La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2022 | FRANCE | N°20VE03143

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 13 octobre 2022, 20VE03143


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axima Concept a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 282 187,53 euros HT au titre du solde du marché de travaux de réhabilitation et d'extension de la délégation générale pour l'armement du Bouchet à Vert-le-Petit, assortie des intérêts moratoires au taux contractuel, majorée des intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement et de la capitalisation des intérêts, à titre subsidiaire, de condamne

r solidairement l'Etat et les sociétés IPCS et Canale 3 à lui verser ladite somme en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axima Concept a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 282 187,53 euros HT au titre du solde du marché de travaux de réhabilitation et d'extension de la délégation générale pour l'armement du Bouchet à Vert-le-Petit, assortie des intérêts moratoires au taux contractuel, majorée des intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement et de la capitalisation des intérêts, à titre subsidiaire, de condamner solidairement l'Etat et les sociétés IPCS et Canale 3 à lui verser ladite somme en réparation de ses préjudices résultant de l'exécution de ce marché, assortie des intérêts moratoires au taux contractuel, majorée des intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement et de la capitalisation des intérêts, à titre infiniment subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés IPCS et Canale 3 à lui verser cette somme en réparation de ses préjudices résultant de l'exécution de ce marché, assortie des intérêts moratoires au taux contractuel, majorée des intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement et de la capitalisation des intérêts, et de mettre à la charge de l'Etat et des sociétés IPCS et Canale 3 la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1805666 du 5 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement les 4 décembre 2020, 15 juin 2021 et 7 juillet 2021, la société Axima Concept, représentée par Me Mouriesse, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 282 187,53 euros HT au titre du solde de ce marché, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article 3.3.6 du cahier des clauses administratives particulières, somme majorée des intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement, les intérêts étant capitalisés ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement l'Etat, la société IPCS et la société Canale 3 à lui verser la somme de 1 282 187,53 euros HT en réparation de ses préjudices résultant de l'exécution de ce marché, assortie des intérêts moratoires contractuels, somme majorée des intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement, les intérêts étant capitalisés ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner solidairement la société IPCS et la société Canale 3 à lui verser la somme de 1 282 187,53 euros HT en réparation de ses préjudices résultant de l'exécution de ce marché, assortie des intérêts moratoires contractuels, somme majorée des intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement, les intérêts étant capitalisés ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, de la société IPCS et de la société Canale 3 la somme de 3 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le mémoire qu'elle a présenté le 24 mars 2020 n'a pas été visé dans le jugement attaqué ;

- le tribunal administratif a statué infra petita, la tardiveté opposée à sa demande en raison du caractère régulier du décompte étant sans incidence sur la recevabilité de ses conclusions contre le maître d'œuvre et l'OPC, fondées sur leur responsabilité quasi-délictuelle ;

- sa demande était recevable dès lors qu'aucun décompte de liquidation n'est intervenu, l'état du solde annexé au document intitulé " décompte de liquidation " n'ayant pas été signé ; en outre, ce document fait état de quatre avenants alors qu'un seul a été conclu, l'avenant n° 3 étant en réalité un acte unilatéral ; il indique à tort que cet avenant n'a pas modifié le montant du marché de base ; il ne précise pas le montant de l'indemnité de résiliation ; son mémoire de réclamation ne fait aucune référence à ce décompte et met en demeure le pouvoir adjudicateur de lui notifier le décompte ;

- elle a saisi le conciliateur dans le délai de six mois à compter du rejet implicite de sa réclamation le 22 septembre 2016 conformément aux stipulations de l'article 10 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché, le délai d'un mois n'étant prévu qu'en cas de rejet explicite de la réclamation ; elle a ensuite saisi le comité consultatif de règlement amiable dans les six mois de la décision implicite de rejet du conciliateur conformément à ces mêmes stipulations ; les délais de recours ayant été suspendus, elle disposait ensuite d'un délai d'un mois et demi à compter de la décision du représentant du pouvoir adjudicateur après avis du comité, le 16 juillet 2018, pour saisir le tribunal ;

- à titre subsidiaire, les stipulations de l'article 10 du CCAP, qui dérogent à la procédure de conciliation prévue par le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux), ne lui sont pas opposables dès lors que cet article 10 n'est pas mentionné dans l'article final du CCAP ; elle disposait donc du délai de six mois prévu par l'article 50.5 du CCAG Travaux pour saisir le conciliateur ; en l'absence de décision du conciliateur ou de constat d'échec de sa mission, aucun délai ne lui était opposable ; elle pouvait saisir sans délai le comité de règlement amiable ; aucune décision du pouvoir adjudicateur ne lui ayant été notifiée après son avis du 3 mai 2018, elle pouvait saisir le tribunal sans délai ;

- les conclusions dirigées contre le maître d'ouvrage étant recevables, les conclusions dirigées contre le maître d'œuvre et le titulaire de la mission d'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) étaient également recevables ;

- les sociétés Canale 3 et IPCS ne sont pas fondées à soutenir que les conclusions dirigées à leur encontre seraient irrecevables en raison de la cristallisation du débat contentieux dès lors que la recevabilité de conclusions dirigées contre de nouveaux défendeurs dépend seulement du lien, suffisant ou non, qu'elles présentent avec les conclusions initiales ; le principe de l'immutabilité de l'instance ne saurait s'appliquer dans l'hypothèse de l'appel en cause d'une nouvelle partie en cours d'instance sans qu'importe la différence de fondement juridique invoqué ;

- au fond, à titre principal, elle est fondée à solliciter du maître d'ouvrage la somme de 233 847,12 euros HT au titre des travaux supplémentaires et modificatifs qu'elle a été contrainte de réaliser ;

- en outre, le maître d'ouvrage a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de direction et de contrôle du chantier ainsi que dans l'évaluation préalable des besoins qui a conduit à l'allongement des délais d'exécution et a généré pour la société exposante des frais supplémentaires à hauteur de 1 048 340,41 euros HT ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité solidaire du maître d'ouvrage, du maître d'œuvre et de l'OPC est engagée ; le maître d'œuvre lui a communiqué tardivement des informations nécessaires à la réalisation de ses prestations ; l'OPC a manqué à ses obligations contractuelles relatives à la coordination entre les différents lots ; il a été défaillant dans la transmission des calendriers d'exécution ;

- à titre très subsidiaire, la responsabilité solidaire du maître d'œuvre et de l'OPC est engagée du fait de l'allongement de la durée d'exécution du contrat et des travaux supplémentaires.

Par un mémoire en défense, enregistré les 4 mai 2021, la ministre des armées demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la société Axima Concept le versement de la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 mai 2021 et 24 juin 2021, la société IPCS, représentée par Me Frenkian, avocate, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat, les sociétés Ingerop, Destas et Creb, Spie, Arblade/Alufer et Canale 3 à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de la société Axima Concept le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- les conclusions dirigées contre l'exposante présentées après l'expiration du délai de recours contentieux et qui reposent sur une cause juridique distincte de celle invoquée dans le délai sont irrecevables ;

- à titre subsidiaire, elle doit être garantie par le maître d'ouvrage, le maître d'œuvre et les entreprises de travaux à l'origine du retard de l'opération.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2021, la société Canale 3, représentée par Me Symchowicz, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat, les sociétés Ingerop, Destas et Creib, Spie, Arblade/Alufer et IPCS à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de la société Axima Concept le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- les conclusions dirigées contre l'exposante et la société IPCS, constitutives d'une demande nouvelle et de conclusions nouvelles, sont irrecevables du fait de la cristallisation du débat contentieux ;

- à titre subsidiaire, elle doit être garantie par le maître d'ouvrage, l'OPC et les entreprises de travaux à l'origine du retard de l'opération.

Par une ordonnance du 16 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 juillet 2021.

Un mémoire a été présenté par la ministre des armées le 28 juillet 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Chaigneau, pour la société Axima Concept, celles de Me Frenkian pour la société IPCS et celles de Me Hubert, pour la société Canale 3.

Une note en délibéré, enregistrée le 4 octobre 2022, a été présentée pour la société Axima Concept.

Une note en délibéré, enregistrée le 10 octobre 2022, a été présentée pour la société Canale 3.

Considérant ce qui suit :

1. La société Axima Concept, titulaire du lot n° 4 " Plomberie et chauffage " d'un marché de travaux conclu le 29 janvier 2013 avec l'établissement du service d'infrastructure de la défense d'Ile-de-France (ESID IDF) pour la réhabilitation et l'extension des bâtiments 314 et 315 du site de la direction générale de l'armement du Bouchet à Vert-le-Petit, relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 5 octobre 2020 rejetant sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 282 187,53 euros HT au titre du solde du marché, à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire de l'Etat et des sociétés IPCS et Canale 3, respectivement maître d'œuvre et titulaire de la mission d'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC), à lui verser la même somme en réparation de ses préjudices liés à l'exécution du marché ou, enfin, à titre très subsidiaire, à la condamnation de ces deux sociétés seulement à lui verser ladite somme.

Sur l'omission dans les visas :

2. Si la société Axima Concept soutient que le tribunal administratif a omis de mentionner, dans les visas de sa décision, le mémoire qu'elle avait présenté le 24 mars 2020, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ce mémoire n'apportait aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs de ce jugement. Dans ces conditions, le moyen, à le supposer invoqué, tiré de la méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit être écarté.

Sur l'omission à statuer sur certaines conclusions :

3. Il ressort du point 16 du jugement attaqué que le tribunal administratif a expressément rejeté les conclusions subsidiaires de la société Axima Concept tendant à la condamnation du maître d'œuvre et du titulaire de la mission OPC sur le fondement de leur responsabilité quasi-délictuelle. Par suite, et sans qu'importe le bien-fondé du motif retenu par le tribunal administratif, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis de se prononcer sur ces conclusions doit être écarté.

Sur les conclusions dirigées contre le maître de l'ouvrage :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 47.2.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) dans sa version résultant de l'arrêté du l'arrêté du 8 septembre 2009 applicable au marché litigieux : " En cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l'article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire ". Aux termes de l'article 47.2.2. de ce cahier : " Le décompte de liquidation comprend : a) Au débit du titulaire : - le montant des sommes versées à titre d'avance et d'acompte ; - la valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer ainsi que la valeur de reprise des moyens que le pouvoir adjudicateur cède à l'amiable au titulaire ; - le montant des pénalités ; - le cas échéant, le supplément des dépenses résultant de la passation d'un marché aux frais et risques du titulaire dans les conditions fixées à l'article 48. b) Au crédit du titulaire : - la valeur contractuelle des travaux exécutés, y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; - le montant des rachats ou locations résultant de l'application de l'article 47.1.3 ; - le cas échéant, le montant des indemnités résultant de l'application des articles 46.2 et 46.4. ".

5. Il résulte de l'instruction que la société Axima Concept s'est vu notifier, le 5 juillet 2016, un document signé le 18 juin 2016 par le représentant du pouvoir adjudicateur et intitulé " décompte de liquidation marché à forfait ". Contrairement à ce que fait valoir la société requérante, l'indemnité de résiliation, d'un montant de 30 274,12 euros, a été mentionnée dans l'état de solde figurant en annexe à ce document. Aucun texte ni aucun principe n'imposant que les annexes au décompte soient signées, l'absence de signature de cet état de solde est sans incidence sur l'existence d'un décompte de liquidation au sens des stipulations précitées de l'article 47.2.1. du CCAG Travaux. Il en va de même de la circonstance que le document signé le 18 juin 2016 mentionne par erreur quatre avenants au marché alors qu'un seul a été souscrit ou qu'il indique que cet avenant aurait été sans incidence sur le montant du marché, ces erreurs n'ayant nullement empêché le titulaire de le contester selon les modalités contractuellement prévues. Dès lors, la société Axima Concept n'est pas fondée à soutenir que ce document ne constituait pas un décompte de liquidation qu'il lui appartenait de contester selon les modalités prévues au marché. Par suite, le moyen tiré de ce qu'aucune tardiveté ne saurait lui être opposée en l'absence d'un décompte de liquidation régulièrement établi, doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 50 du CCAG Travaux : " (...) 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. (...) Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général. (...). 50.1.2. Après avis du maître d'œuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. / 50.2 Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas donné suite ou n'a pas donné une suite favorable à une demande du titulaire, le règlement définitif du différend relève des procédures fixées aux articles 50.3 à 50.6. (...) 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. 50.3.3. Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable. 50.4. Intervention d'un comité consultatif de règlement amiable 50.4.1. La saisine d'un comité consultatif de règlement amiable suspend les délais de recours prévus par le présent CCAG jusqu'à la décision du représentant du pouvoir adjudicateur après avis du comité. Le délai de recours suspendu repart ensuite pour la durée restant à courir au moment de la saisine du comité. (...) 50.5. Recours à la conciliation ou à l'arbitrage : Les parties peuvent, d'un commun accord, avoir recours à la conciliation selon les modalités qu'elles déterminent. (...) La saisine d'un conciliateur ou d'un tribunal arbitral suspend les délais de recours prévus par le présent CCAG jusqu'à la notification de la décision prise après conciliation, de la constatation par le conciliateur de l'échec de sa mission ou de la décision du tribunal arbitral ". Enfin, aux termes de l'article 10 du CCAP du marché en litige : " En application de l'article 50.5 du CCAG Travaux, relatif à la conciliation, lorsque le titulaire n'accepte pas la proposition du représentant du pouvoir adjudicateur ou un rejet implicite de sa demande, il doit, sous peine de forclusion, dans un délai de 1 mois à compter de la notification de cette proposition ou à compter de l'expiration du délai de 45 jours prévu à l'article 50.1.3 du CCAG Travaux, transmettre au conciliateur, en la personne du directeur central du service d'infrastructure de la défense, avec copie adressée au représentant du pouvoir adjudicateur, son mémoire en réclamation tel que rédigé et communiqué au représentant du pouvoir adjudicateur au titre de l'article 50.1.1 (...) ".

7. D'une part, la société Axima Concept soutient, à titre principal, que le délai d'un mois prévu par les stipulations précitées de l'article 10 du CCAP du marché litigieux ne s'applique que lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur a notifié une décision expresse sur le mémoire en réclamation de l'entrepreneur et non lorsque, comme en l'espèce, il a implicitement rejeté le mémoire en réclamation. Toutefois, il résulte des stipulations précitées de l'article 10 du CCAP que le délai d'un mois pour saisir le conciliateur s'impose au titulaire du marché non seulement lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur lui notifie une proposition expresse à la suite de sa demande mais aussi lorsqu'il rejette implicitement son mémoire en réclamation en l'absence de notification d'une décision dans le délai de quarante-cinq jours prévu par l'article 50.1.2 précité du CCAG. Dès lors, la société Axima Concept n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de réponse expresse à sa " demande de rémunération complémentaire " du 29 juillet 2016, valant selon elle mémoire en réclamation et reçue par le maître d'ouvrage le 8 août 2016, le délai d'un mois prévu par les stipulations précitées de l'article 10 du CCAP Travaux ne lui serait pas opposable.

8. D'autre part, la société Axima Concept soutient, à titre subsidiaire, que les stipulations de l'article 10 du CCAP, qui dérogent à la procédure de conciliation prévue par le CCAG Travaux, ne lui sont pas opposables dès lors que cet article 10 n'est pas mentionné dans l'article final du CCAP. Toutefois, en admettant même que l'article 10 du CCAP déroge aux stipulations de l'article 50 du CCAG Travaux, la mention de cette dérogation dans le CCAP n'a pas été prescrite à peine de nullité par les dispositions alors applicables de l'article 13 du code des marchés publics et celles des articles 1er et 51 du CCAG Travaux. Par conséquent, le délai d'un mois prévu par l'article 10 du CCAP pour saisir le conciliateur est opposable à la société Axima Concept.

9. Il résulte de ce qui précède que, le rejet implicite de la demande de la société Axima Concept étant intervenu le 22 septembre 2016, le délai d'un mois prévu, à peine de forclusion, par les stipulations précitées de l'article 10 du CCAP Travaux était expiré lorsque la société Axima Concept a engagé une procédure de conciliation par un courrier du 21 novembre 2016, reçu le 24 novembre 2016. Par suite, la société étant forclose, la saisine du comité interdépartemental de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics, le 7 juin 2017, n'a pu suspendre le délai de recours. Il suit de là que la demande de la société Axima Concept enregistrée au greffe du tribunal administratif le 3 août 2018 était tardive.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Axima Concept n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté comme tardives ses conclusions relatives au règlement du marché.

Sur les conclusions dirigées contre le maître d'œuvre et l'OPC :

11. Alors que la demande initiale de la société Axima Concept devant le tribunal administratif, enregistrée le 3 août 2018, tendait uniquement à la condamnation du maître d'ouvrage à lui verser les sommes qu'elle estimait lui être dues au titre du règlement du marché, la requérante a, dans un mémoire enregistré le 24 mars 2020, sollicité à titre subsidiaire la condamnation du maître d'œuvre et du titulaire de la mission OPC à l'indemniser des préjudices qu'elle imputait aux conditions d'exécution de ses travaux. Toutefois, ces nouvelles conclusions ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux prévu par l'article R. 421-1 du code de justice administrative rendu applicable aux litiges en matière de travaux publics par le décret du 2 novembre 2016 portant modification de ce code, et qui courrait en l'espèce à compter de la date de saisine du tribunal. Elles n'étaient, par suite, pas recevables. Dès lors, la société Axima Concept n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ces conclusions comme irrecevables.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise une somme à la charge de l'Etat, de la société IPCS ou de la société Canale 3, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, au titre des frais exposés par la société Axima Concept et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de même nature présentées par l'Etat, la société IPCS et la société Canale 3.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Axima Concept est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat, la société IPCS et la société Canale 3 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axima Concept, au ministre des armées, à la société IPCS et à la société Canale 3.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

Le rapporteur,

G. A... La présidente,

C. Signerin-Icre La greffière,

C. Yarde La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE03143 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03143
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS BRG

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-13;20ve03143 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award