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29/09/2022 | FRANCE | N°20VE01834

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 29 septembre 2022, 20VE01834


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eurotec SRL a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée pour la période courue du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 pour un montant de 19 406,12 euros.

Par une ordonnance n° 1910653 du 9 avril 2020, le président de la 10ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2020, la société Eurotec SRL, représent

ée par Me Junqua-Lamarque, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eurotec SRL a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée pour la période courue du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 pour un montant de 19 406,12 euros.

Par une ordonnance n° 1910653 du 9 avril 2020, le président de la 10ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2020, la société Eurotec SRL, représentée par Me Junqua-Lamarque, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de remboursement de la somme de 19 406,12 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a supportée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence de transposition en droit interne du délai prévu par l'article 15 de la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008, pour la présentation de la demande de remboursement par un assujetti établi dans un autre État membre, une telle réclamation ne saurait relever ni de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, ni de l'article 96 O de l'annexe III au code général des impôts ; le nouveau courrier envoyé au service contentieux de la direction des non-résidents le 16 mai 2018 valait donc réclamation contentieuse.

- l'administration ne pouvait, dans sa décision de rejet du 14 mars 2017, lui opposer le caractère tardif de sa demande de remboursement du 3 octobre 2016 faute de transposition du délai prévu par l'article 15 de la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 ;

- elle ne pouvait davantage lui opposer le non-respect du délai d'un mois prévu par l'article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/9/CE du Conseil, du 12 février 2008, pour fournir à l'État membre du remboursement les informations complémentaires demandées par cet État membre, la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt C-133/18 du 2 mai 2019, Société Sea Chefs Cruise Services GmbH, ayant jugé que ce délai n'est pas un délai de forclusion.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la société requérante ne conteste pas le motif d'irrecevabilité de sa requête opposé par l'ordonnance attaquée ;

- les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés et sa demande de première instance n'est pas recevable ;

- s'agissant des factures de prestations de service, le lieu de taxation de ces prestations se situant dans l'établissement du preneur, à savoir l'Italie, conformément aux dispositions de l'article 259 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée française facturée à tort ne peut faire l'objet d'un remboursement ;

- s'agissant des six factures dont la production a été demandée dans la demande d'information complémentaire, seule une a été transmise.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l'État membre du remboursement, mais dans un autre État membre ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que la société Eurotec SRL, société de droit italien, a déposé le 3 octobre 2016, au moyen du portail électronique de l'administration fiscale italienne, une demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d'un montant de 19 406,12 euros, qui avait grevé le coût des biens et services acquis ou obtenus en France au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015. Par une décision du 14 mars 2017, le directeur général des finances publiques a rejeté cette demande, d'une part, pour tardiveté, à raison du non-respect du délai de dépôt de la demande qui doit être présentée au plus tard le 30 septembre de l'année civile qui suit la période du remboursement et, d'autre part, pour non-respect du délai de réponse de trente jours qui lui avait été imparti par courriel du 20 janvier 2017 pour répondre à une demande d'informations complémentaires. La société a ensuite saisi le conciliateur fiscal le 11 mai 2017 puis a fait parvenir au service deux courriers de réclamation les 20 mars 2018 et 14 mai 2018. Saisi par la société le 30 septembre 2019, le président de la 10ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a, par ordonnance du 9 avril 2020, prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande pour tardiveté.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation (...) ". Aux termes de l'article R. 421-7 du même code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté (...) de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger ". Il résulte de ces dispositions combinées qu'un contribuable qui demeure à l'étranger dispose, pour attaquer devant le tribunal administratif les décisions rendues par l'administration sur ses réclamations contentieuses, d'un délai de quatre mois à compter de la réception de l'avis portant notification de ces décisions.

3. D'autre part, l'article 242-0 N de l'annexe II du même code dispose : " Un assujetti non établi en France peut obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis en France par d'autres assujettis ou ayant grevé l'importation de biens en France, dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes : /1° les opérations dont le lieu d'imposition se situe hors de France mais qui ouvriraient droit à déduction si ce lieu d'imposition était situé en France ; / 2° les opérations mentionnées au 2° de l'article 242-0 O ". Aux termes de l'article 242-0 R de cette même annexe, dans sa rédaction applicable entre le 30 avril 2010 et le 10 octobre 2018 : " I. - Pour bénéficier du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, l'assujetti non établi en France doit adresser au service des impôts une demande de remboursement souscrite par voie électronique au moyen du portail mis à sa disposition par l'Etat de l'Union européenne où il est établi. / II. - L'assujetti mentionné au I doit joindre par voie électronique à la demande de remboursement une copie de la facture ou du document d'importation lorsque la base d'imposition figurant sur la facture ou le document d'importation est égale ou supérieure à un montant de 1 000 euros. Toutefois, lorsque la facture porte sur des dépenses de carburant, ce seuil est fixé à 250 euros ". Et aux termes de l'article 41 decies de l'annexe IV du même code : " I.- La demande de remboursement mentionnée à l'article 242-0 T de l'annexe II au code général des impôts comporte les informations suivantes : (...) 2° Une adresse de contact par voie électronique (...) (...) ". En vertu de l'article 242-0 W de l'annexe II du code général des impôts : " I. ' Le service des impôts peut demander par voie électronique dans le délai mentionné au II de l'article 242-0 V des informations complémentaires, notamment auprès du requérant ou des autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne dans lequel il est établi, lorsqu'il estime ne pas être en possession de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la totalité ou une partie de la demande de remboursement introduite par le requérant. Lorsque ces informations complémentaires sont demandées à une autre personne que le requérant ou que les autorités compétentes d'un Etat membre, la demande doit être transmise par voie électronique si le destinataire de la demande est équipé en conséquence. / S'il le juge utile, le service des impôts peut demander de nouvelles informations complémentaires. /Dans le cadre de ces demandes, le service des impôts pourra solliciter du requérant la communication de l'original d'une facture ou d'un document d'importation lorsqu'il a des raisons de douter de la validité ou de l'exactitude d'une créance particulière. La demande peut viser toutes les opérations sans considération de leur montant. / II. ' Les informations complémentaires exigées conformément aux dispositions du I doivent être fournies dans un délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'informations par le destinataire ". Il résulte de ces dispositions, qui se bornent sur ce point à transposer en droit interne la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l'État membre du remboursement mais dans un autre État membre, et notamment ses articles 7, 8, 10 et 20, qu'une fois que l'assujetti a souscrit sa demande de remboursement par voie électronique au moyen du portail mis, à cette fin, à sa disposition par l'État de l'Union européenne où il est établi, les échanges entre l'administration fiscale de l'État de remboursement et l'assujetti, qu'il s'agisse notamment de demandes de documents ou d'informations complémentaires émanant de cette administration ou des réponses qui leur sont apportées par l'assujetti, doivent intervenir par voie électronique.

4. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté sur ce point, que la décision de rejet du 14 mars 2017 qui a été opposée par l'administration fiscale à la demande de remboursement présentée par la société Eurotec SRL le 3 octobre 2016, comportait la mention des voies et délais de recours et indiquait sans ambiguïté que la société disposait d'un délai de deux mois, augmentés de deux mois pour les résidents à l'étranger, pour saisir le tribunal administratif. Si la date de notification n'est pas établie, la société est réputée avoir eu connaissance de cette décision au plus tard à la date à laquelle elle a saisi le conciliateur fiscal, soit le 11 mai 2017, saisine qui n'a pu avoir pour effet de proroger les délais de recours. Si l'appelante fait valoir qu'en l'absence de transposition en droit interne du délai prévu par l'article 15 de la directive mentionnée ci-dessus, aucun délai ne lui était opposable pour présenter sa demande de remboursement de TVA et, qu'ainsi, son courrier envoyé au service contentieux de la direction des non-résidents le 16 mai 2018 valait donc réclamation contentieuse, il résulte toutefois de l'instruction que cette demande a été présentée par courrier recommandé à la direction des non-résidents et non pas par voie électronique au moyen du portail mis, à cette fin, à sa disposition par l'État de l'Union européenne où il est établi, et ne pouvait dès lors être constitutive d'une demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article R. 242-0 R de l'annexe II au code général des impôts. Dès lors, la société Eurotec avait jusqu'au 12 septembre 2017 pour déposer sa requête devant le tribunal administratif. Par suite, sa requête enregistrée le 30 septembre 2019 au greffe du tribunal administratif était, en application des articles R. 421-1 et R. 421-7 du code de justice administrative, tardive.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la société Eurotec SRL n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que le président de la 10ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a, par ordonnance du 9 avril 2020, rejeté sa demande.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société Eurotec SRL la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Eurotec SRL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eurotec SRL et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,

Mme Danielian, présidente -assesseure,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 septembre 2022.

La rapporteure,

I. A...La présidente,

L. Besson-LedeyLa greffière,

A. Audrain-Foulon

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE01834


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01834
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : SCP GAUDIN JUNQUA LAMARQUE ET CALONI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-09-29;20ve01834 ?
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