La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2022 | FRANCE | N°21VE02683

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 15 novembre 2022, 21VE02683


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux ans et a prescrit son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2105124 du 9 août 20

21, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux ans et a prescrit son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2105124 du 9 août 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 septembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Boy, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'article 3 de l'accord franco-marocain a été méconnu dès lors qu'il en remplit les conditions ;

- eu égard à la durée de son séjour en France depuis février 2016 et à son insertion professionnelle, le préfet des Hauts-de-Seine a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'exécution de l'obligation de quitter le territoire porterait une atteinte excessive à sa vie privée et familiale ;

- l'interdiction de retour n'est pas justifiée, dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- la durée de deux ans de l'interdiction de retour est disproportionnée ;

- pour rejeter sa demande d'annulation de la décision portant signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, le tribunal s'est fondé sur l'ancien code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'a pas étudié son droit au séjour dans les autres Etats-membres ; cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant interdiction de retour ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2021, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 10 décembre 1990, entré en France le 27 février 2016 avec un visa de court séjour, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son insertion professionnelle. Par un arrêté du 9 mars 2021, le préfet des Hauts-de-Seine lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans et a prescrit son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Il relève appel du jugement du 9 août 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. (...) ". Selon l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ".

3. Il est constant que M. A... B..., dépourvu de visa de long séjour et de contrat de travail visé par les services en charge de l'emploi, ne remplit pas les conditions prévues par l'accord franco-marocain pour la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié ". Il s'ensuit que le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas méconnu ces stipulations.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... B... est entré en France le 27 février 2016 avec un visa de court séjour, soit une présence en France non contestée de cinq ans à la date de la décision contestée, et qu'il a travaillé comme agent de service depuis décembre 2016, en contrats de courte durée à temps partiel, puis en contrat à durée déterminée à temps partiel 119,17 heures/mois à compter du 1er septembre 2017, puis en contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er janvier 2018, et enfin à temps complet depuis le 1er avril 2020, pour la société Derichebourg Propreté qui a présenté une demande d'autorisation de travail en sa faveur. Dans ces conditions, en dépit des efforts d'insertion professionnelle du requérant, eu égard notamment au caractère récent de son emploi à plein temps, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas, en refusant de mettre en œuvre son pouvoir discrétionnaire de régularisation de l'intéressé en qualité de salarié, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :

5. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ".

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B..., célibataire sans enfant, est dépourvu de toute attache familiale en France, Il est hébergé et sa famille réside au Maroc où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans. Par ailleurs, ainsi qu'il a été exposé au point 4, son insertion professionnelle était récente à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement dont le préfet des Hauts-de-Seine a assorti son refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte excessive au droit de M. A... B... au respect de sa vie privée et familiale.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... avait fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire sans délai assortie d'une interdiction de retour d'une durée d'un an, prise à son encontre par le préfet des Hauts-de-Seine le 16 mai 2018 et qui n'a pas été exécutée. L'intéressé ne justifie pas d'attaches familiales en France, ni d'une insertion professionnelle ancienne. Dans ces conditions, alors même que sa présence ne représente pas une menace pour l'ordre public, le préfet a pu lui faire interdiction de revenir sur le territoire français pendant deux ans sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation.

Sur les conclusions relatives au signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen :

10. Aux termes du cinquième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. ".

11. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'autorité administrative prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, celle-ci se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour qui n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022.

La rapporteure,

O. D... Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

N° 21VE02683

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02683
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Autorisation de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : BOY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-15;21ve02683 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award