Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles :
1°) sous le n° 1706579, d'assurer l'exécution de son jugement n° 1205122 du 7 avril 2016, dans un délai de deux mois et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis à raison de la destruction de ses données de carrière, de saisir de son dossier la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), ainsi que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), et de condamner l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) sous le n° 1706580, d'assurer l'exécution de son jugement n° 1303877 du 10 février 2014, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis à raison de la destruction de ses données de carrière, de saisir de son dossier la Cour de discipline budgétaire et financière, ainsi que la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et de condamner l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par deux jugements n° 1706579 et 1706580 du 1er avril 2019, ce tribunal a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, respectivement enregistrés les 16 avril, 26 avril et 29 juin 2021, 19 mai et 14 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Blin, avocat, demande, dans le dernier état de ses écritures, à la cour :
1°) d'annuler ces jugements ;
2°) d'ordonner l'exécution des jugements n° 1205122 du 7 avril 2016 et n° 1303877 du 10 février 2014, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;
3°) de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices subis à raison de la destruction de ses données de carrière et, d'autre part, une indemnité de 31 111 euros en réparation du préjudice moral subi à raison de l'absence de rémunération durant neuf ans ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Blin de la somme de 5 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- en ne mettant pas en cause le ministre des finances et le directeur départemental des finances publiques des Yvelines dans l'instance n° 1706579 et en ne leur notifiant pas ce jugement, le tribunal administratif a entaché celui-ci d'irrégularité ;
- le tribunal administratif ne pouvait régulièrement rejeter pour irrecevabilité, dans les deux jugements attaqués, ses conclusions indemnitaires et ses conclusions à fin de saisine de la CDBF et de la CNIL alors que les moyens d'ordre public qu'il lui avait préalablement communiqués à ce titre n'indiquaient par le motif de cette irrecevabilité ;
- le jugement attaqué n° 1706579 n'a pas examiné les moyens qu'elle développait dans son mémoire ampliatif du 12 mars 2019 concernant les diverses erreurs de calcul entachant le tableau chiffré établi par le recteur le 18 avril 2017 en vue de justifier les indemnités lui ayant été servies ;
- c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour rejeter sa demande d'exécution n° 1706579, sur les pièces produites par le recteur et, notamment, sur le tableau chiffré établi le 18 avril 2017, alors que celles-ci ne permettaient pas de justifier le montant des indemnités et intérêts moratoires lui ayant été servis ;
- le tribunal administratif ayant fait preuve de partialité à l'occasion de l'examen, d'une part, de sa demande d'exécution n° 1706579 et, d'autre part, de ses conclusions relatives aux frais d'instance qu'elle avait présentées dans les deux demandes n° 1706579 et 1706580, les jugements attaqués doivent être annulés ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, le recteur n'a pas procédé à la reconstitution de sa carrière, ni davantage à sa réintégration effective dès lors qu'il a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste ;
- il n'est pas justifié que M. Patrick Fraisseix, rapporteur dans les instances n° 1706579 et 1706580, disposait d'une délégation de signature lui ayant été consentie par la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Versailles à l'effet de signer les moyens d'ordre public qui lui ont été notifiés ;
- dès lors qu'un certain M. A... F... avait été nommé sous-directeur des affaires juridiques de l'enseignement supérieur et de la recherche au sein du ministère de l'éducation nationale, M. C... F... ne pouvait participer, en qualité de rapporteur, à la formation de jugement dans les affaires n° 1706579 et 1706580 sans méconnaître le principe d'impartialité et, par suite, entacher d'irrégularité les jugements attaqués ;
- compte tenu des diverses erreurs de calcul entachant le tableau chiffré établi par le recteur le 18 avril 2017 en vue de justifier les indemnités lui ayant été servies, qu'elle avait exposées dans son mémoire ampliatif du 12 mars 2019 produit dans l'instance n° 1706579, la cour fera droit à cette demande d'exécution.
Par deux décisions du 17 mai 2021, le président de la cour administrative de Versailles a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour faire appel des deux jugements attaqués.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2022, la rectrice de l'académie de Versailles conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est tardive et, par suite, irrecevable ;
- les conclusions indemnitaires, qui ne relèvent pas de l'exécution des jugements n° 1205122 du 7 avril 2016 et n° 1303877 du 10 février 2014, sont irrecevables ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 31 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,
- et les observations de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel des jugements n° 1706579 et 1706580 du 1er avril 2019 par lesquels le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant, notamment, à assurer l'exécution de ses précédents jugements n° 1303877 du 10 février 2014 et n° 1205122 du 7 avril 2016.
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". Aux termes de l'article R. 811-9 du même code : " Les parties peuvent, le cas échéant, réclamer le bénéfice de l'aide juridictionnelle ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction alors en vigueur et dont les dispositions sont désormais reprises à l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " En matière civile, lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir devant la Cour de cassation (...) est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi (...) ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. Ce dernier délai est interrompu lorsque le recours prévu à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 est régulièrement formé par l'intéressé. (...) / Le délai alors imparti pour le dépôt du pourvoi (...) court à compter de la date de la réception par l'intéressé de la notification de la décision prise sur recours confirmant la décision déférée ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. / Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat (...) ". Aux termes des dispositions, auxquelles il est ainsi renvoyé, de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les décisions du bureau d'aide juridictionnelle (...) peuvent être déférées (...) au président de la cour administrative d'appel (...). / Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé (...) ". Enfin, aux termes de l'article 56 du décret du 19 décembre 1991, alors en vigueur et dont les dispositions sont désormais reprises à l'article 69 du décret du 28 décembre 2020 " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé (...)".
4. Il ressort des dossiers de première instance que les deux jugements attaqués du 1er avril 2019 ont été notifiés à Mme B... le 5 avril suivant. L'intéressée soutient, sans être contredite, avoir présenté le 25 avril 2019, soit dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, des demandes d'aide juridictionnelle en vue de faire appel de ces jugements, demandes qui ont ainsi interrompu ce délai en vertu de l'article 39 précité du décret du 19 décembre 1991. Si ces demandes ont été rejetées par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 22 novembre 2019, dont la date de notification n'est pas établie, il résulte de l'instruction que Mme B... a déféré ces décisions de rejet au président de la cour administrative d'appel de Versailles qui les a annulées et a accordé à l'intéressée le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 17 mai 2021. Dans ces conditions, la requête de l'intéressée, qui avait déjà été enregistrée au greffe de la cour le 16 avril 2021, n'est pas tardive. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée, à ce titre, par la rectrice de l'académie de Versailles ne peut être accueillie.
Sur l'appel formé contre le jugement n° 1706579 :
5. Par une décision du 8 février 2007, le recteur de l'académie de Versailles a admis Mme B..., professeure certifiée titulaire, à la retraite d'office pour invalidité à compter du 24 septembre 2007. Cette décision a été annulée par un arrêt de la cour n° 10VE01442 du 2 février 2012. Mme B... a alors demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices moral et financier qu'elle estimait avoir subis à raison de l'illégalité de la décision du 8 février 2007. Par un jugement n° 1205122 du 7 avril 2016, ce tribunal, après avoir retenu que la décision du 8 février 2007 était entachée d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat, a notamment condamné celui-ci à verser à Mme B... une indemnité de 1 500 euros, tous intérêts confondus, en réparation de son préjudice moral, a renvoyé l'intéressée devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle elle était susceptible d'avoir droit sur les bases définies dans les motifs de ce jugement, à savoir une indemnité pour perte de rémunérations au titre de la période d'éviction illégale du 24 septembre 2007 à 2012, sous déduction des allocations de RMI ou de RSA et des arrérages de pension de retraite lui ayant été servis durant cette même période, et a dit pour droit que cette dernière indemnité porterait intérêts à compter du 16 avril 2012. Par sa demande n° 1706579, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'assurer l'exécution de ce jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à lui verser cette indemnité pour perte de rémunérations et les intérêts y afférents, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis à raison de la destruction de ses données de carrière et, enfin, de saisir de son dossier la CDBF et la CNIL. Par le jugement n° 1706579 du 1er avril 2019, dont Mme B... relève appel, ce tribunal a rejeté cette demande.
En ce qui concerne la régularité de ce jugement :
6. En premier lieu, il ressort du dossier de première instance qu'à l'appui de ses conclusions tendant à l'exécution du jugement du 7 avril 2016, Mme B... a, par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2019, soulevé plusieurs moyens à l'encontre des modalités de calcul retenues par le recteur afin de chiffrer l'indemnité lui ayant été servie, telles qu'explicitées notamment dans un tableau établi le 18 avril 2017. Le tribunal, qui a rejeté ces conclusions au motif que le recteur avait pris toutes les mesures qu'impliquait l'exécution de son jugement du 7 avril 2016, ne s'est toutefois pas prononcé sur ces moyens, qui n'étaient pas inopérants. Dès lors, Mme B... est fondée à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur ces conclusions à fin d'exécution, est insuffisamment motivé.
7. En second lieu, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ". En l'espèce, le tribunal administratif a, par deux lettres des 26 février et 13 mars 2019, informé les parties que le jugement à intervenir était susceptible d'être fondé sur les moyens, d'ordre public, tirés de l'irrecevabilité des conclusions de la demande aux fins d'indemnisation et de saisine de la CDBF et de la CNIL. Cependant, ces informations, qui n'indiquaient pas la cause des irrecevabilités ainsi envisagées, étaient trop imprécises pour que Mme B... pût connaître le motif de tardiveté sur lequel le tribunal s'est fondé pour rejeter ces conclusions et en discuter utilement. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il a rejeté pour irrecevabilité le surplus de ses conclusions, a méconnu le principe du contradictoire.
8. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n° 1706579 est irrégulier et doit donc être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Versailles.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'exécution du jugement n° 1205122 du 7 avril 2016 en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme B... une indemnité pour perte de rémunérations et les intérêts y afférents :
9. D'une part, aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".
10. D'autre part, aux termes de l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une personne publique au paiement d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, les dispositions de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, ci-après reproduites, sont applicables : / " Art. 1er. - I. - Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné l'Etat au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. / (...) A défaut d'ordonnancement dans les délais mentionnés aux alinéas ci-dessus, le comptable assignataire de la dépense doit, à la demande du créancier et sur présentation de la décision de justice, procéder au paiement (...)" ". Alors même qu'une partie a la faculté de solliciter le paiement forcé de la somme que l'Etat a été condamné à lui payer et même dans l'hypothèse où elle ne l'aurait pas sollicité, elle est recevable, lorsque la décision juridictionnelle qui, selon elle, est inexécutée ne fixe pas précisément le montant de la somme due ou lorsque le calcul de celle-ci soulève une difficulté sérieuse, à demander que soit ordonné, le cas échéant sous astreinte, le versement de la somme due.
11. En l'espèce, il est constant qu'en exécution du jugement n° 1205122 du 7 avril 2016, l'Etat a notamment réglé à Mme B..., le 27 avril 2017, une somme de 62 070,46 euros au titre l'indemnité pour perte de rémunérations décrite au point 5 et une somme complémentaire de 9 299,69 euros au titre des intérêts y afférents, sommes dont les modalités de calcul ont été explicitées par deux courriers et un " état détaillé " adressés par le recteur de l'académie de Versailles à l'intéressée les 18 avril et 21 juillet 2017.
12. En premier lieu, si Mme B..., pour contester le décompte de son indemnité pour perte de rémunérations, fait valoir, en premier lieu, que " l'état détaillé " couvre la période du 24 septembre 2007 au 31 octobre 2012, en excluant à tort les mois de novembre et décembre 2012, il ressort des motifs du jugement n° 1205122 du 7 avril 2016 que cette indemnité devait uniquement couvrir la période au cours de laquelle l'intéressée a été illégalement évincée du service à raison de la décision du 8 février 2007, soit du 24 septembre 2007, date d'effet de cette décision, au 2 février 2012, date à laquelle cette dernière a été annulée par la cour. Dès lors, la circonstance que l'indemnité ainsi reconstituée par l'administration porte sur une période plus longue que celle qu'impliquait nécessairement ce jugement n'est pas, en elle-même, susceptible de révéler une inexécution partielle de ce dernier.
13. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que le montant brut mensuel de sa rémunération et des cotisations sociales correspondantes ne seraient " pas justifiés ", il résulte de l'instruction et, notamment, de " l'état détaillé " du 18 avril 2017 que l'administration a reconstitué, pour l'ensemble de la période de soixante-trois mois visée par cette reconstitution, le montant total de la rémunération brute de l'intéressée, dont les modalités de calcul ont été précisées dans la lettre du recteur du 21 juillet 2017, ainsi que ceux des parts salariales et patronales des cotisations sociales correspondantes, montant dont aucun n'est précisément contesté par la requérante, qui ne fournit, d'ailleurs, aucune reconstitution alternative plus détaillée à l'occasion de la présente instance.
14. En troisième lieu, Mme B... prétend également que les réfactions opérées, conformément aux motifs du jugement n° 1205122 du 7 avril 2016, à raison des revenus de remplacement qui lui ont été servis durant la période d'éviction illégale, à savoir, d'une part, les allocations de RMI ou de RSA, à hauteur de 2 753,51 euros, et les arrérages de pension de retraite, à concurrence de 98 462,43 euros, ne seraient pas davantage justifiés. Toutefois, il résulte de l'instruction et, notamment du courrier adressé à l'intéressée le 21 juillet 2017 que l'administration s'est, pour ce faire, fondée sur les justificatifs lui ayant été respectivement fournis par la caisse d'allocations familiales de l'Ariège, dont relevait la requérante, et par le service des retraites de l'Etat. Par ailleurs, Mme B... ne conteste pas utilement le montant des deux réfactions ainsi opérées alors, d'une part, qu'elle avait elle-même chiffré les allocations perçues de cette caisse, dans un courriel du 24 novembre 2016, à 3 318,69 euros, soit un montant supérieur à celui finalement retenu par l'administration, et, d'autre part, qu'elle ne fournit, à l'occasion de la présente instance, aucun élément ni aucune pièce justificative de nature à établir que le total des arrérages de pension de retraite ainsi retenu, pour 98 462,43 euros, s'avèrerait exagéré.
15. En quatrième lieu, si la requérante fait encore grief à l'administration de ne pas avoir justifié de réfactions ou saisies relatives à ses cotisations d'impôt sur le revenu et de taxe foncière, il ne résulte pas de l'instruction et, notamment, de " l'état détaillé " susmentionné que le recteur aurait pris en compte de tels éléments dans sa reconstitution.
16. En dernier lieu, si Mme B... soutient que l'administration, s'agissant du versement de la somme de 9 299,69 euros au titre des intérêts dus sur l'indemnité principale, aurait omis de capitaliser ces derniers, il ressort du jugement n° 1205122 du 7 avril 2016 dont l'intéressée sollicite l'exécution qu'il prescrit l'octroi des intérêts sur la somme due à compter du 16 avril 2012 mais ne prévoit pas la capitalisation de ces intérêts. Dans ces conditions, l'absence de versement d'une somme au titre de la capitalisation des intérêts n'est pas de nature à établir que le jugement en cause n'aurait pas été exécuté.
17. Il résulte de ce qui précède que le jugement n° 1205122 du 7 avril 2016 doit être regardé comme ayant été entièrement exécuté. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B... doivent être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires et les conclusions à fin de saisine de la CDBF et de la CNIL :
18. Si Mme B... sollicite, d'une part, la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de la destruction de ses données de carrière, ainsi qu'une indemnité de 31 111 euros pour préjudice moral, ces conclusions, ainsi que l'oppose l'administration, soulèvent un litige distinct de celui relatif à l'exécution du jugement n° 1205122 rendu par le tribunal administratif de Versailles le 7 avril 2016. Elles doivent, par suite, être rejetées. D'autre part, l'exécution de ce dernier jugement n'impliquant pas la saisine de la CDBF et de la CNIL, les conclusions aux fins de saisine de cette Cour et de cette Commission doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur l'appel formé contre le jugement n° 1706580 :
En ce qui concerne la régularité de ce jugement :
19. En premier lieu, si Mme B... fait valoir que le magistrat ayant exercé les fonctions de rapporteur devant le tribunal administratif de Versailles porte le même nom de famille qu'un agent ayant été nommé, à compter du 1er mars 2019, sous-directeur des affaires juridiques de l'enseignement supérieur et de la recherche au sein du ministère de l'éducation nationale, la requérante ne saurait sérieusement inférer de cette seule circonstance qu'elle serait susceptible de faire naître un doute sur l'impartialité du magistrat ainsi visé, alors surtout qu'elle n'établit, ni même n'allègue, que celui-ci aurait entretenu un quelconque lien, autre que cette homonymie, avec l'agent concerné, ni davantage que ce dernier aurait eu à connaître du présent litige, qui ne relève d'ailleurs pas de l'enseignement supérieur et de la recherche. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait, à ce titre, été rendu en méconnaissance du principe d'impartialité, rappelé par les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
20. En deuxième lieu, la circonstance que le tribunal administratif, après avoir rejeté les conclusions principales de la demande dont Mme B... l'avait saisi, a également rejeté les conclusions accessoires de l'intéressée tendant au remboursement, d'une part, de dépens, au motif qu'elle n'en avait pas supportés, et, d'autre part, des autres frais d'instance qu'elle avait exposés mais non compris dans les dépens, au motif qu'elle était partie perdante, n'est pas, contrairement à ce que soutient la requérante, de nature à faire naître un doute sur l'impartialité du tribunal et, par suite, à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.
21. En revanche, et en dernier lieu, il ressort du dossier de première instance que, par deux lettres des 26 février et 11 mars 2019, le tribunal administratif a informé les parties que le jugement à intervenir était susceptible d'être fondé sur les moyens, d'ordre public, tirés de l'irrecevabilité des conclusions de la demande aux fins d'indemnisation et de saisine de la CDBF et de la CNIL. Cependant, ces informations, qui n'indiquaient pas la cause des irrecevabilités ainsi envisagées, étaient trop imprécises pour que Mme B... pût connaître le motif de tardiveté sur lequel le tribunal s'est fondé pour rejeter ces conclusions et en discuter utilement. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il a rejeté pour irrecevabilité le surplus de ses conclusions, a méconnu le principe du contradictoire.
22. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n° 1706580 est irrégulier en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme B... aux fins d'indemnisation et de saisine de la CDBF et de la CNIL, et doit donc, dans cette mesure, être annulé. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Versailles.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'exécution du jugement n° 1303877 du 10 février 2014, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel :
23. Ainsi qu'il a été rappelé au point 5, par une décision du 8 février 2007, le recteur de l'académie de Versailles a admis Mme B..., professeure certifiée titulaire, à la retraite d'office pour invalidité à compter du 24 septembre 2007. Après que cette décision a été annulée par un arrêt de la cour n° 10VE01442 du 2 février 2012, le recteur a réitéré sa décision, par un arrêté du 3 avril 2013. Par un jugement n° 1303877 du 10 février 2014, devenu définitif, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté, a enjoint au recteur de réintégrer rétroactivement Mme B..., en reconstituant sa carrière, à compter du 24 septembre 2007 et de la placer dans une situation régulière, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par sa demande n° 1706580, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'assurer l'exécution de ce jugement en tant qu'il a prononcé ces injonctions et astreinte.
24. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".
25. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision.
26. D'autre part, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.
27. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'en exécution du jugement n° 1303877 du 10 février 2014, le recteur de l'académie de Versailles a, par un arrêté du 23 avril 2014, réintégré rétroactivement Mme B... dans ses fonctions de professeur certifié titulaire à compter du 24 septembre 2007. Si la requérante soutient que le recteur n'aurait pas, à cette occasion, procédé à la reconstitution de sa carrière, l'administration fait valoir, sans être contredite sur ce point, que l'intéressée avait déjà atteint, depuis le 14 mars 2005, le 11ème et dernier échelon de son grade de professeur certifié de classe normale. Ainsi, il n'est pas établi, ni même allégué, que Mme B... aurait dû bénéficier rétroactivement de mesures d'avancement au titre de la période d'éviction illégale en cause, soit du 24 septembre 2007 au 10 février 2014. Par ailleurs, si Mme B... fait grief au recteur de ne l'avoir que tardivement affectée à un emploi d'enseignement au sein de l'académie par un arrêté du 24 septembre 2014, soit au-delà du délai de deux mois lui étant imparti par ce jugement, il résulte de l'instruction que la requérante, à la suite du prononcé de celui-ci, avait sollicité et obtenu un congé pour convenance personnelle jusqu'au 31 août 2014. Dans ces conditions, le retard ainsi constaté s'agissant de la réintégration effective de Mme B... dans ses fonctions d'enseignement ne saurait être regardé comme procédant d'une carence de l'administration dans l'exécution de ce même jugement, ce d'autant que la requérante n'a, d'ailleurs, jamais rejoint l'emploi auquel elle avait été ainsi affectée et a, en conséquence, fait l'objet, par un arrêté du 4 décembre 2014, d'une radiation des cadres pour abandon de poste, nouvelle mesure d'éviction à laquelle ne s'opposait pas, contrairement à ce que soutient l'intéressée, l'exécution du jugement n° 1303877 du 10 février 2014. En définitive, ce dernier jugement doit donc être regardé, s'agissant de la réintégration juridique rétroactive et de la réintégration effective de Mme B..., comme ayant été entièrement exécuté.
28. En revanche, l'annulation d'une décision d'éviction d'un agent public implique nécessairement, au titre de la reconstitution de sa carrière, la reconstitution des droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que de la part patronale. En l'espèce, Mme B... soutient que l'administration, au titre de la reconstitution de carrière qu'impliquait l'exécution du jugement n° 1303877 du 10 février 2014, n'aurait pas régularisé sa situation en ce qui concerne les cotisations relatives à sa pension de retraite. En défense, la rectrice de l'académie de Versailles n'établit, ni même n'allègue, avoir procédé à une telle reconstitution des droits sociaux de la requérante. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que ce jugement n'a, à ce titre, pas été exécuté. Par conséquent, il y a lieu d'enjoindre à la rectrice de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à la reconstitution des droits sociaux de Mme B... qu'implique l'exécution du jugement n° 1303877 du 10 février 2014.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires et les conclusions à fin de saisine de la CDBF et de la CNIL, par la voie de l'évocation :
29. Si Mme B... sollicite, d'une part, la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de la destruction de ses données de carrière, ainsi qu'une indemnité de 31 111 euros pour préjudice moral, ces conclusions, ainsi que l'oppose l'administration, soulèvent un litige distinct de celui relatif à l'exécution du jugement n° 1303877 rendu par le tribunal administratif de Versailles le 10 février 2014. Elles doivent, par suite, être rejetées. D'autre part, l'exécution de ce dernier jugement n'impliquant pas la saisine de la CDBF et de la CNIL, les conclusions aux fins de saisine de cette Cour et de cette Commission doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
30. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1706579 du tribunal administratif de Versailles du 1er avril 2019, ainsi que le jugement n° 1706580 rendu le même jour par ce tribunal en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme B... aux fins d'indemnisation et de saisine de la CDBF et de la CNIL, sont annulés.
Article 2 : La demande n° 1706579 présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Versailles, ainsi que les conclusions de la demande n° 1706580 présentée par l'intéressée devant ce tribunal aux fins d'indemnisation et de saisine de la CDBF et de la CNIL, sont rejetées.
Article 3 : Il est enjoint à la rectrice de l'académie de Versailles de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à la reconstitution des droits sociaux de Mme B... qu'implique l'exécution du jugement n° 1303877 du 10 février 2014.
Article 4 : La rectrice de l'académie de Versailles communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l'injonction prononcée à l'article 3 du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la rectrice de l'académie de Versailles.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président-assesseur,
M. Toutain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.
Le rapporteur,
E. D...La présidente,
C. SIGNERIN-ICRELa greffière,
C. YARDELa République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 21VE01112 2