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05/07/2022 | FRANCE | N°20VE01867

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 05 juillet 2022, 20VE01867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) WPI, anciennement dénommée SCI José Rosaria et fils, a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à raison de cessions, réalisées en 2010 et 2011, d'appartements situés 32-34 rue du Commandant A... à Morsang-sur-Orge et des pénalités qui les ont assortis, de " dire que le dégrèvement sera opposable à chacun de ses associés pour les périodes concernées par les

redressements, pour la somme représentée par leur participation à son capital ", et de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) WPI, anciennement dénommée SCI José Rosaria et fils, a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à raison de cessions, réalisées en 2010 et 2011, d'appartements situés 32-34 rue du Commandant A... à Morsang-sur-Orge et des pénalités qui les ont assortis, de " dire que le dégrèvement sera opposable à chacun de ses associés pour les périodes concernées par les redressements, pour la somme représentée par leur participation à son capital ", et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801609 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er août 2020 et 29 juillet 2021, ainsi que des pièces nouvelles, enregistrées le 18 mai 2022 après clôture de l'instruction, la SCI WPI, représentée par Me Loiseau, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée à concurrence de 137 479 euros au titre de la période correspondant à l'année 2010 et de 74 680 euros au titre de la période correspondant à l'année 2011 ;

3°) de " dire que la décharge sera opposable à ses associés pour les périodes concernées par les redressements, pour la somme représentée par leur participation à son capital " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 600 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu à l'argument tiré de ce que les ventes des appartements aménagés au premier étage de l'immeuble ont été soumises aux droits d'enregistrement prévus à l'article 1594 D du code général des impôts en lieu et place de la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait été due pour la mise en vente d'appartements fiscalement regardés comme étant neufs ;

- les travaux en cause ne peuvent être regardés comme ayant remis à neuf, même à proportion des deux tiers, l'ensemble des éléments du second œuvre visés au d) du 2° du 2. du I. de l'article 257 du code général des impôts ; il s'agit d'analyser, pour chacun des six points de second œuvre, si le seuil des deux tiers de remise à neuf est dépassé ou non ; le descriptif des travaux figurant sur les devis et factures de la société BGS établissent que les travaux n'ont pas modifié sur chacun de ces six postes, pour les deux tiers au moins, des aménagements existants ;

- elle est fondée à se prévaloir, à cet égard, de l'absence de remise en cause, par le service, de la facturation de ces travaux au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée par la société ainsi que de la soumission, par le notaire, aux droits d'enregistrement des ventes en cause.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 2 avril 2021 et 18 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SCI WPI ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) WPI, anciennement dénommée SCI José Rosaria et fils, a acquis, le 25 juin 2008, un bâtiment d'une superficie de 600 m² par niveau à usage de centre de réunion, de restauration et de loisirs situé au 32-34 rue du Commandant A... à Morsang-sur-Orge (Essonne), dont le rez-de-chaussée était composé d'une salle de réunion avec espace foyer, d'un local traiteur, d'un entrepôt et de sanitaires, l'étage était divisé en deux salles de jeux, une salle de restauration et de jeux, deux réserves et des sanitaires, et qui était surmonté de combles. La société a réalisé des travaux ayant conduit à la création de huit appartements en duplex à l'étage et dans les anciennes combles. Des appartements ont été vendus les 8, 12 et 18 octobre 2010, le 19 novembre 2010, les 7 et 26 janvier 2011 et le 6 mai 2011, sans que ces ventes ne soient soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé que les ventes en cause devaient être soumises à cette taxe. La SCI WPI fait appel du jugement du 8 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis en conséquence à sa charge.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Si la SCI WPI fait valoir que le tribunal administratif n'aurait pas répondu au moyen tiré de ce que les ventes des appartements aménagés au premier étage de l'immeuble ont été soumises aux droits d'enregistrement prévus à l'article 1594 du code général des impôts en lieu et place de la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait été due pour la mise en vente d'appartements fiscalement regardés comme étant neufs, il résulte des termes mêmes du point 4. du jugement que les premiers juges ont expressément écarté l'argumentaire soulevé par la société sur ce point en relevant que cette circonstance ne constituait pas une prise de position formelle au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales.

3. Par ailleurs, l'ensemble des critiques relatives aux erreurs qu'auraient commises les premiers juges ont trait au bien-fondé du raisonnement suivi par ces derniers et sont, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. (...) / 2. Sont considérés : (...) / 2° Comme immeubles neufs, les immeubles qui ne sont pas achevés depuis plus de cinq années, qu'ils résultent d'une construction nouvelle ou de travaux portant sur des immeubles existants qui ont consisté en une surélévation ou qui ont rendu à l'état neuf : / (...) / d) Soit l'ensemble des éléments de second œuvre tels qu'énumérés par décret en Conseil d'Etat, dans une proportion fixée par ce décret qui ne peut être inférieure à la moitié pour chacun d'entre eux. / (...) ". Aux termes de l'article 245 A de l'annexe 2 à ce code : " I. Pour l'application du d du 2° du I de l'article 257 du code général des impôts, les éléments de second œuvre à prendre en compte sont les suivants : / a. les planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l'ouvrage ; / b. les huisseries extérieures ; / c. les cloisons intérieures ; / d. les installations sanitaires et de plomberie ; / e. les installations électriques ; / f. et, pour les opérations réalisées en métropole, le système de chauffage. / II. La proportion prévue au d du 2° du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts est fixée à deux tiers pour chacun des éléments mentionnés au I ".

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'absence d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée.

6. Pour estimer que les ventes rappelées au point 1. devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du I. de l'article 257 du code général des impôts, le service a considéré que les travaux effectués avaient rendu à l'état neuf chacun des six éléments de second œuvre énumérés à l'article 245 A de l'annexe II au code général des impôts. Le vérificateur a, relevé en ce sens, faute de disposer des éléments justifiant le détail et la nature des travaux, que ces derniers, dont le montant était égal à 76,5 % du prix d'acquisition au 31 décembre 2010 et 81,8 % au 31 décembre 2011, avaient conduit par réaménagement du premier étage et des combles à la création de huit appartements en duplex ainsi qu'à la création, au rez-de-chaussée, de treize caves et de quatre locaux commerciaux ou professionnels en lieu et place d'une salle de réunion avec un espace foyer, d'un bar, d'un local traiteur, d'un entrepôt et de sanitaires.

7. Pour contester cette analyse, la SCI WPI fait valoir, en premier lieu, que les travaux d'aménagement des huit appartements vendus n'ont concerné que le premier étage du bâtiment et l'aménagement des combles, le rez-de-chaussée n'ayant été que très légèrement transformé et aucun élément de second œuvre n'ayant été repris, et que les modifications ainsi apportées sur 618,21 m² ne peuvent dès lors représenter les deux tiers de la surface de l'immeuble de 767,30 m². Elle fait valoir ensuite, pour chaque type d'élément de second œuvre, que cette même proportion des deux tiers requise par les dispositions précitées ne serait pas atteinte. Toutefois, si la SCI WPI produit, à l'appui de ses allégations et avant la clôture de l'instruction, des photographies, deux devis et des factures émis par la SARL BGS ainsi qu'un plan partiel de l'immeuble après travaux, ces seuls documents, parfois insuffisamment détaillés ou peu exploitables, ne permettent pas d'appréhender précisément la nature, la consistance et l'étendue des travaux intervenus au rez-de-chaussée telles qu'alléguées par la SCI WPI, et ceci pour chacun des six éléments de second œuvre énumérés à l'article 245 A précité appréhendés un par un, isolément, alors que le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait valoir, sans être contesté, l'absence de document d'ensemble, tel qu'un permis de construire ou une étude d'architecte, l'absence de plusieurs devis et factures, le caractère incomplet, insuffisamment détaillé ou incohérent de certaines factures produites, ou encore la nécessité de certains travaux - dont il n'est pourtant pas fait état - dans le cadre d'une telle opération, et qu'au surplus, ces insuffisances peuvent être rapportées à l'ampleur des réagencements effectués et des montants très élevés des travaux réalisés.

8. Dans ces conditions, faute notamment d'éléments que la société était seule en mesure d'apporter et ne sauraient être réclamés qu'à elle permettant d'appréhender pour chaque élément de second œuvre la situation avant et après travaux, il ne résulte pas de l'instruction que la proportion de remise à neuf d'au moins deux tiers de chacun des éléments en cause, au sens du d) du 2° du 2. de l'article 257 du code général des impôts, ne serait pas atteinte. Par suite, la SCI WPI n'est pas fondée à soutenir, sur le terrain de la loi pas plus que sur celui de la doctrine, à supposer même que les commentaires administratifs publiés au BOFiP sous la référence

BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 qui ne font pas une interprétation différente de la loi fiscale soient invoqués sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, que c'est à tort que l'administration a mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions précitées.

9. Par ailleurs, la circonstance que la SARL BGS, qui a réalisé les travaux, a appliqué à l'ensemble de ses factures, pour la réalisation des travaux d'aménagement des locaux, un taux de taxe sur la valeur ajoutée réduit de 5,5 % qui n'aurait pas été remis en cause par l'administration fiscale en dépit du contrôle fiscal dont elle aurait fait l'objet, est sans incidence sur le bien-fondé des rappels mis à la charge de la SCI WPI. Il en va de même de la circonstance que le notaire, rédacteur des actes, a soumis, sans contestation de l'administration fiscale, les ventes aux droits d'enregistrement prévus à l'article 1594 D du code général des impôts et non à la taxe sur la valeur ajoutée, une telle circonstance ouvrant seulement droit à la société, si elle s'y croit fondée, à demander le remboursement ou la remise gracieuse des droits alors indûment acquittés. Ces circonstances ne sauraient, par ailleurs, être regardées comme des prises de position formelles au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, ainsi que les premiers juges l'ont relevé. Il n'en résulte, enfin, aucune différence de traitement entre personnes placées dans une même situation, tel n'étant pas le cas des SARL BGS, qui a la qualité d'entreprise de travaux publics, et SCI WPI, qui a la qualité de propriétaire de l'immeuble, de sorte que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi fiscale ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que la SCI WPI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à ce que la cour " dise opposable " à ses associés la décharge à intervenir ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, et en tout état de cause, qu'être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI WPI est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) WPI et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bresse, président de chambre,

Mme Bonfils, première conseillère,

Mme Deroc, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.

La rapporteure,

M. DerocLe président,

P. BresseLa greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE01867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01867
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : LOISEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-07-05;20ve01867 ?
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