Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2020 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'un an.
Par un jugement n° 2000230 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 15 janvier 2020 de la préfète d'Indre-et-Loire.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 janvier 2021 et régularisée le 3 mars 2021, la préfète d'Indre-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 décembre 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif.
Elle soutient que M. A... bénéficiait d'une délégation de signature en cas d'empêchement ou d'absence de Mme G....
La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 31 décembre 1994, déclare être entré en France le 15 août 2016 via l'Espagne, sans être muni de documents d'identité et de voyage. Le 17 septembre 2018, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du 31 janvier 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 23 juillet 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 15 janvier 2020, la préfète d'Indre-et-Loire a pris un arrêté obligeant M. B... à quitter le territoire français sans délai à destination du Mali, pays dont il déclare avoir la nationalité ou de tout autre pays où il serait légalement admissible et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. La préfète d'Indre-et-Loire relève appel du jugement du 30 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté.
Sur le moyen retenu par le tribunal :
2. Pour annuler l'arrêté du 15 janvier 2020 de la préfète d'Indre-et-Loire, le tribunal a considéré que le signataire de cet arrêté, M. A..., n'avait pas reçu de délégation de signature dès lors que Mme C... I..., préfète d'Indre-et-Loire, lui avait donné délégation de signature à l'effet de signer " (...) les arrêtés, décisions, actes, correspondances et documents relevant des attributions des services placés sous son autorité " et " Lorsqu'il assure la fonction de sous-préfet de permanence ou de renfort (du vendredi 18h00 au lundi 8h00, et pour les jours fériés ou non travaillés, de la veille à 18h00 au lendemain à 8h00) : (...) tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'État dans le département ou de l'exercice des pouvoirs de police administrative, générale ou spéciale, de la préfète, y compris : /- les arrêtés, décisions et actes pris sur le fondement du code de l'entrée et du séjour / des étrangers et du droit d'asile ", et qu'en l'espèce, et alors qu'il n'était pas établi qu'à la date de l'arrêté litigieux, la direction de la citoyenneté et de la légalité et, en particulier, le bureau de l'immigration, étaient placés sous l'autorité de M. A..., l'obligation de quitter le territoire français sans délai contestée par M. B... avait été édictée le mercredi 15 janvier 2020, qui ne correspondait ni à un jour férié ni à un jour non travaillé.
3. Toutefois, en appel, la préfète d'Indre-et-Loire produit un arrêté de délégation de signature du 4 décembre 2019 publié au recueil des actes administratifs spécial le 6 décembre suivant, par lequel la préfète délègue sa signature à Mme Seghier, secrétaire générale de la préfecture d'Indre-et-Loire à l'effet de signer tous les arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département ou de l'exercice des pouvoirs de police administrative, générale ou spéciale, y compris les arrêtés pris sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'article 2 de cet arrêté prévoit qu'en cas d'absence ou d'empêchement de Mme G..., cette délégation de signature est exercée par M. A..., directeur de cabinet. M. B... n'allègue ni n'invoque que Mme G... n'aurait pas été absente ou empêchée le 15 janvier 2020, date de la signature de l'arrêté. Dans ces conditions, la préfète d'Indre-et-Loire est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'incompétence du signataire pour annuler son arrêté.
4. Il appartient à la cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l 'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. M. B... soutient qu'il est entré en France en 2016, qu'il vit en couple avec Mme H... D..., de nationalité française depuis le mois de juillet 2020. Toutefois, M. B..., célibataire et sans enfant à charge, n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où résident sa mère et sa sœur, et où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans, et eu égard au caractère très récent de la relation avec Mme D... et de la vie commune alléguée, postérieure à l'arrêté attaqué, à la durée de la présence sur le territoire de M. B..., la préfète d'Indre-et-Loire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite être écarté.
Sur l'absence de délai de départ volontaire :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile désormais repris aux articles L. 612-1 et suivants du même code : " II. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'audition de M. B... du 14 janvier 2020 que ce dernier a déclaré résider chez un ami et refuser de retourner dans son pays d'origine, le Mali, qu'il souhaitait rester en France pour y faire sa vie. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
9. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme précédemment au point 6 du présent arrêt.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
10. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
11. M. B..., dont la demande d'admission au bénéfice de l'asile a été rejetée par l'OFPRA le 31 janvier 2018 puis par la CNDA le 23 juillet 2019, soutient qu'un retour au Mali l'expose à des traitements inhumains et dégradants en raison de son homosexualité. Toutefois, il n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'à la date de la décision attaquée il était exposé à des risques personnels et actuels en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme précédemment au point 6 du présent arrêt.
Sur l'interdiction de retour :
13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais repris aux articles L. 612-6 et suivants du même code : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
14. M. B... qui soutient qu'il est inconnu des services de police, qu'il travaille, et qu'il vit en couple avec Mme H... D..., ne justifie pas de circonstances humanitaires. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que la décision méconnaît l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète d'Indre-et-Loire est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2000230 du 30 décembre 2020 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. F... B.... Copie en sera adressée à la préfète d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022 à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
M. Coudert, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022.
La rapporteure,
A-C. E...Le président,
S. BROTONSLa greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE00213