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20/09/2022 | FRANCE | N°21VE02472

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 20 septembre 2022, 21VE02472


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2002072 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées, les 20 et 24 août 2021, M. A.

.., représenté par Me Msika, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2002072 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées, les 20 et 24 août 2021, M. A..., représenté par Me Msika, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler l'arrêté contesté ;

3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, à la lui verser, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 2 400 euros à verser à son conseil désigné au titre de l'aide juridictionnelle, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa décision en ne répondant pas à ses moyens tirés de ce qu'étant entré en France alors qu'il était mineur, il n'a pas à justifier d'une entrée régulière avec un visa, et de ce qu'il était dispensé de visa en vertu du 2 de l'article R. 311-3 ;

- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence de son signataire et de détournement de pouvoir en ce qu'il n'est pas justifié de la délégation régulière, spéciale et limitée de signature de Mme D..., en ce qu'il n'est pas établi que le préfet était absent ou empêché et en ce que la décision portant délégation n'est pas visé dans l'arrêté contesté ;

- le préfet ne s'est pas prononcé sur le réexamen de sa demande dans un délai raisonnable, en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'autorité de chose jugée par le jugement du 30 novembre 2018 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

- il a méconnu son droit d'être entendu ;

- la Direccte aurait dû être saisie pour avis ;

- en lui opposant la condition d'entrée régulière avec un visa alors qu'il était mineur lors de son entrée en France et qu'il entre dans les cas de dispense de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'erreur de droit ;

- le refus de délai de départ volontaire entache d'illégalité la décision portant obligation de quitter le territoire français en ce que le délai de transposition de la directive Retour n'a pas été respecté concernant la définition du risque de fuite, en ce que ses observations écrites et orales n'ont pas été recueillies préalablement et en ce que les critères de la directive Retour n'ont pas été respectés ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 mars 2022, l'instruction a été fixée au 15 avril 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/01275 du 29 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le

Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 3 août 1991, entré en France en août 2006, à l'âge de 15 ans avec son père titulaire d'une carte de résident, a fait l'objet d'un premier refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français pris à son encontre le 26 juin 2017, annulé le 30 novembre 2018 par un jugement n° 1802209 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise au motif que la commission du titre de séjour aurait dû être consultée eu égard à ses dix ans de présence en France. Sur injonction de réexaminer la situation de M. A... dans les deux mois de la notification de ce jugement, le préfet des Hauts-de-Seine a, après avoir consulté la commission du titre de séjour qui a émis le 23 janvier 2020 un avis défavorable à la régularisation de l'intéressé, de nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour et fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, par l'arrêté contesté du 31 janvier 2020. M. A... relève appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, si M. A... soutient que le tribunal a répondu laconiquement à son moyen tiré de ce qu'étant entré en France alors qu'il était mineur, il n'avait pas à justifier d'une entrée régulière avec un visa, le jugement, qui mentionne au point 11 que son entrée en France alors qu'il était mineur ne le dispensait pas de l'obligation de visa pour la délivrance d'un titre salarié en application de l'accord franco-marocain, n'est entaché ni d'une omission à statuer, ni d'une insuffisance de motivation.

3. En second lieu, le préfet n'ayant pas opposé le défaut de visa de long séjour pour l'examen de la demande de M. A... au regard des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et de celles de l'article L. 313-14 du même code relatives à l'admission exceptionnelle au séjour, les premiers juges ont pu, sans entacher leur décision d'irrégularité, ne pas répondre au moyen inopérant tiré de ce que le requérant serait dispensé de visa en vertu du 2 de l'article R. 311-3 de code.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, la circonstance que le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas procédé au réexamen de la demande de M. A... dans le délai prescrit par le jugement lui en faisant injonction du 30 novembre 2018, ni versé la somme mise à la charge de l'Etat au titre des frais de l'instance, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté. Il en est de même de la circonstance que le requérant n'aurait été mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour le temps de ce réexamen. A cet égard, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, selon lequel : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ", est en tout état de cause inopérant, dès lors qu'il ne créée d'obligation qu'aux organes de l'Union.

5. En deuxième lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Mme D..., chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement de la préfecture des Hauts-de-Seine, a reçu délégation de signature par un arrêté n° 2019-52 du 9 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine n° spécial PCI du 16 septembre 2019, à l'effet de signer les décisions relatives à l'admission au séjour et les mesures d'éloignement. Cette délégation est précise et limitée. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas été absent ou empêché. Par suite, le moyen d'incompétence du signataire ne peut qu'être écarté. Cette incompétence n'aurait en tout état de cause pas été de nature à caractériser un détournement de pouvoir. Est également inopérant le défaut de mention de la décision portant délégation dans les visas de l'arrêté contesté.

6. En troisième lieu, M. A... reprend dans les mêmes termes qu'en première instance et sans critique des motifs du jugement, son moyen tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendu, qu'il y a lieu d'écarter par adoption des motifs des premiers juges exposés aux points 3 à 6 de la décision attaquée.

7. En quatrième lieu, le moyen tiré de l'absence de saisine pour avis de la direction régionale des entreprises, de concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) est inopérant dès lors que M. A... n'établit pas, ni même n'allègue, que la société Logifrance dont il a produit une promesse d'embauche, aurait présenté une demande d'autorisation de travail en sa faveur, en vue de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain, et que la faculté pour le préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié, n'est pas subordonnée à l'avis préalable de la Direccte.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ".

9. En l'espèce, il est constant que M. A... était dépourvu de visa lors de son entrée en France, alors que les ressortissants marocains mineurs ne sont pas dispensés de visa pour entrer régulièrement en France. Le préfet a dès lors pu à bon droit lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain au motif qu'il ne justifiait pas être entré en France en possession d'un visa de long séjour.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

11. Si l'ancienneté de la présence en France de M. A... à compter d'août 2006, soit près de 14 ans à la date de l'arrêté contesté du 31 janvier 2020, n'est pas contestée, de même que sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du 9 janvier 2008 jusqu'au 19 février 2010, par décision du juge pour enfants du tribunal de grande instance de Nanterre, il ressort des pièces du dossier que M. A..., célibataire sans enfant, n'a aucune attache familiale depuis le décès de son père survenu le 17 juillet 2012, tandis que sa mère et ses cinq frères et sœurs résident au Maroc. Par ailleurs, M. A..., qui ne se prévaut que d'une promesse d'embauche de la société Logifrance du 5 juillet 2019 et de ce qu'il a créé une microentreprise de distribution dans l'attente de sa régularisation, ne justifie d'aucune insertion professionnelle et est dépourvu de ressources. La commission du titre de séjour a d'ailleurs émis un avis défavorable à sa demande de régularisation. Dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté du séjour en France de M. A... et de la circonstance qu'il est entré en France alors qu'il n'était âgé que de 15 ans, les décisions de refus de titre de séjour et d'éloignement n'ont pas porté une atteinte excessive à sa privée et familiale et ne sont pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

12. En dernier lieu, le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'illégalité du refus de délai de départ volontaire, en ce que le délai de transposition de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 20108 n'a pas été respecté concernant la définition du risque de fuite, que ses observations écrites et orales n'ont pas été recueillies préalablement et que les critères de la directive n'ont pas été respectés, ne peut qu'être écarté dès lors qu'en tout état de cause, le préfet des Hauts-de-Seine a accordé au requérant un délai de départ volontaire de trente jours.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2022.

La rapporteure,

O. C... Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

N° 21VE02472

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02472
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : SCP GUILLEMIN et MSIKA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-09-20;21ve02472 ?
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