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04/10/2022 | FRANCE | N°20VE01612

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 04 octobre 2022, 20VE01612


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me Souchon, mandataire liquidateur de la société à responsabilité limitée (SARL) Abbott Wieb traitement d'eau, a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels celle-ci a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à celle-ci au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1

705015 du 19 mai 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me Souchon, mandataire liquidateur de la société à responsabilité limitée (SARL) Abbott Wieb traitement d'eau, a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels celle-ci a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à celle-ci au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1705015 du 19 mai 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 juillet 2020, 18 mars 2021, 12 novembre 2021 et 6 juin 2022, Me Souchon, ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL Abbott Wieb traitement d'eau, représenté par Me Carmouze, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la société n'établissait pas l'exagération des impositions alors qu'elle a présenté une comptabilité complète au titre de l'année 2010, justifiée par ses relevés de banque ;

- le service n'a pas tenu compte de ce que la taxe sur la valeur ajoutée est due selon la règle des encaissements, ni fait de comparaison entre les montants de taxe rappelés et ses crédits bancaires ; le service ne pouvait reconstituer les bénéfices industriels et commerciaux, qui relèvent d'une comptabilité d'engagement, à partir de ses encaissements déclarés au titre de le TVA ;

- le service aurait pu déterminer son chiffre d'affaires en exerçant son droit de communication auprès de ses clients ; le vérificateur n'a pas pris en compte ses relevés bancaires, ni opéré de recoupements auprès de ses clients et sous-traitants ; elle démontre que la méthode utilisée est radicalement viciée, ainsi qu'en attestent l'écart très important entre l'évaluation du service et le chiffre d'affaires résultant de sa comptabilité reconstituée ;

- il y a lieu d'ordonner une expertise portant sur la valeur probante de la comptabilité présentée par la société et le chiffrage de ses bases imposables.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 février 2021, 25 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a présenté le 16 juin 2022, après clôture de l'instruction, un mémoire qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Abbott Wieb traitement d'eau, qui exerçait une activité d'étude, de conception et de réalisation d'installations destinées au traitement des eaux, au transport et à la distribution d'eau potable et à la collecte d'eau résiduaire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle le vérificateur, après avoir constaté qu'elle n'avait pas produit de déclarations et qu'elle n'était pas en mesure de présenter sa comptabilité, lui a notifié des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). La société ayant été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce d'Evry du 19 novembre 2013 puis en liquidation judiciaire le 13 janvier 2014, Me Souchon, mandataire liquidateur de la SARL Abbott Wieb traitement d'eau, relève appel du jugement du 19 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires auxquelles la société a été assujettie au titre des trois années d'imposition vérifiées.

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. (...) Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu (...) ". Aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". En vertu de l'article R. 193-1 de ce livre, dans le cas prévu à l'article L. 193, le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré.

3. En l'espèce, la charge de la preuve incombe à l'appelant, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'il est constant que la SARL Abbott Wieb traitement d'eau n'a pas été en mesure de présenter sa comptabilité lors du contrôle, ainsi qu'il résulte du procès-verbal de carence établi le 20 novembre 2013 par le vérificateur. En outre, les rectifications d'impôt sur les sociétés au titre des trois années vérifiées et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2012 ayant été notifiés à l'intéressée selon la procédure de taxation d'office, pour défaut de déclaration, sur le fondement du 2° et du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions lui incombe également sur le fondement de l'article L. 193 du même livre.

4. En premier lieu, il ressort du procès-verbal de carence établi par le vérificateur que la SARL Abbott Wieb traitement d'eau, qui n'avait pas produit de déclarations avant mise en demeure, hormis les déclarations CA3 des deux premiers trimestres de l'année 2010, n'a pas été en mesure de présenter les documents comptables dont la tenue est obligatoire, tels que les livres journaux des exercices vérifiés, les grands livres, les balances, les livres d'inventaires, les rapprochements de chiffre d'affaires, les tableaux des immobilisations, les tableaux des amortissements et l'état détaillé des stock. Si les documents comptables relatifs à l'année 2010 ont été produits pour la première fois en première instance dans un mémoire en réplique déposé le 2 décembre 2018, soit près de 5 ans après les opérations de vérification de comptabilité et près de 8 ans après la clôture de l'exercice considéré, et ceux relatifs aux exercices clos en 2011 et 2012 à l'appui du mémoire en réplique en appel du 12 novembre 2021, l'appelant ne peut utilement se prévaloir, pour apporter la preuve qui lui incombe de l'exagération des impositions, des éléments d'une comptabilité reconstituée postérieurement aux années vérifiées. Il s'ensuit que les bases d'imposition revendiquées, notamment les résultats déficitaires des exercices clos en 2010 et 2012, ne peuvent être regardées comme établies par la comptabilité reconstituée a posteriori, dont le ministre pointe d'ailleurs en défense les insuffisances et qui ne peut faire l'objet d'aucun recoupement de nature à en justifier l'exhaustivité.

5. En deuxième lieu, la société a seulement présenté au cours du contrôle des relevés bancaires, des factures clients, des bordereaux d'envoi des pièces de demandes de règlement et des factures fournisseurs. Ces documents étant incomplets, le service vérificateur a pu, en l'absence de comptabilité ou d'autres éléments probants, se baser, pour déterminer le chiffre d'affaires réalisé par la SARL Abbott Wieb traitement d'eau, sur les déclarations de TVA qu'elle a déposées après mise en demeure, auquel il a appliqué un taux de charges de 85 % correspondant aux données du dernier bilan déposé en 2009 par la société, sans méconnaître les règles de rattachement des créances fixées au 2 de l'article 38 du code général des impôts.

6. En troisième lieu, en se bornant à soutenir que la société exerçait exclusivement son activité dans le cadre de marchés publics pour un nombre limité de fournisseurs ne payant que par virement, et que ses relevés de compte retracent nécessairement tous ses produits, alors que le vérificateur n'avait aucune obligation de se baser pour reconstituer son chiffre d'affaires sur ses relevés de comptes bancaires, au demeurant incomplets, la contribuable ne propose pas de méthode alternative, ni n'établit le caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode retenue.

7. En dernier lieu, le service n'était aucunement tenu de mettre en œuvre son droit de communication auprès des clients et sous-traitants de la société vérifiée.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire la mesure d'expertise demandée, que Me Souchon, mandataire liquidateur de la société à responsabilité limitée Abbott Wieb traitement d'eau, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Me Souchon, mandataire liquidateur de la SARL Abbott Wieb traitement d'eau, est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Souchon, mandataire liquidateur de la SARL Abbott Wieb traitement d'eau, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2022.

La rapporteure,

O. A... Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 20VE01612


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01612
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-06-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Établissement de l'impôt. - Bénéfice réel. - Rectification et taxation d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : SELARL FISCALIS-PC

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-04;20ve01612 ?
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