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13/10/2022 | FRANCE | N°20VE01250

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 13 octobre 2022, 20VE01250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du maire de la commune de Villiers-le-Bel du 25 avril 2018 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre à la commune de la réintégrer dans ses fonctions et de régulariser les cotisations afférentes à sa période d'éviction dans un délai d'un mois à compter du jugement dans l'hypothèse où le jugement à intervenir serait notifié avant la date d'expiration de son contrat et de mettre

à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du maire de la commune de Villiers-le-Bel du 25 avril 2018 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre à la commune de la réintégrer dans ses fonctions et de régulariser les cotisations afférentes à sa période d'éviction dans un délai d'un mois à compter du jugement dans l'hypothèse où le jugement à intervenir serait notifié avant la date d'expiration de son contrat et de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1811129 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 12 mai 2020 et le 1er février 2022, Mme A..., représentée par la SCP KPL avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villiers-le-Bel le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le délai de deux jours dont elle a disposé entre la consultation de son dossier et l'entretien préalable ne lui a pas permis d'organiser utilement sa défense ;

- deux nouveaux griefs lui ont été reprochés lors de l'entretien préalable ; elle n'a pas été mise à même de demander la communication des procès-verbaux du 17 avril 2018 justifiant ces griefs ;

- la décision attaquée repose sur des faits matériellement inexacts en ce qui concerne les dysfonctionnements relatifs au pilotage managérial de l'équipe, les dysfonctionnements relatifs à la programmation culturelle et les dysfonctionnements relatifs à la responsabilité financière et budgétaire ;

- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation, la commune ayant commis une erreur de fait en ne prenant pas en compte le contexte particulièrement difficile résultant de la fusion du service des affaires culturelles et de la maison Jacques Brel ;

- sa demande de première instance n'était pas tardive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2020, la commune de Villiers-le-Bel, représentée par Me Desforges, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de Mme A... ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- en cas d'évocation de l'affaire, la demande de première instance sera jugée irrecevable en raison de sa tardiveté.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Duconseil, pour la commune de Villiers-le-Bel.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a été recrutée par la commune de Villiers-le-Bel en qualité d'attachée contractuelle pour occuper les fonctions de responsable du service culturel par deux contrats à durée déterminée du 5 décembre 2016 au 28 février 2017 et du 1er mars 2017 au 29 février 2020. A la suite d'une enquête administrative interne effectuée au début de l'année 2018 qui a mis en évidence l'existence de dysfonctionnements au sein de ce service, le maire a, par une décision du 25 avril 2018, procédé au licenciement de Mme A... pour insuffisance professionnelle. Mme A... relève appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme A... soutient que le tribunal administratif n'a pas motivé son jugement en ce qui concerne le dépassement budgétaire qui lui a été reproché. Toutefois, le jugement attaqué relève dans son point 9 que " ce dépassement budgétaire résulte de la programmation proposée par Mme A... " et qu'une programmation d'une telle ampleur " n'était pas opportune " compte tenu des coûts engagés de janvier à juin. En outre, il répond suffisamment dans son point 7 au moyen tiré du non-respect des droits de la défense et dans ses points 9 et 10 aux moyens tirés de l'absence de matérialité des faits et de l'existence d'une erreur d'appréciation. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne la régularité de la procédure de licenciement :

3. Aux termes de l'article 39-2 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. / L'agent doit préalablement être mis à même de demander la communication de l'intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant permettant à l'intéressé d'en prendre connaissance. Le droit à communication concerne également toute pièce sur laquelle l'autorité territoriale entend fonder sa décision, même si elle ne figure pas au dossier individuel ". Aux termes de l'article 42 de ce même décret, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation (...) Au cours de l'entretien préalable, l'autorité territoriale indique à l'agent le ou les motifs du licenciement ".

4. Un agent public non titulaire dont le licenciement pour insuffisance professionnelle est envisagé par l'autorité compétente doit être mis à même de demander, s'il la juge utile, la communication de l'intégralité des pièces figurant dans son dossier ou sur lesquelles l'administration entend se fonder dans un délai garantissant le respect des droits de la défense avant que la décision de licenciement ne soit prise.

5. En premier lieu, Mme A... soutient que la commune a méconnu les dispositions précitées de l'article 39-2 du décret du 15 février 1988 dès lors qu'elle n'a bénéficié que d'un délai de deux jours entre la consultation de son dossier individuel le 18 avril 2018 et l'entretien préalable au licenciement qui s'est déroulé le 20 avril 2018.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre recommandée avec avis de réception du 9 avril 2018, présentée le 10 avril 2018 et distribuée le 12 avril 2018, l'intéressée a été informée de la procédure de licenciement envisagée à son encontre et convoquée à l'entretien préalable le 20 avril 2018. Ce courrier l'a également informée de son droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel. Ayant sollicité cette communication par une lettre du 13 avril 2018 reçue par la commune le 16 avril suivant, Mme A... a consulté son dossier et pris copie des pièces le composant le 18 avril 2018. Elle a ainsi disposé d'un délai suffisant pour faire valoir ses observations avant l'intervention, le 25 avril 2018, de la décision de licenciement, aucun texte ni aucun principe n'imposant de la mettre à même de demander la communication de son dossier individuel avant l'entretien préalable.

7. En second lieu, Mme A... soutient également qu'elle n'a pas été mise à même de demander la communication des procès-verbaux de vérification de régie ou sous-régie de recettes du 17 avril 2018, produits par l'administration en première instance et ne figurant pas dans son dossier individuel qu'elle a consulté le 18 avril 2018. Toutefois, il est constant, ainsi que le compte-rendu de l'entretien préalable au licenciement le fait apparaître, que Mme A... a été informée le 20 avril 2018 de ce qu'il lui était également reproché l'absence de respect des règles de responsabilité concernant la régie et l'existence d'un achat de 14 316 euros livré sans bon de commande ni engagement préalable. Mme A... a ainsi été mise à même de demander, dans un délai suffisant, la communication des pièces justifiant ce grief. Par suite, le moyen tiré de ce que la requérante n'a pas été mise à même de demander la communication des pièces ayant fondé le licenciement doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement :

8. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.

9. En premier lieu, Mme A... soutient que les dysfonctionnements managériaux, administratifs et budgétaires qui ont été retenus par la décision de licenciement en litige ne sont pas établis et que la commune n'apporte aucune précision concernant les faits qui lui sont reprochés.

10. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de difficultés rencontrées au sein du service des affaires culturelles de la commune de Villiers-le-Bel lors du dernier trimestre de l'année 2017, le maire a chargé le directeur général des services de procéder à une enquête administrative interne au cours des mois de janvier et février 2018 qui a donné lieu à un rapport de synthèse le 23 mars 2018 faisant état de divers dysfonctionnements dans la gestion du personnel, dans la gestion administrative du service ainsi que dans sa gestion financière. Ce rapport proposait d'engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle à l'encontre de Mme A.... Les constats figurant dans ce rapport sont notamment corroborés par le compte-rendu d'entretien professionnel du 6 décembre 2017 qui pointe plusieurs résultats inférieurs aux objectifs fixés, en particulier en ce qui concerne la participation à la définition des orientations stratégiques en matière de culture, et diverses compétences à améliorer, notamment en ce qui concerne le respect des procédures internes et des délais, le travail en équipe, les qualités relationnelles avec les usagers et/ou partenaires, la capacité à accepter les critiques et la capacité à prévenir et gérer les conflits. Mme A... a d'ailleurs reconnu en signant ce compte-rendu que sa prise de poste avait été difficile, en raison selon elle " d'un contexte de fusion non encore finalisé ". Si elle conteste la matérialité des faits ayant justifié ces appréciations défavorables, elle ne justifie notamment pas avoir obtenu la validation préalable de sa hiérarchie en ce qui concerne une prestation effectuée par un photographe en se bornant à produire un courriel informant le directeur chargé de la communication de la nature de cette prestation.

11. En outre, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été invitée, par une note du 27 novembre 2017, à fournir des éléments permettant de justifier le dépassement de plus de 30 000 euros du budget alloué à son service. Mme A... y a répondu par une note du 29 novembre 2017 dans laquelle elle a notamment mis en avant l'incohérence du budget 2017 au regard du fonctionnement réel d'un service culturel. Toutefois, eu égard aux recommandations effectuées par la commune au cours de l'année 2017 en ce qui concerne les engagements financiers, ce dépassement budgétaire ne peut être regardé comme étant justifié par le contexte de restructuration du service invoqué par Mme A... ou par les vicissitudes liées à sa prise de poste à la fin de l'année 2016. En outre, il n'est pas sérieusement contesté que des prestations à caractère culturel ont été effectuées sans engagement préalable et que les règles de fonctionnement de la régie ont été méconnues.

12. Il résulte de ce qui précède qu'alors même que certaines appréciations défavorables portées sur le travail accompli par Mme A... en qualité de responsable du service culturel n'ont pas toujours été illustrées par des exemples concrets, la matérialité des faits ayant justifié le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme A... est suffisamment établie par les pièces du dossier.

13. En second lieu, Mme A... soutient que la décision de licenciement litigieuse est entachée d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation, la commune n'ayant pas pris en compte le contexte particulièrement difficile résultant de la fusion du service des affaires culturelles et de la maison Jacques Brel et la situation des agents employés au sein du service culturel.

14. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la fiche de poste de Mme A..., que cette dernière devait notamment " assurer la mise en place du projet culturel ", " la gestion du service et l'encadrement du personnel, soit 12 agents " et " le pilotage budgétaire du service (...) ". Si elle fait valoir qu'elle a été confrontée à un contexte difficile lors de son entrée en fonction en raison de la fusion non finalisée de deux services, de l'absence de responsable du service pendant plusieurs mois et de la reprise de dossiers non suivis, d'une part, ces difficultés ont été prises en compte dans le compte-rendu de l'entretien professionnel du 6 décembre 2017, qui précise notamment que " l'arrivée de Mme A... dans la collectivité n'a pas été des plus aisée au vu des difficultés rencontrées ", ainsi que par le rapport d'enquête précité du 23 mars 2018, et, d'autre part, il n'est pas sérieusement contesté qu'une part substantielle des dysfonctionnements constatés, en particulier les commandes effectuées sans validation de la hiérarchie ou sans engagement préalable ainsi que les carences relevées en matière de pilotage budgétaire, ne présentaient aucun lien avec les difficultés dont elle a pu faire état dans une note du 4 septembre 2017 concernant l'état des lieux des ressources humaines au sein du service culturel.

15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'existence d'une erreur de fait ou d'une erreur d'appréciation dont serait entachée la décision contestée doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune défenderesse, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme à verser à la commune de Villiers-le-Bel sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Villiers-le-Bel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Villiers-le-Bel.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

Le rapporteur,

G. C... La présidente,

C. Signerin-Icre La greffière,

C. Yarde La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE01250 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01250
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-13;20ve01250 ?
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