Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du
20 août 2020 par lequel le préfet de l'Essonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que d'enjoindre à ce préfet de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de
1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2006101 du 11 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 février 2021, M. D..., représenté par Me Tihal, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 20 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal administratif n'est pas suffisamment motivé ;
- le préfet de l'Essonne a commis une erreur de droit en soutenant que sa situation relève de la procédure de regroupement familial ;
- il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- l'arrêté du préfet de l'Essonne porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6 5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2022, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de cette requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant algérien né le 24 mars 1982, est entré en France le
31 août 2017 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de court séjour. Il a sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour le 12 novembre 2019 en se prévalant de la nécessité d'assister sa fille malade, née le 11 février 2011. Par un arrêté du 20 août 2020, le préfet de l'Essonne a refusé de lui accorder un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... fait régulièrement appel du jugement du 11 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif a, en énonçant les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, expressément répondu aux moyens invoqués par le requérant tiré notamment de la méconnaissance de l'article 6 5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et de l'existence d'une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'une insuffisance de motivation.
3. Si le requérant soutient par ailleurs que le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation, ceci se rapporte au bien-fondé du jugement attaqué et est donc sans incidence sur sa régularité.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
5. Il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Essonne a pu, sans commettre d'erreur de droit, tenir compte dans son appréciation du fait que M. D..., marié à une compatriote algérienne bénéficiant d'un titre de séjour d'une durée de validité d'un an, ne pouvait séjourner en France qu'à la suite d'une demande initiale du bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Essonne aurait commis une erreur de droit en soutenant que sa situation relève de la procédure de regroupement familial doit être écarté.
7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... a épousé en Algérie Mme C... D..., née F..., également ressortissante algérienne, le 2 juillet 2008. De cette union sont nés deux enfants, tous deux scolarisés en France, E... D..., née le
11 février 2011 à El Mouradia en Algérie, et Kamel Elyes D..., né le 29 décembre 2015 à Paris. Mme D... réside en France depuis le 11 décembre 2012 et a obtenu, le 28 novembre 2019, un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 27 novembre 2020, puis un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour valable jusqu'au 27 février 2021, et enfin un second certificat de résidence algérien du 28 novembre 2020 valable jusqu'au 27 novembre 2021. M. D... est entré en France le 31 août 2017, pour y rejoindre son épouse. Il a sollicité, le 12 novembre 2019, une autorisation provisoire de séjour afin de pouvoir rester aux côtés de sa fille E.... L'état de santé de cette dernière a été examiné par le collège des médecins de l'OFII, qui a rendu un avis daté du 10 mars 2020, lequel précise que si l'état de santé de cet enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il n'en demeure pas moins que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers l'Algérie et que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, elle peut y bénéficier d'un traitement approprié. Par ailleurs, un certificat médical émanant du pôle oncologie hématologie de l'Assistance publique hôpitaux de Paris, datée du 19 juin 2018 fait état d'une rémission complète de l'enfant depuis bientôt 6 ans et en conclu qu'il est guéri.
8. Dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que M. D... exerce au sein de la société MNL Réseaux l'emploi de technicien fibre optique pour lequel il a obtenu, le
14 décembre 2018, un contrat de travail à durée indéterminée, et alors même que Mme D... est en possession d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 27 novembre 2021, aucune circonstance ne fait obstacle à ce que l'intéressé accompagné de son épouse et de leurs enfants poursuivent leur vie familiale hors de France. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté du préfet de l'Essonne du 20 août 2020 aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 6 5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Ceci ne fait pas obstacle à ce que si Mme D... séjourne régulièrement en France, et si elle s'y croit fondée, sollicite la mise en œuvre de la procédure de regroupement familial sur place en faveur de son époux.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des
outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Bruno-Salel, présidente assesseure,
Mme Houllier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
Le président-rapporteur,
M. B...
L'assesseure la plus ancienne,
C. BRUNO-SALEL
La greffière,
S. DESNOS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE00567