La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2022 | FRANCE | N°20VE00534

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 08 novembre 2022, 20VE00534


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes, la société Airbus Helicopters Tiger GmbH a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer, d'une part, le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 27 206,83 euros au titre de la période du 1er octobre au 31 décembre 2016 et, d'autre part, le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 2 350 575,90 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016.

Par un jugement nos 1710946, 1801176 du 17 décembre 2019, le tribunal a

dministratif de Montreuil, après avoir joint ces deux requêtes, a accordé un remb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes, la société Airbus Helicopters Tiger GmbH a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer, d'une part, le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 27 206,83 euros au titre de la période du 1er octobre au 31 décembre 2016 et, d'autre part, le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 2 350 575,90 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016.

Par un jugement nos 1710946, 1801176 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil, après avoir joint ces deux requêtes, a accordé un remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre au 31 décembre 2016 à hauteur de 24 701,72 euros et a rejeté le surplus des conclusions des demandes de la société.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 17 février 2020, le 26 avril 2021 et le 27 décembre 2021, la société Airbus Helicopters Tiger GmbH, représentée par Me Irigoyen et Me Nicault, avocates, demande à la cour

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été facturée et qu'elle a supportée au cours de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 pour un montant de 2 350 575,90 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les factures qui mentionnent la taxe sur la valeur ajoutée dont le remboursement est demandé ne sont pas des factures rectificatives mais de nouvelles factures faisant suite à l'annulation des précédentes et l'émission de notes d'avoir net de taxe ; la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures nouvelles correspond ainsi à une taxe " nouvelle " qui ne fait pas double emploi avec la taxe précédemment remboursée ;

- le rejet de sa demande de remboursement méconnaît le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 8 mars 2021 et le 22 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Airbus Helicopters Tiger GmbH ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique,

- et les observations de Me Nicault, pour la société Airbus Helicopters Tiger GmbH.

Considérant ce qui suit :

1. La société Airbus Helicopters Tiger GmbH, dont le siège est situé en Allemagne, a demandé à l'administration le 25 septembre 2017 le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, pour un montant de 2 410 136,80 euros, dans le cadre de la procédure prévue par les articles 271 du code général des impôts et 242-0 M et suivants de l'annexe II au même code. Cette demande a été partiellement rejetée le 8 décembre 2017 à hauteur de 2 350 575,90 euros au motif que le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des factures ayant le même objet avait déjà été effectué. La société Airbus Helicopters Tiger GmbH fait appel du jugement du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la restitution de cette somme.

2. D'une part, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 272 du même code : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables (...) ". Aux termes du a) du 2 de l'article 269 du code général des impôts : " La taxe est exigible : / Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 (...) lors de la réalisation du fait générateur ". En vertu du a) du 1 du même article, le fait générateur de la taxe se produit au moment où la livraison du bien est effectuée, c'est-à-dire lorsqu'est réalisé le transfert du pouvoir de disposer du bien corporel comme un propriétaire, selon les termes du 1° du II de l'article 256 du même code.

3. D'autre part, aux termes de l'article 242-0 N de l'annexe II au code général des impôts : " Un assujetti non établi en France peut obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis en France par d'autres assujettis ou ayant grevé l'importation de biens en France, dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes : (...) / 2° les opérations mentionnées au 2° de l'article 242 0 O ". Aux termes de l'article 242-0 O de la même annexe : " Un assujetti non établi en France doit satisfaire aux conditions suivantes pour obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné à l'article 242-0 N : (...) / 2° au cours de la période sur laquelle porte la demande de remboursement, l'assujetti ne doit avoir effectué aucune livraison de biens ni prestations de services en France à l'exception des opérations suivantes : / (...) b. les opérations pour lesquelles la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur mentionnées au second alinéa du 1 et aux 2, 2 ter, 2 quinquet, 2 sexies de l'article 283 du code général des impôts (...) ".

4. Enfin, par un arrêt du 15 mars 2017, (aff. 35/05, Reemtsma Cigarettenfabriken GmbH), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 2 et 5 de la 8e directive du 6 décembre 1979 doivent être interprétés en ce sens que la taxe sur la valeur ajoutée non due et facturée par erreur au bénéficiaire des prestations, puis versée au Trésor de l'État membre du lieu de ces prestations, n'est pas susceptible de faire l'objet d'un remboursement en vertu de ces dispositions et qu'à l'exception des cas expressément prévus par les dispositions de l'article 21, point 1, de la 6e directive, seul le fournisseur doit être considéré comme redevable de la taxe sur la valeur ajoutée au regard des autorités fiscales de l'État membre du lieu des prestations. En outre, les principes de neutralité, d'effectivité et de non-discrimination ne s'opposent pas à une législation nationale selon laquelle le fournisseur peut seul demander le remboursement des sommes indûment versées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée aux autorités fiscales, le preneur de services pouvant seulement exercer une action de droit civil en répétition de l'indu à l'encontre de ce fournisseur. La Cour a précisé que ce n'est que dans le cas où le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée deviendrait impossible ou excessivement difficile, que les États membres doivent prévoir les instruments nécessaires pour permettre au preneur de récupérer la taxe indûment facturée afin de respecter le principe d'effectivité.

5. Il résulte de l'instruction que le 16 février 2017, la société requérante a obtenu, sur le fondement des dispositions des articles 242-0 M à 242-0 Z ter de l'annexe II au code général des impôts, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à deux factures, émises le 10 février 2016, par son fournisseur, la société française Airbus Hélicoptères SAS, et relatives à la livraison, en France, le 14 janvier 2016, d'un hélicoptère, pour un montant total de 2 350 295,22 euros. Les 26 et 29 juillet 2016, ces factures ont été annulées par des notes d'avoirs nets de taxe ayant précédé l'émission, par la société française, de deux nouvelles factures réitérant le montant de la taxe figurant dans les factures initiales, en la modifiant toutefois par une diminution d'un centime pour l'une des factures et par une augmentation de 280,74 euros pour l'autre, soit un différentiel entre la taxe initialement remboursée et la taxe dont le remboursement est demandé de 281 euros.

6. Pour contester le refus de remboursement, à hauteur de 2 350 575,90 euros, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le coût de l'hélicoptère acquis en France, opposé par l'administration fiscale à raison du précédent remboursement intervenu pour des factures ayant le même objet, la société Airbus Helicopters Tiger GmbH fait valoir que les factures présentées au remboursement le 25 septembre 2017 ne sont pas des factures rectificatives de celles jointes à la demande afférente au 1er trimestre 2016, mais des factures nouvelles faisant suite à l'annulation des factures initiales et l'émission de notes d'avoirs nets de taxe. Il est toutefois constant que la livraison de l'hélicoptère intervenue le 14 janvier 2016, n'a pas été remise en cause et que la vente initiale n'ayant pas été annulée, au sens de l'article 272 du code général des impôts, la seconde facturation est ainsi intervenue en l'absence de tout nouveau fait générateur. Dans ces conditions, la société française Airbus Helicopters SAS, fournisseur de la société Airbus Helicopters Tiger GmbH, ne pouvait, après avoir émis un avoir net de taxe, appliquer une seconde fois la taxe sur la valeur ajoutée au prix du bien livré à cette dernière. La taxe sur la valeur ajoutée relative à ce bien ayant été, ainsi, refacturée à tort, la société Airbus Helicopters Tiger GmbH ne peut en demander le remboursement, une telle demande ne pouvant être présentée que par le fournisseur de cette société, qui est le redevable de cette taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions du 1 de l'article 283 du code général des impôts. Par suite, le service a pu, à bon droit, et sans méconnaître le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, refuser le remboursement de la somme refacturée à tort à hauteur de 2 350 294,90 euros à la société Airbus Helicopters Tiger GmbH, qui n'allègue d'ailleurs pas que le remboursement par son fournisseur des montants de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a collectés à tort auprès d'elle serait impossible ou excessivement difficile. La seule circonstance que ce remboursement ne causerait aucun préjudice pour le Trésor est sans incidence.

7. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit au point 5, la société allemande s'est acquittée lors de la seconde facturation d'un montant supérieur de taxe sur la valeur ajoutée de 281 euros lequel, à défaut d'être compris dans l'avoir net de taxe, n'a pas été refacturé à tort. Dans ces conditions, et dès lors que ce différentiel n'est pas contesté, dans son principe, par l'administration, la société Airbus Helicopters Tiger GmbH est seulement fondée à solliciter, dans cette mesure, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse.

8. A supposer que la société requérante ait entendu se prévaloir des commentaires administratifs référencés BOI-TVA-DED-50-20-30-20 n°40 et BOI-TVA-DED 40-10-10 n°55, sans au demeurant invoquer l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le rejet par l'administration fiscale d'une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ne constitue pas un rehaussement d'impositions permettant à un contribuable de se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, de l'interprétation administrative de la loi fiscale.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Airbus Helicopters Tiger GmbH est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté, à hauteur de 281 euros, ses conclusions tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ni au titre des dépens au demeurant non exposés.

DECIDE :

Article 1er : Il est accordé à la société Airbus Helicopters Tiger GmbH un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée de 281 euros au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 17 décembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Airbus Helicopters Tiger GmbH et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,

Mme Danielian, présidente assesseure,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

I. A...La présidente,

L. Besson-LedeyLa greffière,

A. Audrain-Foulon

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE00534


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00534
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : TAJ SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-08;20ve00534 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award