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29/09/2022 | FRANCE | N°20VE02349

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 29 septembre 2022, 20VE02349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande, enregistrée sous le n° 1810634, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 024 euros procédant d'une mise en demeure, valant commandement de payer, en date du 20 février 2018 en vue du recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013.

Par une seconde demande, enregistrée sous le n° 190176

9, M. C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande, enregistrée sous le n° 1810634, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 024 euros procédant d'une mise en demeure, valant commandement de payer, en date du 20 février 2018 en vue du recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013.

Par une seconde demande, enregistrée sous le n° 1901769, M. C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 36 338 euros procédant d'une mise en demeure, valant commandement de payer, en date du 13 décembre 2018 en vue du recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1810634, 1901769 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a, après les avoir jointes, rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre 2020 et 16 juin 2022, M. C..., représenté par Me Daly, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions de rejet de ses oppositions à poursuite, du 4 juillet 2018 et du 12 février 2019 ;

3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 51 362 euros procédant des mises en demeure de payer des 20 février 2018 et 13 décembre 2018 en vue du recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013 ;

4°) d'ordonner la restitution des sommes saisies par l'administration fiscale à la suite des mises en demeure de payer des 20 février 2018 et 13 décembre 2018 ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- les avis d'imposition établis en 2015 lui ont été notifiés à une adresse erronée, en méconnaissance des dispositions de l'article R*256-6 du livre des procédures fiscales, ce qui entache d'irrégularité les actes de poursuite et fait obstacle à l'exigibilité de l'impôt ;

- les avis d'imposition ne lui ont jamais été adressés en 2018 ; seul un bordereau de situation en date du 15 janvier 2018 mentionnant ces avis a été adressé à son expert-comptable, lequel ne vaut pas notification de l'avis d'imposition au sens de l'article R*256-6 du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que la mise en recouvrement du 30 avril 2015 faisait courir le délai de prescription de quatre ans prévu par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, alors que ce délai ne court qu'à compter de la notification de l'avis d'imposition, laquelle n'est jamais intervenue.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 mai 2021 et le 17 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à l'annulation des décisions de rejet du 4 juillet 2018 et du 12 février 2019, ainsi que celles tendant à la restitution des sommes saisies par l'administration fiscale à la suite des poursuites exercées, sont irrecevables ;

- le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'assiette tendant à la décharge de la pénalité de 80% mise à la charge de M. C... au titre des années en litige qui, formulées pour la première fois en appel, présentent le caractère de conclusions nouvelles et sont, comme telles, irrecevables.

Un mémoire en réponse à ce moyen d'ordre public a été enregistré pour M. C... le 7 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- et les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., résident fiscal de la région administrative spéciale de Hong-Kong, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration, après avoir constaté qu'il n'avait pas déclaré les revenus issus de la location d'un bien immobilier dont il est propriétaire à Châtel en France, lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2010 à 2015, ainsi que la majoration de 80% applicable en cas de découverte d'une activité occulte, mises en recouvrement le 30 avril 2015. Par deux lettres en date des 20 février 2018 et 13 décembre 2018, l'administration a mis en demeure M. C... de payer ces cotisations supplémentaires. Ce dernier a formé opposition contre ces actes de poursuite respectivement le 18 avril 2018 et le 21 janvier 2019. Le service a rejeté ces réclamations par deux décisions des 4 juillet 2018 et 12 février 2019. M. C... relève appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de l'obligation de payer la somme de 51 361 euros procédant de ces deux mises en demeure.

Sur la recevabilité des conclusions d'assiette tendant à la décharge de la pénalité de 80% appliquée aux années en litige :

2. Les conclusions présentées par M. C... tendant à la décharge de la pénalité de 80% mise à sa charge au titre des années en litige, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre aux conclusions dirigées contre les décisions de rejet du 4 juillet 2018 et du 12 février 2018 :

3. La décision par laquelle l'administration chargée du recouvrement de l'impôt statue sur la réclamation contentieuse d'un contribuable ne constitue pas un acte détachable de la procédure engagée pour le recouvrement de la créance fiscale. Elle ne peut, en conséquence, être déférée à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir. Il s'ensuit que les conclusions tendant à l'annulation des décisions de rejet du 4 juillet 2018 et du 12 février 2018 sont irrecevables. Par conséquent, la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être accueillie.

Sur les conclusions à fin de restitution des sommes saisies par l'administration :

4. Il ne résulte pas de l'instruction que M. C... ait versé une quelconque somme à l'administration fiscale après les mises en demeure de payer des 20 février 2018 et 13 décembre 2018. Dès lors, les conclusions tendant à la restitution de telles sommes, qui au demeurant n'ont fait l'objet d'aucune saisie mais de mises en demeure valant commandement de payer, sont en tout état de cause irrecevables. Par suite, la fin de non-recevoir opposé par le ministre doit être accueillie.

Sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer :

En ce qui concerne l'exigibilité de la créance fiscale :

5. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article 1658 du CGI : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement ". Ces dispositions offrent à l'administration la faculté de procéder au recouvrement des impôts directs, s'agissant notamment de cotisations supplémentaires établies à l'issue d'une procédure de rectification, soit au moyen de rôles rendus exécutoires, soit par voie d'avis de mise en recouvrement.

6. En l'espèce, les impositions ont été mises en recouvrement au moyen de rôles rendus exécutoires. Par suite, M. C... ne peut utilement se prévaloir de ce que les modalités de notification prévues par l'article R*256-6 du livre des procédures fiscales, applicables aux seuls avis de mise en recouvrement, auraient été méconnues.

7. En second lieu, aux termes de l'article 1663 du code général des impôts : " 1. Les impôts directs, produits et taxes assimilés, visés par le présent code, sont exigibles trente jours après la date de la mise en recouvrement du rôle ". Ces dispositions ne sont applicables que si le contribuable a été, avant la date d'exigibilité ainsi déterminée, avisé de la mise en recouvrement du rôle contenant l'imposition à laquelle il a été assujetti. Dans le cas où il est établi que l'administration a omis d'adresser l'avis d'imposition prévu à l'article L. 253 du livre des procédures fiscales, ou l'a notifié avec retard, l'impôt n'est exigible qu'à compter de la date où le contribuable a été informé de la mise en recouvrement du rôle.

S'agissant de l'exigibilité des impositions dues au titre des années 2010, 2011 et 2012 :

8. Il résulte de l'instruction que les impositions supplémentaires réclamées à M. C... ont été mise en recouvrement le 30 avril 2015 par voie de rôle. Si ce dernier soutient que les avis d'imposition en litige lui ont été notifiés à une adresse erronée et qu'il n'en a pas eu connaissance, il a toutefois produit ces avis à l'appui de sa réclamation du 18 avril 2018 et en a eu connaissance au plus tard à cette date. Ainsi, à la date à laquelle la mise en demeure de payer a été émise, le 13 décembre 2018, les impositions dues au titre des années 2010, 2011 et 2012 étaient devenues exigibles.

S'agissant de l'exigibilité des impositions dues au titre de l'année 2013 :

9. Il résulte de l'instruction que, si l'administration a adressé au requérant en 2015 l'avis d'imposition concernant l'année 2013 à une adresse erronée, elle lui a communiqué en janvier 2018, à sa demande, un nouvel extrait de rôle à l'adresse de son expert-comptable, ainsi qu'un bordereau de situation. Si M. C... reconnaît avoir reçu de ce dernier les avis d'imposition édités le 15 janvier 2018, qu'il a lui-même produits à l'appui de sa réclamation en date du 18 avril 2018, il ne résulte pas de l'instruction que ces avis aient été portés à sa connaissance avant la mise en demeure valant commandement de payer du 20 février 2018. Dès lors, à la date à laquelle cette mise en demeure de payer lui a été notifiée, les impositions dues au titre de l'année 2013 n'étaient pas encore exigibles. Par suite, M. C... est fondé à demander la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 024 euros procédant de cette mise en demeure émise en vue du recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que de la pénalité de 80% pour activité occulte correspondante.

En ce qui concerne la prescription de l'action en recouvrement :

10. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de prescription de l'action en recouvrement prévu au premier alinéa est augmenté de deux années pour les redevables établis dans un Etat non membre de l'Union européenne avec lequel la France ne dispose d'aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures ".

11. Il résulte de l'instruction que les impositions supplémentaires auxquelles M. C... a été assujetti, au titre des années 2010 à 2013, ont été mises en recouvrement par voie de rôle le 30 avril 2015. Le délai de prescription de l'action en recouvrement a donc commencé à courir à compter de cette date et non à compter de la notification de l'avis d'imposition au contribuable, ainsi que le soutient le requérant. Par suite, à la date des mises en demeure de payer des 20 février et 13 décembre 2018, la prescription n'était pas acquise par expiration du délai de quatre ans dont disposait le comptable public pour poursuivre le recouvrement de sa créance en application des dispositions précitées de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil ne lui a pas accordé la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 204 euros résultant de la mise en demeure valant commandement de payer émise le 20 février 2018 en vue du recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013 ainsi que de la majoration correspondante.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à M. C... en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est accordé à M. C... la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 024 euros résultant de la mise en demeure valant commandement de payer émise le 20 février 2018 pour avoir paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013 ainsi que de la majoration correspondante.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 10 juillet 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. C... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Olson, président de la cour,

Mme Besson-Ledey, présidente,

M. Lerooy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

Le rapporteur,

D. B...Le président,

T. Olson

La greffière,

A Audrain-FoulonLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE02349


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02349
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Action en recouvrement - Prescription.

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Action en recouvrement - Actes de recouvrement.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: M. David LEROOY
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : SELARL JURISOPHIA SAVOIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-09-29;20ve02349 ?
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