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29/09/2022 | FRANCE | N°20VE02348

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 29 septembre 2022, 20VE02348


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2013 et 2014 et, d'autre part, de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1709029 du 7 juillet 2020, le tribunal adminis

tratif de Cergy-Pontoise, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2013 et 2014 et, d'autre part, de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1709029 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A... à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance d'un montant de 8 635 euros, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Bouchmal, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu restant à leur charge au titre des années 2013 et 2014, ainsi que les pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme A... soutiennent que :

- la minute du jugement attaqué n'est pas signée ;

- le tribunal n'a pas répondu à un moyen opérant, tiré de ce que l'importance des sommes éludées n'est pas suffisante pour caractériser un manquement délibéré, qui nécessiterait de constater en sus des insuffisances dans la comptabilité et un caractère répétitif des omissions ; le jugement est, ainsi, insuffisamment motivé sur ce point ;

- la procédure d'imposition est viciée puisque la commission départementale des impôts compétente n'a pas été saisie en dépit de leur demande ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- l'administration ne justifie pas de l'élément intentionnel des manquements déclaratifs permettant l'application de la majoration pour manquement délibéré dès lors que M. A..., associé de la société civile immobilière dont découlent les rectifications, est associé minoritaire de la société, n'y exerce aucun mandat social, qu'il faisait confiance à l'expert-comptable en charge des déclarations fiscales et que l'importance des montants éludés ou l'ampleur des redressements est insuffisante à elle seule pour apporter la démonstration du caractère délibéré du manquement ;

- l'application des pénalités est entachée d'une motivation contradictoire et insuffisante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les requérants ne critiquent pas utilement le jugement attaqué quant au moyen tiré de l'insuffisance de motivation des pénalités ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont fait l'objet de rectifications, dans la catégorie des revenus fonciers, en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2013 et 2014, consécutives à la vérification de comptabilité de la société civile immobilière (SCI) Stains Ecolo dont M. A... était associé. M. et Mme A... font appel du jugement du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance de 8 635 euros, rejeté le surplus de leur demande de décharge des impositions mises à leur charge.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 précité du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de ce que la minute du jugement attaqué n'est pas signée ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble de l'argumentation des parties, a bien examiné le moyen opérant tiré du caractère infondé de la majoration pour manquement délibéré que l'administration avait entendu appliquer aux rectifications. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges ont explicité au point 16, par une motivation suffisante, les éléments de fait, caractérisant notamment les éléments intentionnels, au regard desquels ils ont estimé que la majoration était justifiée.

6. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement ne peuvent qu'être écartés.

Sur la procédure d'imposition :

7. D'une part, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...). / Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même. ". Il résulte de ces dispositions que les membres d'une des sociétés de personnes énumérées à l'article 8 du code général des impôts sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société et que c'est avec la société de personnes que l'administration fiscale doit engager la procédure de vérification des déclarations déposées par cette société, au regard de la comptabilité qu'elle doit tenir.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; / 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles (...) / 3° Sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et du d de l'article 111 du même code relatifs aux rémunérations non déductibles (...) / 4° Sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée (...) ". Aux termes de l'article L. 250 du même livre : " Les demandes présentées par les contribuables en vue d'obtenir la remise des majorations prévues par l'article 1729 du code général des impôts sont soumises pour avis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) lorsque ces majorations sont consécutives à des rectifications relevant de la compétence de l'une ou l'autre de ces commissions (...) ".

9. Si les requérants soutiennent que la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'ils ont été privés de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du différend qui les opposait à l'administration, c'est à bon droit que, par des motifs qu'il convient d'adopter, le tribunal administratif a considéré que la demande la SCI Stains Ecolo était tardive, que la commission précitée n'était pas compétente pour connaître d'un litige portant sur les revenus fonciers mis à leur charge et, en conséquence, sur les pénalités assortissant des impositions pour lesquelles elle n'est pas compétente. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté.

10. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). ". Si les membres d'une société de personnes énumérées à l'article 8 du code général des impôts sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société, l'administration ne peut légalement mettre des suppléments d'imposition à la charge personnelle des associés sans leur avoir notifié, dans les conditions prévues à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les corrections apportées aux déclarations qu'ils ont eux-mêmes souscrites. Cette obligation doit être regardée comme satisfaite dès lors que la proposition de rectification adressée aux associés comporte une référence aux rehaussements apportés aux bénéfices sociaux de la société ainsi que l'indication de la quote-part de ces bénéfices à raison de laquelle les intéressés sont imposés.

11. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 16 décembre 2015 adressée aux requérants indique la nature et le montant des rectifications que l'administration envisageait d'apporter à leurs revenus déclarés, à raison de la quote-part de M. A... dans les résultats de la SCI Stains Ecolo, et précise les motifs de ces rectifications par référence à la proposition de rectification du même jour adressée à cette société, dont l'extrait pertinent est reproduit en annexe. Par suite, l'administration a suffisamment motivé la proposition de rectification adressée aux requérants.

Sur les pénalités :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées (...). / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations. ".

13. La proposition de rectification du 16 décembre 2015 adressée aux requérants vise l'article 1729 du code général des impôts, indique qu'il est fait application de la pénalité pour manquement délibéré aux rectifications relatives aux revenus fonciers des années 2013 et 2014 et précise le taux et le montant des pénalités exigibles. Par ailleurs, ce document expose les circonstances de fait sur lesquelles l'administration se fonde pour caractériser l'intention de M. A... d'éluder l'impôt, à savoir, notamment, la disproportion entre le montant des dividendes perçus en provenance de la SCI Stains Ecolo et le montant des revenus fonciers déclarés issus de l'activité de cette même société. Elle comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la majoration pour manquement délibéré appliquée par l'administration. Si les requérants invoquent une formulation maladroite de l'administration dans la décision de rejet de leur réclamation préalable, évoquant une " diminution des dividendes ", pour soutenir que la motivation des pénalités serait entachée d'une contradiction de motifs, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait ainsi entendu modifier les motifs de la pénalité appliquée aux rehaussements. Ces éléments, dont les requérants ont eu connaissance au moins trente jours avant la mise en recouvrement des pénalités litigieuses, leur permettaient de contester utilement, le cas échéant, l'application de la majoration pour manquement délibéré. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des pénalités et du caractère contradictoire de cette motivation doit être écarté.

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...) la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

15. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré, l'administration fait valoir, d'une part, l'importance des redressements dans les résultats de la SCI Stains Ecolo dont les charges rejetées correspondaient à plus de 90 % des charges déclarées par la société et, d'autre part, la nécessaire connaissance par M. A... de ces agissements dès lors que les charges dont la déduction a été rejetée consistaient en des versements aux associés, que les résultats déclarés par les requérants étaient en complète inadéquation avec les dividendes ainsi perçus et que le ratio de charges qu'ils ont déclaré était passé de 15,6 % en 2012 à 60,9 % en 2013 puis à 76,5 % en 2014. Les requérants, qui relèvent que M. A... est associé minoritaire de la SCI Stains Ecolo et n'en était pas le gérant sur la période vérifiée et, constatant qu'aucune rectification du résultat imposable de la SCI n'a été opérée sur l'exercice 2012, soutiennent que les omissions n'avaient donc aucun caractère répétitif. Ils ne contestent toutefois ni le bien-fondé des rectifications, ni la matérialité des constats effectués par l'administration. Dans ces conditions, cette dernière apporte la preuve qui lui incombe du caractère délibéré du manquement à leurs obligations déclaratives commis par M. et Mme A... et, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense sur ce moyen, celui-ci doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus de leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente,

Mme Daniélian, présidente-assesseure,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

La rapporteure,

C. B...La présidente,

L. Besson-Ledey

La greffière,

A.Audrain Foulon La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE02348


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Claire LIOGIER
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : BOUCHMAL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 29/09/2022
Date de l'import : 02/10/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20VE02348
Numéro NOR : CETATEXT000046349292 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-09-29;20ve02348 ?
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