Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Provence Service Intérim a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) à lui verser la somme de 163 472,51 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.
Par un jugement n° 1900771 du 15 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 septembre 2020, la société Provence Service Intérim, représentée par Me Porte, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'ACOSS a rejeté sa demande indemnitaire préalable ;
3°) de condamner l'ACOSS à lui verser la somme totale de 163 472,51 euros en réparation de la perte de chance de se voir rembourser cette somme indûment versée à l'URSSAF ;
4°) de mettre à la charge de l'ACOSS la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ACOSS aurait dû publier la lettre du 18 avril 2006 du ministre de la santé, la lettre du 7 juillet 2006 de sa direction de la règlementation du recouvrement et du service et la lettre du 13 mars 2008 du directeur de la sécurité sociale en vertu de l'article 7 de la loi du 17 juillet 1978 ; cette carence constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- l'ACOSS a méconnu son obligation d'information générale des assurés sociaux prévue par l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale ; cette faute est de nature à engager sa responsabilité ;
- elle a subi un préjudice financier d'un montant total de 163 472,51 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2021, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, représentée par Me Claisse, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Provence Service Intérim au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Provence Service Intérim ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;
- la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi ;
- la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006 ;
- le code la sécurité sociale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,
- et les observations de Me Coquillon, substituant Me Claisse, pour l'ACOSS.
Considérant ce qui suit :
1. Alors que, par une lettre du 10 septembre 2004 et une circulaire du 8 octobre 2004, le ministre de la santé avait précisé que seules les heures effectives de travail étaient éligibles à la réduction de cotisation de sécurité sociale prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, l'article 14 de la loi du 19 décembre 2005 susvisée a introduit au code de la sécurité sociale l'article L. 241-15 qui dispose que cette réduction s'applique à l'ensemble " des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature ". Le législateur a précisé que ces dispositions, " sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date de publication de la présente loi " s'appliquaient " aux cotisations dues au titre des gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 2006 ". Par une lettre du 18 avril 2006, le ministre de la santé a demandé au directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) de ne pas redresser les employeurs ayant appliqué cette réduction à la totalité des heures rémunérées et de mettre fin aux procédures de redressement en cours. Le directeur de l'ACOSS a transmis cette consigne aux URSSAF par une lettre du 7 juillet 2006 en précisant ses modalités d'application. Enfin, par une lettre du 13 mars 2008, le directeur de la sécurité sociale a réitéré cette consigne au directeur de l'ACOSS. La société Provence Service Interim relève appel du jugement du 15 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'ACOSS à l'indemniser des préjudices financiers qu'elle impute à l'absence de publication de ces trois lettres.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée, désormais codifié à l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les directives, les instructions, les circulaires, ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. / (...) Un décret en Conseil d'Etat (...) précise les modalités d'application du premier alinéa du présent article ". Aux termes de l'article 29 du décret du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, pris pour l'application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, désormais codifié à l'article R. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article 7 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée émanant des administrations centrales de l'Etat sont, sous réserve des dispositions de l'article 6 de la même loi, publiés dans des bulletins ayant une périodicité au moins trimestrielle et comportant dans leur titre la mention " Bulletin officiel ". (...) ". Aux termes de l'article 32 du même décret, désormais codifié à l'article R. 312-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Les directives, instructions, circulaires mentionnées au premier alinéa de l'article 7 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée, qui émanent des établissements publics (...) sont publiées, au choix de leur conseil d'administration : / 1° Soit par insertion dans un bulletin officiel lorsqu'il a une périodicité au moins trimestrielle ; / 2° Soit par transcription dans les trois mois sur un registre tenu à la disposition du public. / Cette publication peut intervenir par voie électronique. ".
3. Il résulte des termes même de la lettre du 16 avril 2006 que la décision du ministre de la santé de mettre fin aux procédures de redressement en cours ou envisagées à l'encontre des employeurs ayant déterminé le montant de la réduction de cotisations patronales dont ils pouvaient bénéficier sur la base de la totalité des heures rémunérées antérieurement au 1er janvier 2006 ne procède pas d'une interprétation nouvelle de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale mais d'une volonté de sécuriser les situations existantes à des fins d'équité, compte-tenu des modalités prévues par le législateur pour l'entrée en vigueur de l'article L. 241-15 de ce même code. Ni la lettre du directeur de l'ACOSS du 7 juillet 2006, qui se borne à transmettre cette instruction aux URSSAF en précisant la conduite à tenir en fonction des cas de figure susceptibles de se présenter, ni celle du 13 mars 2008 du directeur général de la sécurité sociale ne contiennent davantage d'interprétation du droit positif ou de description d'une procédure administrative. Il s'ensuit que le directeur de l'ACOSS n'était tenu de publier ni sa lettre du 7 juillet 2006 ni, en tout état de cause, les deux autres lettres du 16 avril 2006 et 13 mars 2008, dont il n'était au surplus pas l'auteur.
4. En second lieu, aux termes de l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale : " Avec le concours des organismes de sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale prend toutes mesures utiles afin d'assurer l'information générale des assurés sociaux ".
5. La société Provence Service Interim ne peut utilement se prévaloir au soutien de ses conclusions indemnitaires des dispositions précitées du code de la sécurité sociale dès lors que ces dernières ne prévoient un devoir d'information générale qu'à l'égard des assurés sociaux.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Provence Service Intérim n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ACOSS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société Provence Service Interim et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Provence Service Interim la somme de 1 500 euros que demande l'ACOSS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Provence Service Intérim est rejetée.
Article 2 : La société Provence Service Intérim versera la somme de 1 500 euros à l'ACOSS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Provence Service Intérim et à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président de chambre,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
M. Coudert, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.
Le rapporteur
B. A...Le président,
S. BROTONS La greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
N° 20VE02372 2