Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté n° 2018-PREF-DCSIPC/BSIOP/n° 616 du 28 juin 2018 par lequel le préfet de l'Essonne a procédé à la saisie administrative de matériels et d'armes de catégorie B qu'il détenait.
Par un jugement n° 1808776 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 décembre 2020, et les 4 mai et 16 juin 2021, M. C... D..., représenté par Me Denoyes, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 juin 2008 par lequel le préfet de l'Essonne a prononcé le retrait des autorisations de détention d'armes dont il était titulaire et la saisie administrative des douze armes de catégorie B qu'il détenait légalement, et lui a interdit de détenir des armes et munitions de toutes catégories ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs de droit et d'appréciation au regard des manquements sur lesquels il se fonde, soit qu'ils ne sont pas établis, soit qu'ils ne sont pas de nature à remettre en cause sa capacité à détenir des armes et pratiquer le tir sportif :
- les manquements ont été constatés postérieurement à la cession de sa société SLD, le rapport d'inspection du 7 avril 2018 et l'arrêté du 10 avril 2018 mentionnant bien une exploitation de l'activité physique et sportive de tir par la société Editions Beaumarchais, à dénomination commerciale Tir Initiation, laquelle est gérée par M. A... ; ils ne lui sont donc pas imputables ; en outre, une partie des locaux de la société était louée à l'association sportive l'Arquebuse de Wissous ;
- M. D... ne représente pas un danger pour l'ordre public et la sécurité publique et son comportement n'a jamais fait craindre une utilisation des armes dangereuse pour lui-même ou autrui, ainsi qu'en atteste son audition ;
- l'arrêté en litige opère une confusion des personnalités juridiques entre l'association L'Arquebuse de Wissous, titulaire d'un certificat d'homologation sportive d'installations de tir sportif, la société SLD, laquelle exerce le commerce des armes, la société Editions Beaumarchais, organisatrice de séances d'initiation dans les locaux de l'association L'Arquebuse de Wissous et lui-même, titulaire d'une autorisation de détention d'armes ;
- il confond également les activités et relations commerciales de ces différentes sociétés ;
- l'arrêté opère encore une confusion entre lui-même, titulaire personnel d'une autorisation de détention d'armes, et M. A..., lequel n'a jamais été directeur général de la société SLD et qu'il ne connaissait pas en 2012 ;
- l'arrêté est entaché de détournement de pouvoir en ce qu'il vise en réalité à interdire l'activité de M. A... et constitue à son égard une sanction déguisée pour avoir vendu sa société à une personne défavorablement connue des services de renseignements.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 mars, 3 juin et 12 juillet 2021, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté préfectoral du 27 mai 2015, M. D... a été autorisé à exploiter un commerce d'armes, qu'il détenait par l'intermédiaire de la société SLD, dont le siège social est sis 21 rue Ampère à Wissous, laquelle avait toutefois pour principale activité l'exploitation de locaux sportifs aménagés au sein de locaux de 800 mètres carrés loués à cette commune et dont la partie dédiée au stand de tir a été sous-louée à l'association L'Arquebuse de Wissous, dont M. D... a été le président jusqu'au 5 avril 2018. Le 6 juillet 2016, M. D..., agissant au nom de " la société SLD / Arquebuse de Wissous ", a signé avec la société Editions Beaumarchais, gérée par M. A..., une convention de mise à disposition des installations sportives et des armements, hors munitions, avant de céder, le 5 janvier 2017, 49 parts sur 50 parts de sa société SLD à la société Editions Beaumarchais, conservant une part à céder dès l'obtention d'agrément d'armurier par M. A.... A la suite d'une tentative d'autolyse par un participant à une séance d'initiation au tir organisée par L'Arquebuse de Wissous, le 23 mars 2018, le centre de tir a fait l'objet d'une visite d'inspection menée par un agent de la jeunesse et des sports et des agents de la police nationale, laquelle a donné lieu à deux rapports, du 9 avril 2018 pour ce qui concerne l'inspection de la jeunesse et des sports de la direction départementale de la cohésion sociale, et le 10 avril par le chef de la circonscription de la sécurité publique de Massy. Sur cette base, le préfet de l'Essonne a, d'une part, par un arrêté du 10 avril 2018, décidé de la fermeture administrative temporaire du centre de tir sur le fondement de l'article L. 322-5 du code du sport, jusqu'à la mise en œuvre de mesures d'hygiène, de santé et de sécurité, et, d'autre part, le 20 avril 2018, interdit à M. D... d'exercer les fonctions visées à l'article L. 212-1 du code du sport. A la suite de la procédure contradictoire qui s'est tenue le 21 juin 2018, la même autorité a, par un arrêté n° 2018-PREF-DCSIPC/BSIOP/n° 616 du 28 juin 2018, pris sur le fondement des articles L. 312-11 et L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure, retiré à M. D... les autorisations de détention d'armes dont il bénéficiait à titre personnel, ordonné que l'intéressé soit dessaisi des douze armes de catégorie B en sa possession dans un délai de trois mois et a fait interdiction à ce dernier de détenir des armes et munitions de toutes catégories. Le recours gracieux formé le 13 août 2018 par M. D... contre cet arrêté a fait l'objet d'un rejet implicite. M. D... fait appel du jugement du 20 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté en litige :
2. Aux termes de l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable à l'arrêté en litige : " L'autorité administrative peut interdire l'acquisition et la détention des armes des catégories B et C et des armes de catégorie D soumises à enregistrement aux personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation de ces armes dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui. ". L'article L. 312-11 du même code, dans sa version applicable, ajoute : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme des catégories B, C et D de s'en dessaisir. (...) / Sauf urgence, la procédure est contradictoire. (...) ". L'article R. 312-15 de ce code dispose : " Les autorisations d'acquisition et de détention de matériels de guerre, armes et munitions peuvent être retirées, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, par l'autorité qui les a délivrées. / Dans le cas où l'autorisation d'acquisition et de détention d'armes a été délivrée sur le fondement des dispositions du 2° de l'article R. 312-40, le préfet informe l'association sportive agréée des décisions de retrait des autorisations concernant ses membres. ". Enfin, l'article R. 312-67 du même code précise : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : (...) / 3° Il résulte de l'enquête diligentée par le préfet que le comportement du demandeur ou du déclarant est incompatible avec la détention d'une arme ; (...) ".
3. En premier lieu, M. D..., qui ne conteste pas ne disposer d'aucune qualification professionnelle pour encadrer des activités d'initiation au tir, comme l'exigent les dispositions de l'article L. 212-1 du code du sport, soutient n'être jamais intervenu en qualité d'éducateur sportif. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport dressé le 9 avril 2018 par la direction départementale de la cohésion sociale, que cette activité ne relevait pas exclusivement de l'association sportive L'Arquebuse de Wissous, mais était également exercée par la société SLD dont l'activité principale est l'aménagement et l'exploitation de locaux sportifs, l'armurerie ne constituant qu'une activité annexe de cette société. S'il produit différents témoignages, établis pour les besoins de la cause, afin d'établir que, contrairement à ce qui a été relevé lors de la visite d'inspection du 7 avril 2018, il n'a jamais encadré de séance de tir, il ressort également de plusieurs attestations que M. D... contrôlait et conseillait les pratiquants se rendant au stand de tir à titre privé sur la bonne manipulation des armes, et que l'intéressé se chargeait de la surveillance et la sécurité du club ainsi que des aspects financiers. En outre, il n'est pas établi que les séances d'initiation au tir, commercialisées notamment par les sites internet de l'association L'Arquebuse de Wissous ou la société Les Editions Beaumarchais et destinées à des personnes non licenciées dans cette discipline, dont l'auteur de la tentative de suicide du 28 mars 2018, auraient été encadrées par du personnel qualifié pour ce faire. Il est par ailleurs établi, d'une part, que M. D... a présidé l'association L'Arquebuse de Wissous jusqu'au 5 avril 2018 et que le prix des séances vendues dans ce cadre étaient encaissés par la société SLD, la trésorière de l'association ayant reconnu un dysfonctionnement d'ordre financier, et, d'autre part, que le requérant restait associé de la société SLD dans la mesure où M. A..., qui avait racheté 98 % des parts sociales et dirigeait par ailleurs la société Les Editions Beaumarchais, n'était pas titulaire d'un agrément d'armurier.
4. S'agissant des dysfonctionnements techniques relevés au cours de l'inspection, il ressort des pièces du dossier que les dernières factures d'entretien de février et mars 2018 ont été établies au nom de la société SLD, dont M. D... restait le président alors que M. A... exerçait les fonctions de directeur général. Le requérant ne peut utilement faire valoir que le fonctionnement du dispositif d'extraction d'air et l'absence d'évacuation des fumées toxiques relevait de la seule responsabilité de la société Les Editions Beaumarchais, dès lors que l'accord sous seing privé venu compléter la convention d'occupation conclue entre la société SLD et la société Editions Beaumarchais afin de dégager la première de toute responsabilité dans l'usage fait des installations par la seconde, lequel n'a été produit à l'instance que le 4 mai 2021 alors qu'il aurait été signé le 17 décembre 2016, est en tout état de cause sans incidence sur les obligations d'entretien courant incombant à la société SLD pour les installations qu'elle mettait à disposition. Par ailleurs et ainsi que le soutient l'intéressé, l'absence de sas de sécurité pour l'accès à l'armurerie et au stand de tir ne constituait qu'une suggestion de la part des autorités de contrôle et l'absence de déclaration de l'activité de tir incombait au propriétaire des lieux, conformément aux dispositions de l'article R. 312-3 du code du sport. Toutefois, M. D... ne saurait s'exonérer de toute responsabilité quant aux mesures de sécurité recommandées et consistant en la pose de verrous de pontet aux armes en exposition dans la chambre forte de l'armurerie et l'absence de séparation entre les chargeurs et les armes dès lors qu'il est constant qu'il était le seul associé titulaire de l'agrément d'armurier. En tout état de cause, il ne ressort pas de l'arrêté en litige, lequel vise, entre autres motifs, " plusieurs manquements à la réglementation mettant en danger la sécurité immédiate des personnes ", que ces deux derniers points auraient été déterminants dans son édiction.
5. Enfin, il ressort d'un courrier du 13 juin 2018, que le nouveau président de l'association L'Arquebuse de Wissous a également exprimé des craintes quant à la sécurité résultant de la manière dont étaient auparavant gérées les activités de l'association. Il s'est désolidarisé de la gestion antérieure et a attesté auprès de la préfecture qu'en dépit des autorisations de détention d'armes allouées au club, celui-ci n'avait trace d'aucun achat d'arme et n'avoir pas accès aux locaux et coffres détenus exclusivement par la société SLD. Par ailleurs, si la note blanche produite par le préfet conclut seulement à ce que M. A... ne soit pas autorisé à acquérir une armurerie ou un stand de tir en région parisienne, il ressort des déclarations mêmes de M. D... qu'alors même que celui-ci aurait ignoré les faits retenus par les renseignements généraux à l'égard de son associé, il n'était pas sans ignorer que M. A... ne disposait pas de l'agrément d'armurier au moment de la vente à ce dernier de la quasi-totalité de ses parts de la société SLD. Dans ces conditions, et alors même qu'il n'aurait pas manifesté personnellement un comportement dangereux ou un état psychologique instable, qu'il n'a pas de casier judiciaire et n'a jamais été impliqué dans une quelconque infraction pénale, en se fondant sur les manquements commis par M. D... dans le cadre de l'initiation au tir, principalement en l'absence de toute qualification professionnelle de l'intéressé pour ce faire, et sur les relations d'intérêt étroites existant entre les dirigeants de la société SLD, l'association L'Arquebuse de Wissous et la société les Editions Beaumarchais, pour considérer que l'intéressé avait un comportement faisant apparaître des risques pour l'ordre public ou la sécurité des personnes, le préfet de l'Essonne n'a commis ni une erreur de droit, ni une erreur d'appréciation.
6. En second lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 3 à 5, l'arrêté en litige constituant une mesure de police spéciale prise sur le fondement de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, le détournement de pouvoir à raison de l'adoption d'une sanction déguisée n'est pas établi. Par suite, ce moyen doit également être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 28 juin 2018. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.
La rapporteure,
M-G. B...Le président,
S. BROTONSLa greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 20VE03248 2