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18/10/2022 | FRANCE | N°22VE00619

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 22VE00619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... F... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 26 octobre par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2110410 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au préfet des Yvelines de réexaminer la situation de M. E... F..., dans le délai de trois mois à compter de

la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... F... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 26 octobre par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2110410 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au préfet des Yvelines de réexaminer la situation de M. E... F..., dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 15 mars 2022, sous le n° 22VE00619, le préfet des Yvelines demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté au motif qu'il était entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a examiné la demande de changement de statut " salarié " présentée par M. E... F... au regard des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non au regard des dispositions relatives à l'admission exceptionnelle au séjour de l'article L. 435-1 du même code, et que les autres moyens soulevés par M. E... F... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2022, M. E... F..., représenté par Me Itela, avocate, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet des Yvelines de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il faut valoir que :

- le préfet devait examiner sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour mention " salarié " ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

II. Par une requête, enregistrée le 15 mars 2022, sous le n° 22VE00620, le préfet des Yvelines demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement.

Il soutient que les moyens d'annulation développés dans sa requête au fond sont de nature à emporter l'annulation du jugement.

La requête a été communiquée à M. E... F..., qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... F..., ressortissant congolais né à Kinshasa le 7 mars 1975, entré en France le 20 juillet 2012, admis au séjour du 14 juin 2017 au 22 mai 2019 en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de salarié, a sollicité le 7 mars 2019 un changement de statut afin de poursuivre son séjour régulier à la faveur d'un titre de séjour mention " entrepreneur - profession libérale ", demande complétée le 14 janvier 2021 par une demande de renouvellement de son titre de séjour mention " salarié ". Le préfet des Yvelines relève appel et demande qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. E... F... dans un délai de trois mois.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Pour annuler l'arrêté contesté, le tribunal a considéré que la décision portant refus de séjour était entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet ne pouvait opposer à M. E... F..., qui sollicitait le renouvellement de son admission exceptionnelle au séjour, les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 5221-2 et suivants du code du travail, relatives à la délivrance de la carte de séjour mention " salarié ", et qu'en outre, le demandeur justifiait avoir suivi une formation professionnelle en mai 2021 puis un stage au mois d'août 2021, et obtenu des contrats de mission temporaire du 5 novembre au 21 décembre 2021 et un contrat à durée indéterminée conclu le 1er décembre 2021.

3. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa codification applicable depuis le 1er mai 2021 : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

4. D'une part, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Si les dispositions de l'article L. 435-1, permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour " salarié " à un étranger pour des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à cette règle ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article.

5. D'autre part, les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour peuvent être invoquées, à l'appui d'une demande de renouvellement de titre de séjour, par un étranger pour le cas où il ne remplirait pas les conditions de renouvellement de ce titre. Il lui appartient alors de faire état des considérations humanitaires et motifs exceptionnels de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. E... F..., qui avait été admis au séjour à titre exceptionnel sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa codification alors en vigueur, a initialement sollicité un changement de statut afin de créer une entreprise de mise en relation d'employeurs et de salariés dans l'hôtellerie à laquelle il a dû renoncer en raison de la crise sanitaire, puis demandé par courrier du 14 janvier 2021 le renouvellement de son titre " salarié " sans préciser le fondement juridique de sa demande. En application des dispositions rappelées au point 4 du présent arrêt, il appartenait au préfet d'examiner si l'intéressé remplissait les conditions légales lui permettant d'obtenir le renouvellement de son titre de séjour puis, le cas échéant, d'examiner si les considérations humanitaires et motifs exceptionnels invoqués devant lui justifiaient qu'il fasse usage de son pouvoir de régularisation. C'est par suite sans commettre d'erreur de droit que le préfet des Yvelines a examiné la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. E... F... au regard des dispositions des articles L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 5221-2 du code du travail. En l'espèce, il n'était pas tenu de se prononcer, à titre subsidiaire, sur une admission exceptionnelle au séjour qui n'était pas invoquée, l'intéressé ne faisant état d'aucunes considérations humanitaires, ni de motifs exceptionnels. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal a retenu un moyen d'erreur de droit, qui n'était au demeurant pas soulevé par le demandeur.

7. En second lieu, le motif surabondant également retenu par le tribunal n'était pas davantage susceptible d'emporter l'annulation de l'arrêté contesté dès lors que la légalité des décisions s'apprécie à la date à laquelle elles ont été prises et que les contrats de mission temporaire réalisés par M. E... F... du 5 novembre au 21 décembre 2021 et le contrat à durée indéterminée conclu le 1er décembre 2021 sont postérieurs à l'arrêté du 26 octobre 2021.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... F... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens présentés par M. E... F... :

9. En premier lieu, par un arrêté n°78-2021-09-07-00005 du 7 septembre 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n°78-2021-189 de la préfecture des Yvelines, Mme A... C..., directrice des migrations, a reçu délégation du préfet de ce département pour signer les décisions attaquées. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait.

10. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, et comporte les considérations de droit et de fait propres à la situation du demandeur qui en constituent le fondement, notamment les circonstances qu'il n'occupe plus l'emploi ayant justifié la dernière autorisation de travail, ni ne justifie d'une demande souscrite par son nouvel employeur, qu'il n'exerce aucune activité salariée, et qu'il ne perçoit plus de revenu de remplacement. Il est ainsi suffisamment motivé.

11. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt, il ne peut être reproché au préfet de n'avoir pas pris en compte les contrats de mission temporaire réalisés par M. E... F... du 5 novembre au 21 décembre 2021 et le contrat à durée indéterminée conclu le 1er décembre 2021 postérieurement à l'arrêté du 26 octobre 2021. Ni le certificat d'aptitude à la conduite d'engins en sécurité (CACES) obtenu par M. E... F... le 18 octobre 2021, ni la formation professionnelle qu'il a suivie à compter du 10 mai 2021, ni le stage en entreprise effectué du 20 août au 16 septembre 2021, n'étaient de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié ". Il s'ensuit que le moyen d'erreur de fait doit être écarté.

12. En dernier lieu, si M. E... F... justifie résider en France depuis 2012, y travailler et déclarer ses revenus, il ressort de ses déclarations que ses revenus sont irréguliers, ses ressources étant inférieures au SMIC pour les années 2012, 2013, 2018 et 2020. Il s'est par ailleurs déclaré séparé de sa compagne en situation régulière et est père de deux enfants, dont l'un mineur à la date de l'arrêté contesté, qui résident dans son pays d'origine, ainsi que ses parents et sa fratrie. Dans ces circonstances, en dépit de l'ancienneté du séjour de l'intéressé en France et de ses efforts d'intégration professionnelle, l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale de M. E... F.... Le préfet des Yvelines n'a pas davantage, pour les mêmes motifs, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 26 octobre 2021. La demande de M. E... n'étant pas fondée, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à l'exécution du jugement :

14. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions tendant à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution du jugement attaqué sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 22VE00620.

Article 2 : Le jugement n° 2110410 du 21 février 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 3 : La demande de M. E... F... et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... E... F.... Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

O. B... Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

N°s 22VE00619, 22VE00620 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00619
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : ITELA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-18;22ve00619 ?
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