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06/10/2022 | FRANCE | N°22VE00767

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 06 octobre 2022, 22VE00767


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, la décision du 20 septembre 2019 par laquelle la société Orange lui a fait connaître sa décision de mettre un terme anticipé à son détachement en son sein et d'enjoindre à la société Orange de rétablir sa rémunération depuis le 21 octobre 2019, en y intégrant la part semestrielle à laquelle elle estime avoir droit, et, d'autre part, la décision du 23 septembre 2019 par laquelle la société Orange a fait con

naître au ministre chargé des finances sa décision de mettre un terme anticipé à s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, la décision du 20 septembre 2019 par laquelle la société Orange lui a fait connaître sa décision de mettre un terme anticipé à son détachement en son sein et d'enjoindre à la société Orange de rétablir sa rémunération depuis le 21 octobre 2019, en y intégrant la part semestrielle à laquelle elle estime avoir droit, et, d'autre part, la décision du 23 septembre 2019 par laquelle la société Orange a fait connaître au ministre chargé des finances sa décision de mettre un terme anticipé à son détachement en son sein.

Par un jugement n° 1912615-1912616 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les décisions des 20 et 23 septembre 2019 de la société Orange et a rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme C....

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 et 5 avril 2022 et le 13 septembre 2022 sous le numéro 22VE00767, la société anonyme (SA) Orange, représentée par Me Naugès, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a omis de statuer sur un moyen de défense et qu'il est insuffisamment motivé ;

- il est irrégulier dès lors qu'il est fondé sur un moyen d'ordre public soulevé d'office alors que l'information communiquée aux parties n'était pas suffisamment précise ;

- il est entaché d'une contradiction de motifs s'agissant de la nature et la portée du courrier du 23 septembre 2019 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'incompétence ;

- les autres moyens de première instance de Mme C... tirés de l'existence d'un vice de procédure, d'un vice de forme, d'une l'erreur de droit au regard de l'article 24 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985, d'une l'erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de procédure ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2022, Mme C... représentée par Me Soulard, avocat, conclut :

- à titre principal, de rejeter le recours en appel de la société Orange à l'encontre du jugement du 31 janvier 2022 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en ce qu'il annule la lettre d'Orange au ministre du 23 septembre 2019 ;

- à titre subsidiaire, d'annuler la lettre d'Orange au ministre du 23 septembre 2019 ;

- et de condamner la société Orange, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à verser la somme de 3 000 euros à Mme C....

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur la rupture de son contrat de travail par la société Orange ;

- la lettre de la société Orange au ministre du 23 septembre 2019 est entachée d'illégalité externe et interne ;

- cette société a commis un premier vice de procédure en ne l'autorisant pas à accéder à son dossier personnel ;

- elle a commis un second vice de procédure en refusant de recueillir les observations éventuelles ;

- elle a commis des vices de forme en faisant référence à une disposition abrogée et en adoptant une motivation insuffisante ;

- cette décision est entachée d'erreurs de fait sur les motifs et d'une erreur de droit liée à l'inapplicabilité des dispositions invoquées ;

- elle est entachée d'un détournement de procédure en l'absence d'intérêt du service ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

II. Par une lettre, enregistrée le 2 juin 2022, Mme C... a saisi la Cour d'une demande d'exécution du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1912615-1912616 du 31 janvier 2022.

Par une ordonnance du 14 juin 2022, le président de la Cour administrative d'appel de Versailles a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'exécution de ce jugement, qui a été enregistrée sous le numéro 22VE01422.

Par des mémoires enregistrés les 27 juin, 14 juillet, 10 août et 15 septembre 2022, Mme C... demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'imposer à la société Orange, en exécution du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 31 janvier 2022, de lui verser sous la forme d'un rappel de rémunération la somme de 91 098 euros pour la période allant du 21 octobre 2019 au 9 mai 2022, augmentée des intérêts légaux à compter du 3 février 2022 ;

2°) de prononcer une astreinte, à compter de la notification de l'arrêt, d'un montant de 300 euros par jour de retard.

Par des mémoires enregistrés les 5 juillet 2022 et 13 septembre 2022, la société Orange, représentée par Me Naugès, avocate, conclut au rejet de cette demande d'exécution.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,

- et les observations de Me Michellet, substituant Me Naugès, pour la société Orange, et de Mme C....

Une note en délibéré présentée par Mme C... a été enregistrée le 22 septembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La société Orange a, par un courrier daté du 20 septembre 2019, informé Mme C..., ingénieure générale des mines, en dernier lieu détachée de plein droit et sans limitation de durée en son sein, qu'elle mettait fin à son détachement de manière anticipée. Par un courrier du 23 septembre 2019, cette société a informé le ministre chargé des finances, gestionnaire de Mme C..., de cette décision. La société Orange fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Si la société Orange soutient que les premiers juges auraient omis de statuer sur un moyen en défense en ne statuant pas sur l'interprétation qu'elle invoquait à propos de la décision du 20 septembre 2019, cet élément ne constitue pas un moyen en défense mais un argument auquel ils n'étaient pas tenus de répondre. Au demeurant, il résulte des motifs du jugement, et notamment du point 4, que le tribunal s'est fondé sur les termes utilisés pour interpréter cette décision. Par suite, les premiers juges, qui n'ont pas omis de statuer sur un moyen soulevé en défense, ont suffisamment motivé leur décision.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. (...) ".

4. La présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par un courrier daté du 7 décembre 2021, informé le conseil de la société Orange de ce que le tribunal était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de " l'incompétence de l'auteur de la décision du 23 septembre 2019 résultant de l'article 24 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ". Cette information était suffisamment précise pour permettre à la société Orange d'en discuter utilement. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'une irrégularité au motif que l'information communiquée aux parties n'était pas suffisamment précise.

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative opposée par Mme C... :

5. Mme C... a été mise à disposition de la société Orange en position de fonctionnaire en activité en service détaché. Si, en son article 1er, le décret n° 2006-96 du 1er février 2006 a supprimé pour l'avenir la possibilité pour les ingénieurs des télécommunications d'être mis à disposition de France Télécom dans cette position statutaire, il a, en son article 20, 1', maintenu cette position pour quinze ans au profit de ceux qui étaient en fonction à la date de publication du décret. L'arrêté du 21 novembre 2006, pris à la demande de l'intéressée, mettant fin à sa position hors cadre à compter du 3 février 2006, date de publication du décret, et la détachant d'office à compter de cette même date pour quinze ans au sein de cette même société en application de l'article 20, 1', du décret a rétabli Mme C... dans sa position de fonctionnaire en activité au sein de France Télécom, détachée sur un emploi supérieur et non titulaire d'un contrat de travail. Il en résulte que le litige opposant Mme C... à la société Orange ne relève pas de la compétence des juridictions judiciaires mais incombe aux juridictions administratives.

Sur le motif d'annulation retenu à l'encontre de la décision du 20 septembre 2019 :

6. Aux termes de l'article 24 du décret n°85-986 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " Il peut être mis fin au détachement avant le terme fixé par l'arrêté le prononçant soit à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, soit de l'administration d'origine. / Lorsqu'il est mis fin au détachement à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, le fonctionnaire continue, si son administration d'origine ne peut le réintégrer immédiatement, à être rémunéré par l'administration ou l'organisme d'accueil jusqu'à ce qu'il soit réintégré, à la première vacance, dans son administration d'origine. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration d'origine qui est l'autorité investie du pouvoir de nomination a seule compétente pour mettre fin au détachement avant le terme fixé. Saisie d'une demande en ce sens du fonctionnaire intéressé ou de l'administration ou de l'organisme d'accueil, elle est tenue d'y faire droit. Si elle ne peut le réintégrer immédiatement, le fonctionnaire continue à être rémunéré par l'administration ou l'organisme d'accueil jusqu'à ce qu'il soit réintégré, à la première vacance, si la demande de fin de détachement émanait de cette administration ou organisme d'accueil, il cesse d'être rémunéré et est placé en position de disponibilité jusqu'à ce qu'intervienne sa réintégration à l'une des trois premières vacances dans son grade, si la demande émanait de lui.

7. Il en résulte que si Mme C... pouvait être remise à disposition de son administration d'origine après que la société Orange ait mis fin à ses fonctions, la société Orange n'était en revanche pas compétente pour " mettre fin à son détachement ", comme elle l'a fait par sa décision du 20 septembre 2019 dont les termes ne sont pas équivoques. Cette décision est dès lors entachée d'incompétence et doit donc être annulée.

Sur la fin de non-recevoir dirigée contre la décision du 23 septembre 2019 :

8. En prenant la décision du 23 septembre 2019, la société Orange s'est bornée à constater la situation créée par sa décision du 20 septembre 2019 " mettant fin au détachement de Mme C... ". La décision du 23 septembre 2019 ne fait donc pas grief à cette dernière. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de la contradiction de motifs, ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orange est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision du 23 septembre 2019.

Sur les conclusions à fin d'exécution :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".

11. L'annulation de la décision du 20 septembre 2019 par laquelle la société Orange a mis fin au détachement de Mme C... n'implique pas nécessairement qu'il soit prescrit à la société Orange de lui verser les parts variables de sa rémunération. Dès lors, la demande d'exécution de Mme C... ne peut qu'être rejetée.

Sur les frais de justice :

12. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... une somme au titre des frais de justice en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la société Orange sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1912615-1912616 du 31 janvier 2022 est annulé en tant qu'il a annulé la décision de la société Orange du 23 septembre 2019.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Orange est rejeté.

Article 3 : Une somme de 1 500 euros est mise à la charge de la société Orange à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La demande d'exécution présentée par Mme C... est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Orange et à Mme B... C....

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Bruno-Salel, présidente assesseure,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.

Le président-rapporteur,

B. A...L'assesseure la plus ancienne,

C. BRUNO-SALELLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00767...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00767
Date de la décision : 06/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - notion - Actes à caractère de décision - Actes ne présentant pas ce caractère.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Détachement et mise hors cadre - Détachement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SCP SOULARD-RAIMBAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-06;22ve00767 ?
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