La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2022 | FRANCE | N°20VE03429

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 08 juillet 2022, 20VE03429


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La société Groupama Paris-Val de Loire a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, de condamner la commune de Villebon-sur-Yvette à lui verser les sommes de 1 158 660,40 euros et 336 721,40 euros correspondant aux indemnités d'assurance qu'elle a versées à la société Icade au titre des préjudices subis à l'occasion de l'occupation illégale de ses terrains par des gens du voyage au mois de décembre 2014 et aux mois de septembre 2016 à janvier 2017, et, d'autre part, de condamner

l'Etat à lui verser les sommes de 1 158 660,40 euros et 336 721,40 euros cor...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La société Groupama Paris-Val de Loire a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, de condamner la commune de Villebon-sur-Yvette à lui verser les sommes de 1 158 660,40 euros et 336 721,40 euros correspondant aux indemnités d'assurance qu'elle a versées à la société Icade au titre des préjudices subis à l'occasion de l'occupation illégale de ses terrains par des gens du voyage au mois de décembre 2014 et aux mois de septembre 2016 à janvier 2017, et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 1 158 660,40 euros et 336 721,40 euros correspondant à ces mêmes indemnités d'assurance qu'elle a versées à la société Icade.

Par un jugement nos 1807865 et 1807866 du 30 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à la société Groupama Paris-Val de Loire une somme totale de 1 308 660,40 euros et a rejeté le surplus de ses demandes indemnitaires.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 décembre 2020, le ministre de l'intérieur, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 octobre 2020 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à la société Groupama Paris-Val de Loire une somme de 1 158 660,40 euros ;

2°) de rejeter la demande de la société Groupama Paris-Val de Loire présentée devant le tribunal administratif de Versailles en tant qu'elle tendait à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme 1 158 660,40 euros.

Il soutient que :

- le sous-préfet de Palaiseau n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en laissant sans exécution l'arrêté préfectoral du 16 septembre 2014 mettant en demeure les occupants de quitter les lieux et en refusant le 25 novembre 2014 d'édicter un nouvel arrêté de mise en demeure de quitter les lieux sur le fondement des dispositions du II de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2020 dès lors que le schéma départemental d'accueil des gens du voyage de l'Essonne, qui imposait la création d'une aire de Grand passage de 150 à 200 places sur le territoire de la commune Villebon-sur-Yvette, n'était pas à ces dates respecté ;

- il résulte en effet de la combinaison des dispositions de la loi du 5 juillet 2000, en particulier des articles 2 et 9, et des dispositions de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, que, lorsque la compétence d'une commune en matière de stationnement et d'accueil des gens du voyage a été transférée à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), la vérification du respect du schéma départemental s'opère au niveau de l'EPCI et le président de l'EPCI est alors compétent pour demander au préfet de procéder à la mise en demeure prévue par l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 ; qu'en l'espèce, dès lors que la commune avait transféré au Syndicat intercommunal d'accueil des gens du voyage de Villebon sa compétence en matière de réalisation d'aire d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, l'arrêté municipal du 11 octobre 2011 portant interdiction de stationnement des gens du voyage sur l'ensemble du territoire communal en dehors de l'aire d'accueil aménagé n'était opposable que dans la mesure où le schéma départemental était respecté au niveau du syndicat intercommunal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2021, la société Groupama Paris-Val de Loire, représentée par Me Levain, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gilavert substituant Me Levain pour la société Groupama Paris-Val de Loire.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 30 octobre 2020 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à la société Groupama Paris-Val de Loire une somme de 1 158 660,40 euros correspondant à l'indemnité d'assurance qu'elle a versée à la société Icade au titre des préjudices subis par cette dernière à l'occasion de l'occupation illégale de ses terrains par des gens du voyage au mois de décembre 2014.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 2 de la loi du 5 juillet 2020 visée ci-dessus : " I. - Les communes figurant au schéma départemental en application des dispositions des II et III de l'article 1er sont tenues, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en œuvre. Elles le font en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d'accueil, aménagées et entretenues. Elles peuvent également transférer cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale chargé de mettre en œuvre les dispositions du schéma départemental ou contribuer financièrement à l'aménagement et à l'entretien de ces aires d'accueil dans le cadre de conventions intercommunales. / (...) III. - Le délai de deux ans prévu au I est prorogé de deux ans, à compter de sa date d'expiration, lorsque la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale a manifesté, dans ce délai, la volonté de se conformer à ses obligations : / - soit par la transmission au représentant de l'Etat dans le département d'une délibération ou d'une lettre d'intention comportant la localisation de l'opération de réalisation ou de réhabilitation d'une aire d'accueil des gens du voyage ; / - soit par l'acquisition des terrains ou le lancement d'une procédure d'acquisition des terrains sur lesquels les aménagements sont prévus ; / - soit par la réalisation d'une étude préalable. / Le délai d'exécution de la décision d'attribution de subvention, qu'il s'agisse d'un acte unilatéral ou d'une convention, concernant les communes ou établissements publics de coopération intercommunale qui se trouvent dans la situation ci-dessus est prorogé de deux ans. ". Aux termes de l'article 9 de cette même loi : " I. - Dès lors qu'une commune remplit les obligations qui lui incombent en application de l'article 2, son maire ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d'accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l'article 1er. Ces dispositions sont également applicables aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d'une aire d'accueil, ainsi qu'à celles qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d'une telle aire ou qui appartiennent à un groupement de communes qui s'est doté de compétences pour la mise en œuvre du schéma départemental. / Les mêmes dispositions sont applicables aux communes qui bénéficient du délai supplémentaire prévu au III de l'article 2 jusqu'à la date d'expiration de ce délai ainsi qu'aux communes disposant d'un emplacement provisoire faisant l'objet d'un agrément par le préfet, dans un délai fixé par le préfet et ne pouvant excéder six mois à compter de la date de cet agrément. / (...) II. - En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. / La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain. / Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effets dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions fixées au II bis, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure. / Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain fait obstacle à l'exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l'atteinte à la salubrité, à la sécurité ou la tranquillité publiques dans un délai qu'il fixe. / Le fait de ne pas se conformer à l'arrêté pris en application de l'alinéa précédent est puni de 3 750 euros d'amende. / (...) ".

3. Aux termes du A du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales : " (...) Par dérogation à l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est compétent en matière de réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, les maires des communes membres de celui-ci transfèrent au président de cet établissement leurs attributions dans ce domaine de compétences. / (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que le schéma départemental d'accueil des gens du voyage de l'Essonne publié le 24 octobre 2013 mettait à la charge du Syndicat intercommunal d'accueil des gens du voyage (SIAGV) de Villebon, regroupant les communes de Champlan, Chilly-Mazarin, Epinay-sur-Orge, Les Ulis, Longjumeau, Villebon-sur-Yvette et Villejust, la réalisation, sur le territoire de la commune de Villebon-sur-Yvette, d'une aire de grand passage destinée à l'accueil de 150 à 200 caravanes. S'il est constant qu'au mois de décembre 2014, l'aire prévue par le schéma départemental n'avait pas été réalisée, le délai de deux ans imparti au SIAGV pour réaliser cette aire n'était toutefois pas encore expiré. Dans ces conditions, l'absence de réalisation de cette aire ne faisait pas en elle-même légalement obstacle à ce que le maire de la commune de Villebon-sur-Yvette exerçât les prérogatives qu'il tenait des dispositions du II de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et n'est du reste pas contesté par le ministre de l'intérieur, que la commune disposait en décembre 2014 d'une aire d'accueil de 14 places et qu'ainsi elle satisfaisait aux obligations qui lui incombaient en vertu du schéma départemental d'accueil des gens du voyage 2003-2009. Il n'est pas davantage contesté que le maire de Villebon-sur-Yvette avait, par un arrêté du 18 octobre 2011 interdit le stationnement des gens du voyage sur l'ensemble du territoire communal en dehors de l'aire d'accueil aménagée rue du château. Il suit de là, ainsi que le tribunal administratif de Versailles l'a jugé, que le sous-préfet de Palaiseau, en s'abstenant d'exécuter l'arrêté de mise en demeure qu'il avait pris le 16 septembre 2014 et en refusant le 25 novembre 2014 de prendre, à la demande du maire de Villebon-sur-Yvette, un nouvel arrêté de mise en demeure de quitter les lieux sur le fondement des dispositions du II de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 au motif que le schéma départemental d'accueil des gens du voyage de l'Essonne publié le 24 octobre 2013 n'avait pas été respecté en l'absence de création d'une aire de grand passage de 150 à 200 places, a entaché ses décisions d'une erreur de droit et, par suite, commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à la société Groupama Paris-Val de Loire une somme de 1 158 660,40 euros.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Groupama Paris-Val de Loire d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la société Groupama Paris-Val de Loire une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société Groupama Paris-Val de Loire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre l'intérieur et des outre-mer et à la société Groupama Paris-Val de Loire.

Copie en sera adressée au préfet des Yvelines et à la commune de Villebon-sur-Yvette.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022.

Le rapporteur,

B. A...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE03429 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03429
Date de la décision : 08/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : CABINET RICHER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-07-08;20ve03429 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award