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18/10/2022 | FRANCE | N°20VE02301

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 20VE02301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Financière Uguet a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer l'annulation partielle de la décision du 23 juillet 2018 de rejet de sa réclamation, en tant qu'elle confirme la déductibilité des sommes appréhendées par son gérant et déclarées en tant que rémunérations, la déductibilité des dépenses de travaux de réparation effectués dans les locaux dénommés " C... ", la cession de matériel à la société Arius et la

régularisation par cinquième de la taxe sur la valeur ajoutée déduite afférente à des tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Financière Uguet a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer l'annulation partielle de la décision du 23 juillet 2018 de rejet de sa réclamation, en tant qu'elle confirme la déductibilité des sommes appréhendées par son gérant et déclarées en tant que rémunérations, la déductibilité des dépenses de travaux de réparation effectués dans les locaux dénommés " C... ", la cession de matériel à la société Arius et la régularisation par cinquième de la taxe sur la valeur ajoutée déduite afférente à des travaux d'agencement immobilisés.

Par un jugement n° 1806728 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Versailles a, après avoir requalifié ces conclusions en demande tendant à la réduction des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels l'EURL Financière Uguet a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre de la période du 1er juin 2013 au 31 mai 2016, prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 septembre 2020 et le 17 mars 2021, l'EURL Financière Uguet, représentée par Me Charpentier-Stoloff, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2° de prononcer l'annulation partielle de la décision de 23 juillet 2018 statuant sur sa réclamation en ce qui concerne la déductibilité des sommes appréhendées par le gérant et la cession de matériel à la société Arius, ainsi que la TVA afférente à cette vente ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les matériels qu'elle a vendus à la société de crédit-bail Arius BNP Paribas Solutions lui avaient été cédés à prix comptant par ses filiales Sive 1 et Diselere, qui en étaient propriétaires ; l'omission d'enregistrement comptable de la charge, puis l'enregistrement par le débit du compte de produits et le crédit du compte courant de ses filiales, constituent de simples erreurs comptables dont elle est en droit de demander la correction ; il n'en résulte aucune variation d'actif net, ni plus-value taxable ; c'est à tort que le service a considéré que les matériels lui avaient été cédés à titre gratuit par les sociétés Sive 1 et Diselere alors que l'intention libérale ne se présume pas dans la vie des entreprises, qu'aucune perte n'a été constatée au niveau des filiales et que le prix des matériels a été payé par l'EURL Financière Uguet à ses filiales par voie d'inscription en compte courant ;

- le service n'établit pas le caractère excessif des rémunérations versées à son gérant, que celui-ci a déclarées au titre de ses traitements et salaires ; subsidiairement, ces sommes correspondent à la rémunération d'un surcroît de travail de M. A... lié à la cession de la société Papet et à la création de la Diselere et l'acquisition par celle-ci d'un nouveau restaurant à Mantes-la-Ville ; les compléments de salaires constituent des charges déductibles ; ni l'article 39 du code général des impôts, ni les réponses ministérielles aux députés Valbrun AN 21-12-1977 n° 35535 et Perrin AN 22-10-1963 n° 4112 n'imposent au contribuable de prouver la réalisation de travaux supplémentaires par le bénéficiaire des rémunérations;

- la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite afférente à des dépenses de travaux immobilisés réalisés sur les locaux de son siège social dit " C... ", avant déménagement du siège, doit être régularisée sur 5 ans et non sur 20 ans s'agissant de travaux d'agencement ; selon le paragraphe 210 de la doctrine référencée BOI-TVA-DED-60-20-10, le délai de régularisation de 5 ans s'applique aux agencements commerciaux, notamment la pose de nouveaux revêtements.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête est irrecevable faute de critique du jugement et de moyens nouveaux, et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 octobre 2021, l'instruction a été fixée au 22 novembre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Financière Uguet, dont M. A... est l'unique associé et le gérant, est une holding mixte qui gère ses participations dans plusieurs sociétés exploitantes d'établissements de restauration rapide à l'enseigne "Mac Donald's", auxquelles elle facture des prestations. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juin 2013 au 31 mai 2016 à l'issue de laquelle des rectifications lui ont été notifiées en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Elle relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation partielle de la décision de 23 juillet 2018 statuant sur sa réclamation, en ce qui concerne la déductibilité des sommes appréhendées par son gérant et la cession de matériel à la société Arius BNP Paribas Solutions. Sa requête doit être regardée comme tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de décharge des impositions résultant de ces rectifications.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. (...) ".

3. L'EURL Financière Uguet a vendu à la société Arius BNP Paribas Solutions, filiale de crédit-bail du groupe BNP, du matériel informatique appartenant à deux de ses filiales, les sociétés SIVE 1 et DISELERE pour un montant TTC de 162 570,24 euros, dans le cadre d'une opération dite de " lease-back " destinée à dégager de la trésorerie. Le service a constaté que la vente de ces immobilisations initialement constatée en produit sans charge correspondante, avait en fin d'exercice été annulée par le débit du compte de produits en contrepartie du crédit des comptes courants de ces filiales. En retenant que la cession des immobilisations par l'EURL Financière Uguet constatée par une facture émise le 22 décembre 2015 était effective, qu'aucune facture rectificative n'avait été émise, et que le produit de la vente annulé dans les écritures de la société vérifiée n'avait pas davantage été constaté dans la comptabilité de ses filiales, l'administration fiscale établit le bien-fondé de la réintégration de ce produit dans les résultats imposables de la société requérante. En se bornant à soutenir que l'intention libérale ne se présume pas dans la vie des entreprises, qu'aucune perte n'a été constatée au niveau des filiales et que le prix des matériels a été payé par l'EURL Financière Uguet à ses filiales par voie d'inscription en compte courant, sans produire aucune pièce relative à cette acquisition auprès de ses filiales, dont les comptabilités n'ont pas retracé l'opération, l'EURL Financière Uguet n'établit pas que les matériels cédés lui ont été vendus par ses filiales à titre onéreux. Dans ces conditions, le défaut d'enregistrement du produit rectifié ne peut être regardé comme une simple erreur comptable dont la société serait fondée à obtenir la correction. La société n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'il n'en résulte pour elle aucune variation d'actif net.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, (...). / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) " Il résulte de ces dispositions que, s'il appartient à l'administration, en procédure contradictoire, d'apporter la preuve du caractère excessif des rémunérations par rapport à la valeur des services rendus lorsqu'elle soutient que ces rémunérations sont excessives, il appartient au contribuable de justifier, quelle qu'ait été la procédure suivie à son encontre, que les rémunérations qu'il a déduites de son bénéfice imposable correspondent à un travail effectif.

5. En l'espèce, le service vérificateur a constaté que le compte " rémunération travail de l'exploitant " enregistrait des retraits d'espèces et virements au profit de M. A..., gérant de la société requérante, ou de sociétés lui appartenant, pour un montant total de 50 033,47 euros au titre de l'exercice clos en 2014, qu'il a regardés comme des charges injustifiées. Il est constant que ces sommes ont été appréhendées par M. A..., qui les a d'ailleurs déclarées au titre de ses revenus dans la catégorie des traitements et salaires. Ce faisant, l'administration fiscale n'a pas considéré que la rémunération du gérant était excessive, mais que les dépenses n'étaient pas justifiées par un travail effectué dans l'intérêt de la société, dès lors qu'elles excédaient le salaire mensuel versé à M. A... en vertu d'une décision de son assemblée générale. Le service n'a, par suite, pas inversé la charge de la preuve en requérant de la contribuable qu'elle établisse que les charges enregistrées comme des rémunérations correspondaient à un travail effectif de son gérant. Pour en justifier, la société Financière Uguet fait valoir de manière générale que les sommes versées à M. A... correspondent à la rémunération d'un surcroît de travail lié, d'une part, à la cession de la société Papet, d'autre part, à la création de la société Diselere et l'acquisition par celle-ci d'un nouveau restaurant à Mantes-la-Ville, et qu'elles sont proportionnées à l'augmentation du chiffre d'affaires réalisé grâce à cette acquisition. Toutefois, ces allégations ne peuvent permettre de tenir pour établi que les dix-huit versements de sommes comprises entre 30 et 22 466,47 euros, notamment les retraits de 30 et 50 euros intitulés en comptabilité " à rembourser " et les dépenses intitulées "virement Isamar" de 22 466,47 euros et "virement Pompoui" de 7 000 euros, au profit de la SCI Isamar et de la SCI Pompoui indirectement détenues par M. A..., correspondaient à un travail effectif réalisé par celui-ci au profit de l'EURL Financière Uguet. Il suit de là que la preuve de la déductibilité de ces charges n'est pas rapportée. A supposer qu'elle invoque le bénéfice de la doctrine sur le fondement de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, l'EURL Financière Uguet ne peut utilement se prévaloir des réponses ministérielles Léotard (AN du 2 mai 1958, p. 2214, n° 9234), Perrin, (AN du 22 octobre 1963, p. 5337, n° 4112) et Valbrun, (AN du 21 décembre 1977, p. 9117, n° 35535), qui n'ajoutent pas à la loi fiscale.

6. En dernier lieu, la société requérante a effectué au cours des exercices clos en 2013 et 2014 des travaux de terrassement et des travaux de pose de carrelage, de moquette et de parquet flottant, sur les locaux affectés à son siège social dont elle était locataire, dit " C... " à Fontenay-Saint-Père, qui ont été immobilisés. Elle ne conteste pas que la TVA initialement déduite aurait dû être régularisée suite au déménagement au 1er janvier 2015 de son siège à Mantes-la-Jolie, mais soutient que la régularisation calculée sur vingt années par le service aurait dû être opérée par cinquièmes s'agissant d'agencements commerciaux. Ce moyen est toutefois inopérant dès lors que la société requérante n'a pas présenté en appel de conclusions pouvant être requalifiées comme tendant à la décharge des impositions résultant de cette rectification.

7. Subsidiairement, à défaut d'avoir contesté ce chef de rectification dans ses observations sur la proposition de rectification, l'EURL Financière Uguet supporte la charge de la preuve de l'exagération de ces impositions. Or, elle n'apporte aucune précision sur la nature des travaux en cause. Il ressort de la proposition de rectification que les dépenses engagées au cours de l'exercice clos en 2013 ont porté sur des travaux de terrassement nécessairement incorporés à l'immeuble. Il en est de même, sur le terrain de la loi fiscale, des travaux de pose de revêtements (carrelage, moquette dans la salle de bain et changement du parquet flottant) réalisés en octobre 2013 incorporés au bâti et immobilisés. Il s'ensuit qu'en tout état de cause, la régularisation de la taxe initialement déduite a, à bon droit, été régularisée par le service à raison de 17/20ème pour les travaux réalisés au cours de l'exercice clos en 2014 et 16/20ème pour les travaux réalisés au cours de l'exercice clos en 2013.

8. Enfin, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine énoncée au § 210 de la documentation de base BOI-TVA-DED-60-20-10 selon laquelle " Le délai de régularisation de cinq ans, prévu à l'article 207 de l'annexe II au CGI, en cas de cession d'une immobilisation non soumise à la taxe sur le prix total, s'applique aux agencements commerciaux (pose de nouveaux revêtements, d'une enseigne lumineuse, modification, des installations électriques, aménagement, d'une vitrine, etc.) que ceux-ci soient effectués par le propriétaire de l'immeuble ou le locataire ", dès lors qu'en l'absence de toute précision sur la consistance et la finalité des travaux en cause, elle n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que ces travaux ont porté sur des agencements commerciaux.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense par le ministre, que l'EURL Financière Uguet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Financière Uguet est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Financière Uguet et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

O. B... Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 20VE02301 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02301
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : CHEMOULI DALIN STOLOFF BOINET et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-18;20ve02301 ?
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