Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Bettach-Merilys a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Pantin a refusé de lui délivrer un permis de construire valant permis de démolir et de mettre à la charge de la commune de Pantin une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1905796 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la SCI Bettach-Merilys.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 août 2020, la SCI Bettach-Merilys, représentée par Me Jobelot, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Pantin de lui délivrer le permis de construire sollicité ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Pantin le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SCI Bettach-Merilys soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le tribunal administratif a entaché son raisonnement d'une erreur de droit ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que le permis de construire aurait pu être accordé assorti de prescriptions spéciales de nature à limiter le risque.
Une mise en demeure a été adressée le 4 mai 2021 à la commune de Pantin, à la suite de laquelle aucun mémoire en défense n'a été produit.
Par ordonnance du 7 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 octobre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Houllier, première conseillère,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Kerboull, substituant Me Jobelot, pour la SCI Bettach-Merilys.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Bettach-Merilys a sollicité, le 7 décembre 2018, la délivrance d'un permis de construire valant permis de démolir en vue de la réalisation d'un immeuble à usage d'habitation comprenant six logements sur un terrain sis 81 rue Anatole France à Pantin. Par un arrêté du 28 mars 2019, le maire de la commune de Pantin a refusé de faire droit à cette demande. Par un jugement n° 1905796 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le recours formé par la SCI Bettach-Merilys contre cet arrêté. La SCI Bettach-Merilys fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.
3. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué, notamment en son point 7, que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la requérante, s'est appuyé sur plusieurs données concrètes pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en rappelant, notamment, les risques géologiques qui affectent le terrain d'assiette du projet, ainsi que le sens des deux avis de l'Inspection générale des carrières sur les possibles aménagements de nature à réduire lesdits risques et la position de la commune sur ce point. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.
4. En second lieu, si la SCI Bettach-Merilys soutient que le tribunal a commis une erreur de droit, ce moyen ne se rapporte pas à la régularité du jugement attaqué, mais à son bien-fondé.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
5. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
6. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
7. En vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les mouvements de terrain, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités. L'article L. 562-4 du même code précise que " le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan d'occupation des sols, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme (...) ".
8. Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés aux risques en cause et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il incombe à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme de vérifier que le projet respecte les prescriptions édictées par le plan de prévention et, le cas échéant, de préciser dans l'autorisation les conditions de leur application. Si les particularités de la situation l'exigent et sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, il peut subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à des prescriptions spéciales, s'ajoutant aux prescriptions édictées par le plan de prévention dans cette zone, si elles lui apparaissent nécessaires pour assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Ce n'est que dans le cas où l'autorité compétente estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, qu'il n'est pas légalement possible d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions permettant d'assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, qu'elle peut refuser, pour ce motif, de délivrer le permis.
9. La SCI Bettach-Merilys soutient que, contrairement à ce qu'a retenu l'arrêté attaqué, le maire de Pantin aurait pu lui accorder un permis de construire en l'assortissant de prescriptions spéciales de nature à réduire les risques géologiques associés au projet. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est intégralement situé dans une zone d'aléa " très fort " lié à la présence d'anciennes carrières et de risque " fort " lié à la dissolution du gypse et se situe en totalité au-dessus d'une ancienne carrière à ciel ouvert de gypse et d'une ancienne carrière souterraine présumée non comblée. Dans ces périmètres, les dispositions de l'article 2 de l'arrêté n° 86-2510 du 16 décembre 1986 approuvant la délimitation du périmètre des zones de risques liés aux anciennes carrières souterraines et à l'existence de poches de dissolution de gypse antéludien dans la commune de Pantin valant plan de prévention des risques, modifiées par l'arrêté n° 95-1130 du 18 avril 1995, prévoient que " les autorisations d'occupation et d'utilisation du sol peuvent être soumises à des conditions spéciales " et que " le pétitionnaire sera tenu de se conformer, préalablement à toute construction (...) aux conditions spéciales prescrites dans l'arrêté de permis de construire, délivré par l'autorité compétente, après consultation, par celle-ci, de l'Inspection générale des carrières ou de tout organisme compétent en la matière ". L'autorité compétente pourra, notamment, imposer " le comblement des vides, les consolidations souterraines, les fondations profondes ". En l'espèce, si l'Inspection générale des carrières a rendu, les 8 janvier et 8 février 2019, sur la base d'un rapport géologique réalisé par la société Saga Ingénierie, deux avis favorables assortis de prescriptions tendant à la réalisation de fondations profondes et à la sécurisation de la parcelle, le maire de la commune de Pantin, qui était tenu de solliciter ces avis aux termes des dispositions précitées sans néanmoins être lié par ceux-ci, a estimé que ces prescriptions ne suffisaient pas à juguler le risque identifié. Il ressort en effet des pièces du dossier que depuis 2005 plusieurs fontis et désordres majeurs liés aux anciennes carrières ont été constatés dans le voisinage du projet, dont un à proximité immédiate du terrain d'assiette datant de 2008. En outre, il ressort du porter à connaissance du préfet de Seine-Saint-Denis de janvier 2018 pris, notamment, sur le fondement d'une étude de l'aléa mouvements de terrain actualisée par l'inspection générale des carrières en 2016, que de nouvelles recommandations sont nécessaires pour tenir compte du risque identifié allant de " l'affaissement de terrain à l'effondrement généralisé ". Le porter à connaissance préconise ainsi d'interdire les constructions nouvelles dans les zones d'aléa très fort pour les carrières, ainsi que le relève également l'avis de l'autorité environnementale du 6 novembre 2018. Dans ces conditions, eu égard au risque géologique existant sur le terrain d'assiette et à la nature et l'ampleur du projet, qui prévoit la démolition de l'existant, la construction de six logements pour une surface de plancher de 319,77 m² et la réalisation de deux puisards dans une zone d'aléa très fort, le maire de Pantin n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que les prescriptions dont étaient assortis les avis de l'Inspection générale des carrières n'étaient pas suffisantes pour assurer la sécurité du projet et en, refusant, par suite, la demande. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Bettach-Merilys n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 28 mars 2019, à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Bettach-Merilys est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Bettach-Merilys et à la commune de Pantin.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Olson, président de la cour,
M. A..., premier vice-président de la cour,
Mme Houllier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2022.
La rapporteure,
S. HOULLIERLe président,
T. OLSONLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 20VE02251