Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SMP Expansion a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 29 février 2012, le 28 février 2013 et le 31 décembre 2013.
Par un jugement n° 1900526 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a déchargé la société SMP Expansion des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales au titre de l'exercice clos le 29 février 2012, a fixé son bénéfice imputable à sa succursale gabonaise à la somme de 3 567 577 euros pour l'exercice clos le 28 février 2013 et à la somme de 3 090 626 euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2013, l'a déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales correspondant à cette réduction de base imposable et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2020 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes et transmise à la cour administrative d'appel de Versailles par une ordonnance de renvoi du 21 octobre 2020, et des mémoires enregistrés le 3 novembre 2020, le 27 juillet 2021, le 19 novembre 2021, le 4 mai 2022, le 12 mai 2022 et le 24 mai 2022, la société SMP Expansion, représentée par Me Prost et Me Blanc, avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge partielle des impositions litigieuses ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le taux de marge de 18,61 % retenu par l'administration fiscale est erroné, dès lors que l'échantillon retenu par l'administration comprend les entreprises Boma Pipe Limited et Deepwell, dont l'activité n'est pas comparable à la sienne ; elle produit elle-même une étude de comparables, dont il ressort que le taux de marge doit être fixé entre 22 % et 44 % ; les sociétés Ensco et Awilco Drilling doivent être retenues dans le panel de comparables ;
- les moyens avancés par le ministre à l'appui de son appel incident ne sont pas fondés, dès lors que le résultat de l'établissement stable doit être déterminé sur la base des seuls coûts exposés pour la réalisation de ses opérations ; le service a mélangé la méthode de la marge nette et celle de la répartition des profits ; la méthode appliquée revient à rémunérer doublement la mise à disposition des RIGs et du personnel qualifié ;
- la méthode appliquée contrevient à la première préconisation de l'OCDE, selon laquelle la méthode transactionnelle de la marge nette conduit à l'évaluation du résultat d'une seule des deux entités parties à la transaction à évaluer ;
- en appliquant un taux de marge aux coûts supportés par l'établissement principal, l'administration fiscale a appliqué à ces charges un traitement différent de celui employé pour calculer la marge nette des entreprises de l'échantillon, ce qui fausse la méthode ;
- l'application d'un taux de marge sur ces charges contrevient aux stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-gabonaise dès lors que, d'une part, ces stipulations prévoient une imposition exclusive du résultat d'une activité commerciale dans l'Etat de réalisation de l'activité, que, d'autre part, l'application d'une marge aux charges S2 contrevient aux stipulations du 4 de l'article 7 de la convention précitée et qu'enfin, la méthode retenue par l'administration a abouti à imposer des sommes déjà imposées au Gabon, alors que la convention a précisément pour but d'éviter les doubles impositions ;
- l'administration ne s'est pas conformée à sa doctrine BOI-BIC-BASE-80-10-10 §100.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 mars 2021, le 6 octobre 2021 et le 17 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique forme un appel incident en ce qui concerne la réduction de la base d'imposition de la rémunération des matériels et personnels mis à la disposition de la succursale gabonaise par la SAS SMP et conclut ainsi à l'annulation du jugement attaqué sur ce point, au rétablissement des impositions supplémentaires dont la société SMP Expansion a été déchargée par le tribunal et au rejet de la requête de cette société.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société SMP Expansion ne sont pas fondés ;
- les premiers juges ne pouvaient reprocher à l'administration de ne pas avoir démontré l'existence d'un avantage au sens de l'article 57 du code général des impôts à raison de la mise à disposition des RIGs et du personnel qualifié, alors que ces prestations de service ont été comptabilisées à prix coûtant ;
- l'entreprise SMP comprenant à la fois le siège et l'établissement stable, le taux retenu pour calculer le bénéfice de l'établissement stable gabonais est également pertinent pour calculer la marge bénéficiaire qui aurait dû être facturée à la succursale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention signée le 20 septembre 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;
- le premier alinéa de l'article 2 de la Constitution et l'article 111 de l'ordonnance d'août 1539 sur le fait de la justice, dite ordonnance de Villers-Cotterêts ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham, première conseillère,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- et les observations de Me Prost, pour la société SMP Expansion.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée Société de maintenance pétrolière (SAS SMP), qui exerce une activité de forage et de maintenance des puits de pétrole, gaziers et de géothermie, et intervient comme sous-traitante pour des clients exploitants, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le service a remis en cause l'évaluation du bénéfice réalisé par sa succursale située au Gabon déduit extra-comptablement de son résultat fiscal. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt ont par suite été mises à la charge de la SAS SMP Expansion, qui détient 100 % du capital de la SAS SMP et avec laquelle elle forme un groupe fiscalement intégré, au titre des exercices clos le 29 février 2012, le 28 février 2013 et le 31 décembre 2013. Par le jugement attaqué du 15 septembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a déchargé partiellement la société SMP de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société SMP Expansion fait appel de ce jugement en ce qu'il a validé, pour le calcul du bénéfice de son établissement stable au Gabon, un taux de marge nette de 18,61 %. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance forme appel incident du jugement, en ce qu'il a réduit la base d'imposition de la rémunération des matériels et personnels mis à la disposition de la succursale gabonaise par la SAS SMP.
Sur l'appel principal de la société SMP Expansion :
2. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. (...) / A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont inférieurs à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est à dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties aux moins équivalentes. A défaut d'avoir procédé à de telles comparaisons, l'administration n'est, en revanche, pas fondée à invoquer une présomption de transfert de bénéfices mais doit établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du service rendu.
3. En l'espèce, il est constant que la SAS SMP est liée à sa succursale dépourvue de personnalité morale, et que compte tenu de la répartition du risque d'exploitation entre l'établissement français et sa succursale gabonaise, la rémunération de pleine concurrence de cet établissement stable gabonais peut être déterminée selon la méthode du prix de revient majoré, adaptée aux sous-traitants assumant des fonctions et des risques limités.
4. Pour calculer la rémunération de pleine concurrence de l'établissement stable gabonais, le service a pris en compte l'ensemble des dépenses réalisées par la succursale elle-même et par l'établissement français pour le compte de celle-ci, à l'exclusion des frais de siège, et appliqué au coût de revient de ses opérations ainsi déterminé un taux de marge nette de 18,61 %, correspondant à la " moyenne glissante " des marges sur les coûts de 2010 à 2012, établie à partir d'un panel de six entreprises. Il ressort de la proposition de rectification du 4 décembre 2015 que, pour sélectionner ces entreprises comparables, le service a procédé à une recherche multicritères dans la base de données Orbis en utilisant notamment comme critère le code NACE 0910 (Services affectés à l'extraction de pétrole et de gaz).
5. En premier lieu, la société SMP Expansion indique à l'audience ne plus contester la présence de la société Deepwell au sein du panel d'entreprises, tout en persistant à soutenir que la société Boma Pipe Limited n'a pas une activité comparable à son établissement stable gabonais. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette société exerce non seulement une activité de vente de pipelines, mais également une activité de prestation de services de maintenance, d'entretien, d'inspection et de réparation de pipelines. La simple circonstance qu'elle n'est pas spécialisée dans le forage des puits mais dans l'acheminement du pétrole et du gaz n'entraîne pas son exclusion du panel, dès lors que la société SMP Expansion et la société Boma Pipe Limited sont rangées dans le même code NACE 0910 (Services affectés à l'extraction de pétrole et de gaz), exercent, en tant que prestataire de services, dans le même secteur et que l'analyse des coûts auxquels s'applique le taux de marge nette montre que l'établissement gabonais ne facturait pas exclusivement des prestations d'ingénierie spécialisée, mais également la mise à disposition de personnel moins qualifié, des prestations de logistique et la fourniture de matériel. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment de la décision de rejet de la réclamation préalable de la SAS SMP Expansion, que la marge de bénéfice de la société SMP vis-à-vis de ses clients finaux est de 16,99 %, alors que le siège assume des fonctions commerciales et financières impliquant que sa succursale sous-traitante devrait se voir attribuer un taux de marge encore inférieur.
6. En deuxième lieu, la société SMP Expansion a produit une étude de recherche de comparables qui, rédigée en langue anglaise, ne peut être prise en compte dans la présente instance. Au demeurant, si elle demande que soient intégrées au panel les sociétés Ensco et Awilco Drilling, l'administration fiscale soutient, sans être utilement contredite sur ce point, que la société Ensco n'est pas d'une taille comparable dès lors qu'elle est cotée, réalise un chiffre d'affaires de trois milliards d'euros et appartient à un groupe comprenant plus de 134 filiales dans des pays différents. Par ailleurs, ces deux sociétés ne remplissant pas la condition d'indépendance, elles ne peuvent être regardées comme exploitées normalement au sens de l'article 57 du code général des impôts.
7. Il résulte de ce qui précède que la société SMP Expansion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Sur l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la relance :
8. Le coût de revient des opérations réalisées par l'établissement stable gabonais a été calculé en prenant en compte les charges POG, directement supportées par l'établissement gabonais, les charges de siège insusceptibles d'être refacturées avec une marge, soit les charges administratives et de direction (S1) et les charges supportées par le siège devant être refacturées avec une marge, soit les charges de mise à disposition des appareils de forage, dénommés RIGs, et de personnel qualifié (S2) . Ces charges S2 ayant été enregistrées dans la comptabilité analytique à leur prix coûtant, l'administration fiscale a décidé, dans sa réponse à la réclamation, conformément à l'avis de la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, de leur appliquer un taux de marge de 18,61 % pour le calcul de la rémunération de pleine concurrence que la société SMP aurait facturée à son établissement gabonais si celui-ci ne lui avait pas été lié. Elle a considéré que ces charges S2 avec application du taux de marge de 18,61 % devaient venir en déduction pour le calcul du bénéfice de l'établissement stable gabonais, qui a dès lors été calculé selon la formule : [(POG + S1 + (S2 x 0,1861)) x 0,1861] - (S2 x 0,1861).
9. Pour décharger la société SMP Expansion des impositions résultant de la réintégration dans son résultat fiscal de la rémunération des prestations de mise à disposition de matériels et de personnels S2, les premiers juges ont estimé qu'en se bornant à soutenir qu'une marge de pleine concurrence aurait dû être appliquée au coût de ces prestations résultant des données de la comptabilité analytique de la société requérante, le service n'apportait pas la preuve qui lui incombe, en l'absence de comparaison avec des transactions comparables et dès lors que ce coût n'est pas nul, de l'existence d'un avantage au sens de l'article 57 du code général des impôts. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société SMP France mettait à disposition de son établissement gabonais du personnel qualifié et des matériels particulièrement onéreux, tels que les RIGs dont le coût est évalué à plusieurs millions d'euros chacun. Il est constant que ces prestations correspondent à une activité d'exploitation et d'entretien de puits de pétrole. Par conséquent, c'est à bon droit que l'administration leur a appliqué le taux de marge nette découlant du panel de comparables également utilisé pour calculer le taux de marge nette de l'établissement gabonais, celui-ci étant considéré, pour le calcul de son bénéfice imposable, comme ayant une activité d'exploitation de puits de pétrole et ce panel reflétant le taux de marge nette des sociétés spécialisées dans cette activité. En calculant le bénéfice de l'établissement gabonais à partir de la formule mathématique citée au point 8 et en démontrant qu'il existait un écart significatif avec les bénéfices déclarés par la société SMP Expansion pour son établissement gabonais, l'administration a apporté la preuve de l'existence d'un avantage au sens de l'article 57 du code général des impôts ainsi que du bien-fondé des rectifications litigieuses.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a déchargé partiellement les impositions en litige au motif que l'avantage consenti du fait de la mise à disposition de matériels et de personnels n'était pas établi.
11. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société SMP Expansion.
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
12. La société SMP Expansion soutient que la formule mathématique adoptée pour calculer le bénéfice de l'établissement stable gabonais aboutit à rémunérer doublement les prestations de mise à disposition. En outre, cette méthode contreviendrait à la première préconisation de l'OCDE, selon laquelle la méthode transactionnelle de la marge nette conduit à l'évaluation du résultat d'une seule des deux entités parties à la transaction à évaluer. Cependant, l'administration fiscale a appliqué la méthode transactionnelle de la marge nette, et non la méthode transactionnelle dite du partage de profit, dès lors qu'elle a calculé, à partir du coût de revient majoré, la rémunération de pleine concurrence de l'établissement gabonais, puis son bénéfice, le bénéfice résiduel étant attribué à l'établissement français. Ainsi, le bénéfice du siège n'a pas été calculé directement, mais seulement de manière résiduelle, si bien que c'est à tort que la société soutient que le service a appliqué une première fois le taux de marge nette pour rémunérer le siège. Par ailleurs, la formule adoptée par le service est correcte puisqu'elle déduit du bénéfice de l'établissement gabonais le produit des charges S2 par le taux de marge nette, et qu'elle attribue ainsi ces revenus au siège. Enfin, il n'est pas établi que le traitement des coûts pratiqué par l'administration diffère de celui appliqué pour le calcul de la marge nette des entreprises du panel, dès lors que celui-ci est constitué d'entreprises indépendantes auxquelles les prestations et mises à disposition ont été facturées au prix de pleine concurrence.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
13. Le point 100 du BOI-BIC-BASE 80-10-10 dont se prévaut la requérante ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
En ce qui concerne l'application de la convention-fiscale franco-gabonaise :
14. Aux termes de l'article 7 de la convention franco-gabonaise susvisée : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. / 2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 4, lorsqu'une entreprise d'un Etat contractant exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque Etat contractant, à cet établissement stable les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable. / 3. a) Lorsqu'une entreprise d'un Etat contractant vend des marchandises ou exerce une activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui est situé, les bénéfices de cet établissement stable ne sont pas calculés sur la base du montant total reçu par l'entreprise, mais sur la seule base de la rémunération imputable à l'activité réelle de l'établissement stable pour ces ventes ou pour cette activité. (...) . 4. Pour déterminer les bénéfices d'un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d'administration ainsi exposés, soit dans l'Etat où est situé cet établissement stable, soit ailleurs (...) 6. Aux fins des paragraphes précédents, les bénéfices à imputer à l'établissement stable sont déterminés chaque année selon la même méthode, à moins qu'il n'existe des motifs valables et suffisants de procéder autrement. ".
15. En premier lieu, la société requérante soutient que les stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-gabonaise prévoient une imposition exclusive du résultat d'une activité commerciale, localisée dans un des deux Etats parties à la Convention, dans l'Etat de réalisation de l'activité. Toutefois, cette interprétation est erronée, dès lors que le 1 de l'article 7 indique que quand une entreprise exerce son activité dans un autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. En calculant le coût de revient des opérations gabonaises et en y appliquant un taux de marge nette de pleine concurrence, l'administration a par suite déterminé le bénéfice imputable à l'établissement stable gabonais conformément à ces stipulations.
16. En deuxième lieu, la société SMP Expansion soutient que l'application d'une marge aux charges S2 contrevient aux stipulations du 4 de l'article 7 de la convention précitée, qui prévoient que " Pour déterminer les bénéfices d'un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable ". Toutefois, le 2 de l'article 7 de la convention fiscale franco-gabonaise stipule que doivent être imputés à l'établissement stable " les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable (...) ". Or, il résulte de l'instruction que les charges S2 n'ont pas fait l'objet de facturations et qu'aucune dépense n'a été réellement exposée par l'établissement gabonais, ces charges S2 ayant simplement été enregistrées dans la comptabilité analytique de la société requérante à leur prix coûtant. Conformément au 6 de l'article 7 permettant le calcul du bénéfice imputé à l'établissement stable selon une méthode différente quand il existe des motifs valables et suffisants de procéder autrement, et au 2 de l'article 7 précité, il y a lieu, quand des entreprises sont liées, de déterminer le montant des dépenses exposées aux fins poursuivies par l'établissement stable en appliquant les principes de l'OCDE permettant de calculer la juste rémunération de chaque partie dans un secteur de pleine concurrence. Dès lors que la mise à disposition des matériels et personnels qualifié ne peut logiquement, lorsque des entreprises ne sont pas liées, être facturée à prix coûtant, l'administration pouvait appliquer à ces charges S2 une marge nette pour calculer les bénéfices qu'aurait pu réaliser l'établissement stable gabonais s'il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable.
17. La société SMP Expansion soutient encore que l'application d'un taux de 18,61 % sur les charges de siège S2 conduit à une double imposition des prestations afférentes aux charges S2, en méconnaissance des stipulations de la convention fiscale franco-gabonaise qui a pour objet d'éviter les doubles impositions. Toutefois, si l'application de la convention fiscale franco-gabonaise a pour objet d'éviter les doubles impositions, c'est en déterminant, pour chaque catégorie de revenus, l'Etat où ces revenus doivent être imposés. En revanche, cette convention fiscale n'empêche aucunement un Etat d'imposer un contribuable conformément à ses stipulations, au simple motif qu'un impôt sur les mêmes revenus aurait déjà été payé dans l'autre Etat en méconnaissance de ces mêmes stipulations. En l'espèce, les rectifications litigieuses ont imputé à l'établissement gabonais les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable, conformément au 2 de l'article 7 de la convention fiscale franco-gabonaise. A supposer que la société requérante ait déjà payé un impôt au Gabon sur une partie des bénéfices imputés au siège, ce qu'elle prétend sans l'établir, cette circonstance découle du fait que la société SMP Expansion n'a pas calculé son bénéfice conformément aux stipulations de cette convention et ne saurait dès lors remettre en cause les rectifications litigieuses.
18. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a déchargé partiellement la société SMP Expansion des cotisations supplémentaires d'imposition litigieuses.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société SMP Expansion demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : : La requête de la société SMP Expansion est rejetée.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles la société SMP Expansion a été assujettie au titre des exercices clos le 29 février 2012, le 31 décembre 2013, dont le tribunal a prononcé la décharge, sont remises à sa charge, ainsi que les majorations correspondantes.
Article 3 : Les articles 1 à 4 du jugement du 15 septembre 2020 du tribunal administratif d'Orléans sont annulés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SMP Expansion et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.
La rapporteure,
C. PHAM Le président,
P. BEAUJARD
La greffière,
C. FAJARDIELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 20VE02832