Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les arrêtés du 3 novembre 2021 par lesquels le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 2113766 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de Mme C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 janvier 2022, Mme C..., représenté par Me Berdugo, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler l'obligation de quitter le territoire français sans délai prise par le préfet de police le 3 novembre 2021 ;
3° d'annuler la décision d'interdiction de retour sur le territoire français du préfet de police du même jour ;
4° d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
5° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée ;
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle est entachée d'un vice de procédure tenant au défaut de saisine de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, alors qu'elle a fait état de problèmes de santé qui nécessitent des soins ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 8 juin 2022, le préfet de police a conclu au rejet de la requête.
Vu le jugement attaqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante brésilienne, née le 31 mars 1986 à Governador Valadares, a fait l'objet d'un refus d'entrée en France le 19 octobre 2021 et a été placée en zone d'attente. Elle a refusé d'embarquer sur un vol à destination de l'Italie et a fait l'objet, le 3 novembre 2021, de deux arrêtés du préfet de police de Paris l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme C... relève appel du jugement du 13 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 612-1 du même code : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 dudit code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ". Il résulte des dispositions des articles L. 611-2 et L. 612-4 de ce code que les 1° et 2° de l'article L. 611-1 d'une part, et de l'article L. 612-3 d'autre part, sont applicables à " l'étranger en provenance directe du territoire d'un des États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (...) lorsqu'il ne peut justifier être entré ou s'être maintenu sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20 et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21 de cette même convention ".
3. Il résulte de ces dispositions que la situation d'un étranger qui n'est pas entré sur le territoire français est régie par les dispositions citées ci-dessus du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'entrée en France, et en particulier s'agissant des personnes qui se présentent à la frontière, par celles contenues au chapitre II titre III de ce livre relatif au refus d'entrée. Les mesures d'éloignement du territoire national prévues au livre VI de ce code, notamment l'obligation de quitter le territoire français, ne lui sont pas applicables. Par conséquent, l'étranger, qui n'est pas ressortissant d'un pays membre de l'Union européenne, se trouvant en zone aéroportuaire, en transit ou en zone d'attente, peut faire l'objet d'un refus d'entrée, lequel pourra être exécuté d'office en application des dispositions précitées de ce code, mais non d'une obligation de quitter le territoire français. Il n'y a pas lieu de distinguer, à cet égard, la situation d'un étranger qui exprime le désir d'entrer sur le territoire français de celle d'un étranger qui ne formule pas ce souhait.
4. En outre, le ressortissant étranger qui a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée et de placement en zone d'attente et qui a refusé d'obtempérer à une décision de réacheminement prise pour l'application du refus d'entrée ne peut être regardé comme entré en France de ce seul fait. Tel est le cas, toutefois, s'il a été placé en garde à vue à la suite de ce refus, sauf à ce que les locaux de la garde à vue soient situés dans la zone d'attente. Doit également être regardé comme entré sur le territoire français l'étranger ayant fait l'objet d'une décision de refus d'entrée et pénétrant sur le territoire en application des dispositions précitées de l'article L. 342-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'issue de la dernière prolongation par le juge des libertés et de la détention de son maintien en zone d'attente.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., arrivée à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle le 19 octobre 2021, a le jour même, fait l'objet d'une décision de refus d'entrée sur le territoire français au motif qu'elle était signalée par les autorités suisses au système d'information Schengen aux fins de non-admission pour infractions économiques ou financières et de placement en zone d'attente. Elle a refusé d'embarquer dans un avion à destination de l'Italie le 22 octobre 2021, puis à nouveau le 27 octobre 2021. Elle a été maintenue en zone d'attente par deux ordonnances du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny du 23 octobre 2021 et du 31 octobre 2021, pour une durée de huit jours à chaque fois. Les arrêtés litigieux lui ont été notifiés le 3 novembre 2021, alors qu'elle se trouvait toujours dans les locaux de la police aux frontières de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Les circonstances qu'elle était enceinte et qu'elle aurait manifesté la volonté d'entrer en France pour y retrouver son compagnon et y accomplir un examen médical sont sans influence pour apprécier si la requérante pouvait être regardée comme entrée sur le territoire français lors de la notification de la décision. Par suite, Mme C... ne pouvait être regardée comme entrée sur le territoire français, et ne pouvait, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 6 du présent arrêt, faire l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande et à obtenir l'annulation des arrêtés du préfet de police du 3 novembre 2021.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Eu égard au motif de l'annulation des arrêtés attaqués, l'exécution du présent arrêt implique seulement que l'administration examine à nouveau la situation de Mme C.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 2113766 du 13 janvier 2022 et les arrêtés du préfet de police du 3 novembre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris de réexaminer la situation de Mme C..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Colrat, première conseillère,
M. Frémont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022.
La rapporteure,
S. B...Le président,
B. EVENLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE00128