Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Axa Technology Services, devenue Axa Group Opérations, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des rappels de retenue à la source et des intérêts de retard auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1702568 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 septembre 2020, le 18 mars 2021 et le 3 janvier 2022, la société Axa Group Opérations, représentée par Me Demetz et Me Esmoingt, puis par Me Rudeaux, avocats, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des rappels de retenue à la source en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- conformément aux dispositions de l'article 164 B du code général des impôts et à la convention fiscale franco-suisse, les rémunérations versées au directeur général de la société Axa Technology Services ne peuvent être considérées comme des rémunérations de source française qu'à hauteur des jours de présence physique en France de l'intéressé ;
- l'article 17 de la convention fiscale franco-suisse doit être interprété à la lumière des commentaires du comité fiscal de l'OCDE, qui posent le principe d'une imposition des revenus d'emploi au lieu de présence physique du salarié au moment de l'exercice de l'activité génératrice de revenu ;
- l'administration lui a reproché à tort d'avoir appliqué un barème journalier ;
- la doctrine BOI-IR-DOMIC-10-20-20120912 n° 190 permet l'application d'un barème journalier et non annuel pour le calcul des retenues à la source.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Axa Group Opérations ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 février 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Une note en délibéré a été enregistrée le 14 octobre 2022, pour la société Axa Group Opérations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham, première conseillère,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rudeaux, pour la société Axa Group Opérations.
Considérant ce qui suit :
1. La société Axa Technology Services, devenue Axa Group Opérations, qui est une entreprise de services informatiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. A l'issue de cette vérification, lui ont été notifiés, selon la procédure contradictoire, des rappels de retenue à la source pour la partie des rémunérations versées au titre de l'année 2012 à son directeur général, résident fiscal suisse, qui n'en avait pas fait l'objet et avait été imposé en Suisse. La société Axa Group Opérations relève régulièrement appel du jugement n° 1702568 du 24 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces rappels de retenue à la source.
Sur le principe de la retenue à la source :
2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale nationale :
3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 182 A de ce même code : " I. A l'exception des salaires entrant dans le champ d'application de l'article 182 A bis, les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de source française, servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France donnent lieu à l'application d'une retenue à la source. (...) ". L'article 164 B du même code dispose : " I. Sont considérés comme revenus de source française : (...) d) Les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France ou d'opérations de caractère lucratif au sens de l'article 92 et réalisées en France (...) ". En vertu de ces dispositions, les salaires versés à l'occasion ou en contrepartie d'une activité professionnelle exercée en France à un salarié qui n'y est pas fiscalement domicilié sont soumis à la retenue à la source.
4. La société Axa Group Opérations soutient que ne doit être soumise à la retenue à la source que la partie des rémunérations de M. A... correspondant au prorata du temps que cet employé aurait passé en France dans l'exercice de ses activités, en excluant les activités exercées en déplacement à l'étranger ou en télétravail en Suisse. Il résulte de l'instruction que M. A..., résident fiscal suisse, était le directeur général de la société Axa Technology Services, ce qui implique qu'il exerçait en France un mandat social. Son contrat de travail stipule d'ailleurs que, pour l'exercice de ce mandat social, il était basé à " La Grande Arche de la Défense, Paris ". Les nombreux déplacements professionnels qu'il effectuait à l'étranger, ainsi que son télétravail pour convenance personnelle en Suisse, où résidait sa famille, constituaient des modalités de l'exercice de ce mandat social et n'en étaient pas dissociables. Ainsi, les rémunérations versées par la société requérante à M. A... étaient la contrepartie de fonctions effectives de direction qui devaient être regardées comme exercées quotidiennement en France, quand bien même l'intéressé n'était pas physiquement présent en France tous les jours. A ce titre, ces rémunérations constituent des revenus de source française au sens des articles 4 et 164 B du code général des impôts. Par suite, l'administration fiscale pouvait soumettre l'ensemble de la rémunération versée par la société Axa Technology Services à M. A... à des retenues à la source, sans que la société requérante puisse utilement soutenir qu'il exerçait ses fonctions en Suisse ou dans d'autres pays étrangers une partie de l'année.
En ce qui concerne l'application de la convention fiscale franco-suisse :
5. Aux termes de l'article 17 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 susvisée : " 1. Sous-réserve des dispositions des articles 18 à 21, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre État contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État. / 2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans l'autre État contractant ne sont imposables que dans le premier État si : / a) le bénéficiaire séjourne dans l'autre État pendant une période ou des périodes n'excédant pas au total 183 jours au cours de l'année fiscale considérée ; / b) les rémunérations sont payées par un employeur ou au nom d'un employeur qui n'est pas résident de l'autre État; et / c) la charge des rémunérations n'est pas supportée par un établissement stable ou une base fixe que l'employeur a dans l'autre État ".
6. Ces stipulations doivent être interprétées, sans qu'il y ait lieu de se rapporter aux commentaires, anciens ou actuels, du comité fiscal de l'OCDE, comme posant le principe selon lequel les rémunérations sont imposables dans l'Etat dans lequel l'emploi est exercé, sans envisager de proratisation en fonction du temps passé dans chaque pays. Or, ainsi qu'il a été dit précédemment, les rémunérations en litige ont été perçues par M. A... au titre de l'année 2012 à raison de son emploi de directeur général de la société Axa Technology Services, son contrat de travail stipulant que cet emploi serait basé à Paris-La Défense. Les déplacements à l'étranger ou le télétravail qu'il effectuait en Suisse constituant de simples modalités d'exercice de ses fonctions, il doit être considéré comme exerçant son emploi en France au sens du 1. de l'article 17 de la convention fiscale franco-suisse. M. A... ne remplit par ailleurs pas les conditions énoncées au 2. de ce même article, qui prévoit une dérogation à ce principe, dès lors que ses rémunérations sont payées par la société Axa Technology Services, résidente française.
Sur le barème applicable :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
7. Si la société Axa Group Opérations soutient que l'administration ne pouvait lui reprocher d'avoir appliqué un barème journalier, ce moyen doit être écarté, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que le salaire étant annuel, et la retenue à la source devant être assise sur la totalité des rémunérations de M. A..., il n'y a pas lieu à application d'un barème autre qu'annuel.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ". La société Axa Group Opérations ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des énonciations du paragraphe n° 190 du bulletin officiel des impôts référencé BOI-IR-DOMIC-10-20-10-20120912, qui ne comportent pas une interprétation différente de la loi fiscale dont il est fait application.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Axa Group Opérations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Les requérants ne justifiant pas avoir, au cours de l'instance, exposé de dépens, au sens et pour l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions qu'ils présentent à ce titre doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Axa Group Opérations est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axa Group Opérations et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
La rapporteure,
C. PHAM Le président,
P. BEAUJARD
La greffière,
C. FAJARDIE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 20VE02479