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16/12/2022 | FRANCE | N°21VE02006

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 16 décembre 2022, 21VE02006


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 29 mars 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2102730 du 2 juin 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête enregistrée le 9 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Odin, avocat, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 29 mars 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2102730 du 2 juin 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Odin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et avec interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une autorisation de travail et un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " ;

4°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder à un examen de sa situation tendant à la délivrance d'un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt, et sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard, après avoir saisi la commission départementale des titres de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il remplit les conditions pour bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 435-1 et L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la circulaire n° NOR/INT/K/12/29185/C du 28 novembre 2012 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2021, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la circulaire n° NOR/INT/K/12/29185/C du 28 novembre 2012 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1987, est entré sur le territoire français en 2015, selon ses déclarations. Le 29 mars 2021, M. A... a été interpellé par les services de police dans le cadre d'un contrôle d'identité et a fait l'objet d'un arrêté du préfet des Hauts-de-Seine l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et édictant à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 2 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

2. En premier lieu, pour faire à M. A... obligation de quitter le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé notamment, d'une part, sur le fait que le requérant s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français depuis plusieurs années, en dépit de la notification d'une précédente obligation de quitter le territoire notifiée le 6 juin 2019, et, d'autre part, sur l'absence de liens personnels et familiaux suffisamment anciens, intenses et stables dont l'intéressé aurait pu se prévaloir. Dans ces conditions, nonobstant l'absence de mention de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de M. A..., notamment ceux relatifs à la situation professionnelle de l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen.

3. En deuxième lieu, si M. A... soutient remplir les conditions pour bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire. Par suite, à supposer que le requérant ait entendu soulever le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, seul applicable à la date de la décision attaquée, ce moyen doit être écarté en tant qu'il est inopérant.

4. En troisième lieu, pour soutenir qu'il réside en France depuis 2015 et qu'il y a toujours travaillé, M. A... produit, pour la première fois en appel, plusieurs contrats de travail à temps complet en qualité d'étancheur, et des bulletins de salaire portant sur les mois d'avril à décembre 2017, sur certains mois de l'année 2018, de novembre 2018 à novembre 2020, puis durant une période d'essai en 2021. Toutefois, ces documents, qui émanent de différents employeurs et ne permettent pas d'établir une continuité de revenus, sont insuffisants à justifier d'une insertion professionnelle suffisante de l'intéressé. Si ce dernier produit des justificatifs de sa présence en France depuis 2015, il ressort également des pièces du dossier que M. A... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire édictée à son encontre le 4 juin 2019 et qu'il se maintient, depuis lors, en situation irrégulière en France. Par ailleurs, le requérant a déclaré lors de son audition par les services de police le 29 mars 2021 avoir des cousins et des cousines en France. A supposer même établis les liens familiaux dont il entend ainsi se prévaloir, sans toutefois les établir par la seule production de copies de pièces d'identité d'homonymes, M. A... était célibataire et sans charge de famille en France à la date de la décision en litige, le mariage dont il fait état datant seulement du 15 mai 2021. En outre, le requérant a déclaré ne pas être dépourvu de toute attache familiale au Maroc, son pays d'origine, où vit le reste de sa famille et dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans. Dans ces conditions, la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 de l'arrêt, la décision faisant à M. A... obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été édictée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

7. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

8. En vertu de ces dispositions, l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. En outre, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose, cependant, que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Cette décision doit, par ailleurs, faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels l'autorité a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. L'autorité administrative doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

9. En premier lieu, il résulte des termes de l'arrêté du 29 mars 2021 en litige que celui-ci a été pris au visa notamment du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, premier et huitième alinéas, et précise les éléments de la situation de M. A... relatifs à sa durée de présence en France, ses attaches familiales et l'existence d'une précédente mesure d'éloignement non exécutée. Ainsi, et nonobstant l'absence de mention que la présence de l'intéressé sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public, la décision en litige du préfet des Hauts-de-Seine comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée et le moyen doit être écarté.

10. En deuxième lieu, il résulte également des dispositions citées au point 7 que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 précité.

11. M. A... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui n'était assortie d'aucun délai de départ volontaire. Au vu des circonstances exposées au point 4 de l'arrêt, le requérant n'établit pas l'existence de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français à son endroit. Ainsi qu'il a été dit précédemment, si l'intéressé soutient qu'il vit en France de manière stable depuis 2015, qu'il y travaille et y possède ses attaches familiales, il se trouve en situation irrégulière sur le territoire depuis le 4 juin 2019 et ne justifie ni de l'intensité des liens familiaux dont il se prévaut, ni d'une insertion professionnelle suffisamment ancienne et stable. Dès lors, et bien que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet des Hauts-de-Seine n'a ni méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

12. En troisième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, ni de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de la décision en litige, ni de la circulaire n° NOR/INT/K/12/29185/C du 28 novembre 2012.

13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2022.

La rapporteure,

M-G. B...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02006


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02006
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : CABINET MORDANT FILIOR SERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-12-16;21ve02006 ?
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