Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1805385 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 février 2021, M. Lê, représenté par Me Picovschi, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en visant sans l'analyser son mémoire en réplique présenté le 16 novembre 2020, alors qu'il avait été informé de la constitution de son nouveau conseil, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit au recours et les prescriptions de l'article L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire relatives au déni de justice ont, ainsi, été méconnues ;
- son activité de conseil en informatique ne présentait pas de caractère occulte dès lors qu'il avait déclaré son activité à un centre de formalités des entreprises et qu'il a déposé des déclarations dans lesquelles il a déclaré ses revenus dans la catégorie des traitements et salaires ; son activité ne pouvait être regardée comme occulte dès lors qu'il a seulement commis une erreur catégorielle ; il s'ensuit que le délai de reprise de l'administration était prescrit en application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;
- en l'absence d'activité occulte, le service n'a pas respecté le délai d'intervention de trois mois prévu par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;
- il n'a pas eu connaissance de l'attestation délivrée par la société Open et ainsi été privé de la faculté d'en demander communication en application des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- il a été privé d'un débat oral et contradictoire du fait de l'absence de restitution, à l'issue de la visite domiciliaire du 7 décembre 2016, de justificatifs de ses charges constituant les scellés n° 7 et 13 de l'inventaire de l'enquête préliminaire.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de M. Lê.
Il s'en remet à l'appréciation de la cour quant à la régularité du jugement et fait valoir que les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 septembre 2022, l'instruction a été close au 6 octobre 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. Lê a réalisé, au cours des années 2012 à 2015, des prestations de services informatiques auprès de trois sociétés françaises, elles-mêmes prestataires informatiques, chez lesquelles le service a découvert des factures émises par M. Lê portant des numéros de Siren différents, parfois des adresses différentes, alors que cette activité n'était pas connue de l'administration et n'avait pas été déclarée à un centre de formalités des entreprises. M. Lê a alors fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité occulte de consultant informatique portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015. A l'issue de ce contrôle, les revenus imposables des années 2012 et 2013 de M. et Mme Lê ont été rehaussés des résultats de l'activité de consultant informatique, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Dans la présente instance, M. Lê relève appel du jugement du 3 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux, assortis de la majoration de 80 % pour activité occulte, auxquels son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, pour un montant total de 98 918 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Versailles avait, par une ordonnance du 12 octobre 2020 notifiée aux parties le même jour par l'intermédiaire de l'application Télérecours, prononcé la clôture de l'instruction au 28 octobre 2020, lorsque Me Picovschi s'est constitué en remplacement de Me Reillac pour défendre les intérêts de M. Lê. La circonstance que la procédure a été communiquée à un conseil nouvellement désigné pour assister l'une des parties est par elle-même sans incidence sur la clôture de l'instruction. La circonstance que le greffe de la chambre chargée de l'instruction lui aurait indiqué à tort qu'en cas de succession d'avocats l'instruction est automatiquement rouverte, ce qui n'est au demeurant pas établi, est sans incidence sur la régularité de la procédure. Par suite, l'affaire étant en état d'être jugée et le mémoire déposé au soutien de la demande le 16 novembre 2020 par l'avocat nouvellement constitué ne comportant l'exposé d'aucune circonstance de fait dont M. Lê n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction, ni circonstance de droit nouvelle ou que le juge devait relever d'office, le tribunal a pu à bon droit, en application de l'article R.613-3 du code de justice administrative, et sans porter atteinte aux droits de la défense ni entacher d'irrégularité son jugement, viser ce mémoire sans l'analyser. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit au recours et des dispositions de l'article L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire relatives au déni de justice ne peuvent qu'être écartés.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne les moyens relatifs à l'absence de caractère occulte de l'activité :
4. Aux termes de l'article L 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. (...) ". Aux termes de l'article L. 52 du même livre : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) / II.- Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) / 7° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169. (...) ".
5. Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.
6. Pour considérer que M. Lê avait, au cours des années en litige, exercé une activité occulte de consultant informatique, le service a relevé que l'activité libérale créée le 24 mai 2012 par M. Lê sous le code APE 7022Z de " conseil pour les affaires et en gestion et management " ne correspondait pas à une activité de conseil en informatique, que cette activité avait été déclarée cessée le 30 décembre 2013 alors que M. Lê avait continué son activité jusqu'en février 2015, que M. Lê avait déposé une seule déclaration de bénéfices non commerciaux correspondant à cette activité, au titre de l'année 2012, ne faisant apparaître que des charges pour 6 041 euros, sans recettes, qu'aucune des factures émises par M. Lê sur la période du 6 juin 2012 au 31 janvier 2013 pour le client Aneo relatives à des prestations de " software development manager ", sur la période du 11 février 2013 au 30 septembre 2014 pour le client Uniware Global Services au titre de prestations de " delivery manager build " et de " programm management office " et sur la période du 17 septembre 2014 au 27 février 2015 pour le client Timspirit à raison de " prestations de chef de projets senior ", ne faisaient apparaître le numéro de Siren 751 969 494 correspondant à l'activité déclarée, que ces factures avaient été établies jusqu'au 24 octobre 2012 avec la mention " en cours d'immatriculation ", puis avec un numéro de Siren usurpé à un quasi homonyme ayant d'ailleurs porté plainte pour usurpation d'identité, et celui, également usurpé, d'un groupement d'intérêt public Intermed' GIE, dont le nom est voisin de celui de la SAS Intermed dont M. et Mme Lê sont associés et dirigeants, ce qui caractérise l'intention de dissimuler l'existence de cette activité, et que ni les produits de cette activité, ni la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur ces factures n'avaient été déclarés. Dans ces conditions, l'activité ainsi dissimulée ne pouvant être rattachée à l'activité déclarée de " conseil pour les affaires et en gestion et management " et le contribuable n'ayant pas déposé les déclarations qu'il était tenu de souscrire, l'administration fiscale doit être regardée comme rapportant la preuve qui lui incombe du caractère occulte de l'activité.
7. M. Lê fait toutefois valoir que les revenus de cette activité ont été déclarés à tort dans la catégorie des traitements et salaires. Toutefois, les salaires déclarés ne correspondent pas aux montants facturés. En outre, les sommes déclarées dans la catégorie des traitements et salaires, de 80 104 euros en 2012 et de 84 600 euros en 2013, 2014 et 2015, correspondent à la rémunération fixe de l'activité salariée de M. Lê auprès de la société Open, pour un salaire mensuel en 2012 de 6 670 euros, et non à la facturation de prestations de services ponctuelles exercées à titre individuel. M. Lê a d'ailleurs déclaré lors du contrôle ne pas avoir déclaré ses missions de consultant informatique, sans se prévaloir d'une erreur de catégorie d'imposition. Il a lui-même indiqué sur sa déclaration de revenus 2012, pour justifier de ses frais réels, avoir travaillé pour le groupe Open du 1er janvier au 31 décembre 2012 et produit des " ordres de mission " destinés à justifier de ses frais déclarés au titre des années 2013 et 2014, concernant des trajets domicile-travail et des frais de déplacement en clientèle à Lyon et Marne-la-Vallée, tamponnés par la société Open au titre du " visa du responsable ". Ces indices de la poursuite de l'activité salariée exercée par M. Lê sont d'ailleurs corroborés par une attestation de la société Open selon laquelle M. Lê a été employé par cette société en qualité de directeur de projets, sous contrat à durée indéterminée, à temps complet du 1er janvier 2013 au 28 novembre 2014. Si M. Lê fait valoir qu'il a cessé d'être employé par la société Open à compter du 23 avril 2013, la convention de rupture conventionnelle datée du 13 mars 2012, le formulaire Cerfa, l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail, qu'il a produits pour la première fois devant le tribunal pour en attester, sont dépourvus de date certaine, et ne sont pas incompatibles avec la poursuite ou la reprise d'une activité salariée. En outre, postérieurement aux années en litige, M. Lê a déclaré le même montant de traitements et salaires en 2015 qu'en 2014, alors que son activité de consultant avait cessé en février 2015. Au vu de ces éléments, le requérant ne justifie pas de ce que les sommes qu'il a déclarées à titre de traitements et salaires correspondent aux recettes de son activité individuelle de consultant informatique et procèdent d'une simple erreur catégorielle. Il s'ensuit que l'administration fiscale était fondée à considérer que l'activité de consultant informatique exercée par M. Lê présentait un caractère occulte et que les moyens tirés de la prescription du droit de reprise et de l'irrégularité du contrôle poursuivi au-delà du délai de trois mois, ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne le défaut d'information sur les renseignements obtenus auprès de tiers :
8. En vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.
9. M. Lê fait valoir qu'il n'a pas été informé de l'attestation de la société Open déclarant qu'il était son salarié, dont le service a pris connaissance dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evry. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que cette attestation, qui n'a été mentionnée par l'administration fiscale qu'en réponse aux observations du contribuable soutenant qu'il n'était plus salarié de cette société, ait été utilisée pour fonder les rectifications. Il s'ensuit que l'obligation d'information prévue par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'a pas été méconnue.
En ce qui concerne la garantie d'un débat oral et contradictoire :
10. Si l'administration est tenue de restituer au contribuable les pièces et documents, notamment comptables, qu'elle a saisis dans le cadre d'une opération de visite domiciliaire, dans un délai permettant au contribuable d'avoir, sur place, un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, il ne saurait lui être demandé de restituer des documents qui ne sont pas en sa possession. Par ailleurs, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur d'en justifier.
11. En se bornant à soutenir qu'il a été privé de la garantie d'un débat oral et contradictoire du fait de l'absence de restitution de justificatifs de notes de frais constituant les scellés n° 7 et n° 13 saisis dans le cadre de l'enquête préliminaire lors de la perquisition du 7 décembre 2016, M. Lê ne justifie pas des effets concrets que ce défaut de restitution de documents saisis a pu avoir sur ses droits de la défense et sur le caractère contradictoire de la procédure fiscale, alors qu'il résulte de l'instruction que ces documents sont relatifs à l'activité de la société Intermed, que M. Lê n'a aucunement cherché à justifier des charges de son activité de consultant informatique au cours du contrôle, et que le service vérificateur a admis au titre du réalisme économique un taux de charges non contesté de 5 %. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.
12. Il résulte de ce tout qui précède que M. Lê n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. Lê est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... Lê et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 janvier 2023.
La rapporteure,
O. C... Le président,
P. BEAUJARDLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 21VE00309