de dissimuler l'existence de cette activité, et que ni les produits de cette activité, ni la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur ces factures n'avaient été déclarés. Dans ces conditions, l'activité ainsi dissimulée ne pouvant être rattachée à l'activité déclarée de " conseil pour les affaires et en gestion et management " et le contribuable n'ayant pas déposé les déclarations qu'il était tenu de souscrire, l'administration fiscale doit être regardée comme rapportant la preuve qui lui incombe du caractère occulte de l'activité.

10. M. Lê fait toutefois valoir que les revenus de cette activité ont été déclarés à tort dans la catégorie des traitements et salaires. Toutefois, les salaires déclarés ne correspondent pas aux montants facturés. En outre, les sommes déclarées dans la catégorie des traitements et salaires, de 80 104 euros en 2012 et de 84 600 euros en 2013, 2014 et 2015, correspondent à la rémunération fixe de l'activité salariée de M. Lê auprès de la société Open, pour un salaire mensuel en 2012 de 6 670 euros, et non à la facturation de prestations de services ponctuelles exercées à titre individuel. M. Lê a d'ailleurs déclaré lors du contrôle ne pas avoir déclaré ses missions de consultant informatique, sans se prévaloir d'une erreur de catégorie d'imposition. Il a lui-même indiqué sur sa déclaration de revenus 2012, pour justifier de ses frais réels, avoir travaillé pour le groupe Open du 1er janvier au 31 décembre 2012 et produit des " ordres de mission " destinés à justifier de ses frais déclarés au titre des années 2013 et 2014, concernant des trajets domicile-travail et des frais de déplacement en clientèle à Lyon et Marne-la-Vallée, tamponnés par la société Open au titre du " visa du responsable ". Ces indices de la poursuite de l'activité salariée exercée par M. Lê sont d'ailleurs corroborés par une attestation de la société Open selon laquelle M. Lê a été employé par cette société en qualité de directeur de projets, sous contrat à durée indéterminée, à temps complet du 1er janvier 2013 au 28 novembre 2014. Si M. Lê fait valoir qu'il a cessé d'être employé par la société Open à compter du 23 avril 2013, la convention de rupture conventionnelle datée du 13 mars 2012, le formulaire Cerfa, l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail, qu'il a produits pour la première fois devant le tribunal pour en attester, sont dépourvus de date certaine, et ne sont pas incompatibles avec la poursuite ou la reprise d'une activité salariée. En outre, postérieurement aux années en litige, M. Lê a déclaré le même montant de traitements et salaires en 2015 qu'en 2014, alors que son activité de consultant avait cessé en février 2015. Au vu de ces éléments, le requérant ne justifie pas de ce que les sommes qu'il a déclarées à titre de traitements et salaires correspondent aux recettes de son activité individuelle de consultant informatique et procèdent d'une simple erreur catégorielle. Il s'ensuit que l'administration fiscale était fondée à considérer que l'activité de consultant informatique exercée par M. Lê présentait un caractère occulte et que les moyens tirés de la prescription du droit de reprise, de la privation des garanties attachées à la procédure contradictoire d'imposition et de l'irrégularité du contrôle poursuivi au-delà du délai de trois mois, ne peuvent qu'être écartés.

S'agissant du défaut d'information sur les renseignements obtenus auprès de tiers :

11. En vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

12. M. Lê fait valoir qu'il n'a pas été informé de l'attestation de la société Open déclarant qu'il était son salarié, dont le service a pris connaissance dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evry. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que cette attestation, qui n'a été mentionnée par l'administration fiscale qu'en réponse aux observations du contribuable soutenant qu'il n'était plus salarié de cette société, ait été utilisée pour fonder les rectifications. Il s'ensuit que l'obligation d'information prévue par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'a pas été méconnue.

S'agissant de la privation de la garantie d'un débat oral et contradictoire :

13. Si l'administration est tenue de restituer au contribuable les pièces et documents, notamment comptables, qu'elle a saisis dans le cadre d'une opération de visite domiciliaire, dans un délai permettant au contribuable d'avoir, sur place, un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, il ne saurait lui être demandé de restituer des documents qui ne sont pas en sa possession. Par ailleurs, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur d'en justifier.

14. En se bornant à soutenir qu'il a été privé de la garantie d'un débat oral et contradictoire du fait de l'absence de restitution de justificatifs de notes de frais constituant les scellés n° 7 et n° 13 saisis dans le cadre de l'enquête préliminaire lors de la perquisition du 7 décembre 2016, M. Lê ne justifie pas des effets concrets que ce défaut de restitution de documents saisis a pu avoir sur ses droits de la défense et sur le caractère contradictoire de la procédure fiscale, alors qu'il résulte de l'instruction que ces documents sont relatifs à l'activité de la société Intermed, que M. Lê n'a aucunement cherché à justifier des charges de son activité de consultant informatique au cours du contrôle, et que le service vérificateur a admis au titre du réalisme économique un taux de charges non contesté de 5 %. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant des revenus distribués par la société Intermed :

15. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ".

16. En premier lieu, les avantages occultes mis à la disposition des associés d'une société ont le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. M. Lê n'est dès lors pas fondé à soutenir que les produits non déclarés par la société Intermed, dont son épouse et lui-même sont dirigeants, étaient constitutifs de bénéfices non commerciaux. Est sans incidence à cet égard la circonstance que M. Lê déploie son activité de consultant informatique tantôt à titre individuel, dans le cadre d'une activité occulte, tantôt par l'intermédiaire de la société Intermed.

17. En second lieu, il résulte de l'instruction que la société Intermed a conclu le 10 avril 2015 avec la société Deed It un contrat de prestations de services informatiques et facturé ces prestations pour un montant total de 61 260,85 euros TTC qui n'a pas été comptabilisé, ni déclaré, le compte bancaire mentionné sur les factures étant le compte bancaire personnel de M. Lê. Il est d'ailleurs constant que les sommes facturées par la société Intermed à la société Deed It ont été appréhendées par M. Lê. Celui-ci ayant ainsi bénéficié d'un avantage injustifié de 61 261 euros, le service a pu à bon droit regarder ces sommes comme des revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. M. Lê n'est pas davantage fondé à revendiquer la déduction des charges éventuellement supportées par la société Intermed.

S'agissant de la déductibilité des charges déclarées :

18. Aux termes de l'article 83 du code général des impôts : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : / (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être admis à déduire des frais réels, le contribuable est tenu de fournir des éléments justificatifs suffisamment précis pour permettre d'apprécier le montant des frais effectivement exposés par lui à l'occasion de l'exercice de sa profession.

19. M. Lê a déclaré des frais réels pour des montants de 53 227 euros au titre de l'année 2014 et 37 615 euros au titre de l'année 2015, en déduction de ses traitements et salaires, qui n'ont pas été justifiés. En se bornant à soutenir qu'il n'a pas pu présenter lors du contrôle ni ultérieurement les pièces et factures qui ne lui ont pas été restituées à l'issue de la procédure de saisie pénale, alors que les documents saisis sont relatifs à l'activité de la société Intermed et non à l'activité salariée de M. Lê, celui-ci ne justifie pas de la réalité de ses charges.

En ce qui concerne la majoration de 80 % pour activité occulte :

20. Aux termes de l'article du 1 de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ".

21. Ainsi qu'il a été dit aux points 9 et 10, M. Lê a exercé, au cours des années 2012 à 2015, une activité de consultant informatique dont il n'a pas déclaré l'existence à un centre des formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, ni les revenus. C'est par suite à bon droit que l'administration fiscale a assorti les impositions supplémentaires résultant de bénéfices non commerciaux réalisés par M. Lê à raison de l'exercice de cette activité de la pénalité de 80 % prévue dans le cas de l'exercice d'une activité occulte par l'article 1728 du code général des impôts.

22. Il résulte de ce tout qui précède que M. Lê n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Lê est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... Lê et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 janvier 2023.

La rapporteure,

O. C... Le président,

P. BEAUJARDLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 21VE00313


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