Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2020 du préfet de l'Essonne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la période de réexamen.
Par un jugement n° 2001314 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2020, M. B..., représenté par Me Cukier, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, " salarié " dans le délai d'un mois ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et, dans cette attente, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, dans la mesure où il n'a pas été mis en mesure de connaître le sens des conclusions du rapporteur dans un délai raisonnable avant l'audience ;
- il est également irrégulier en ce que les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés, d'une part, de l'erreur de droit au regard de l'article R. 5221-20 du code du travail et, d'autre part, du défaut d'examen particulier de sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour est entachée d'incompétence, en l'absence de délégation de signature régulière ;
- elle est entachée d'erreur de droit au regard du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 5221-2 et R. 5221-17 du code du travail alors qu'il a déposé une demande d'autorisation de travail, pour laquelle aucune décision administrative n'a été prise, à l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité de salarié ; le préfet a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence au regard de l'article R. 5221-17 du code du travail ;
- le préfet a méconnu le champ d'application de la loi en suivant l'avis de la DIRECCTE d'Ile-de-France et en faisant application des articles R. 5221-34 et R. 5221-36 du code du travail alors qu'il s'agissait d'une nouvelle demande d'autorisation de travail, laquelle doit être instruite au regard des dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail, et non d'une demande de renouvellement d'une telle autorisation ;
- sa première demande d'autorisation de travail était réelle et sincère et, en tout état de cause, sans incidence sur l'appréciation de sa nouvelle demande d'autorisation de travail ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard des critères mis en œuvre et des motifs retenus ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire, fixant le délai de départ volontaire et celle fixant le pays de destination sont illégales à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- ces décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant bangladais né le 15 juin 1992, entré en France en mars 2012 selon ses déclarations, a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " salarié " valable du 25 juin 2018 au 24 juin 2019 délivré sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avant de solliciter la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant état d'un changement d'employeur. Par un arrêté du 13 janvier 2020, le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. B... fait appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort de l'examen du jugement contesté que le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. B..., lequel a été régulièrement soulevé et visé par les premiers juges et n'était pas inopérant, n'a pas été examiné. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre branche du moyen d'omission à statuer, ni l'autre moyen d'irrégularité soulevé par l'appelant, le jugement attaqué, qui est entaché d'une omission à statuer, doit être annulé.
3. Par conséquent, il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur l'ensemble des conclusions et moyens présentés par M. B... tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Versailles.
Sur l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
4. Par un arrêté n° 2019-PREF-DCPPAT-BCA-177 du 2 octobre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n°112 de la préfecture de l'Essonne du même jour et disponible sur le site internet de la préfecture, le directeur de l'immigration et de l'intégration a régulièrement reçu délégation du préfet de l'Essonne pour signer l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté en tant qu'il manque en fait.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". / La carte de séjour est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. (...) ". L'article L. 5221-2 du code du travail dispose : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail dans sa version applicable au litige : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : / (...) 8° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) / Elle autorise à exercer une activité professionnelle salariée dans le respect des termes de l'autorisation de travail accordée. (...) ". L'article R. 5221-17 du même code, dans sa version applicable, précise : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-32 du même code : " Le renouvellement d'une autorisation de travail (...) est sollicité dans le courant des deux mois précédant son expiration. (...) ". En vertu de l'article R. 5221-34 du même code : " Le renouvellement d'une des autorisations de travail mentionnées aux articles R. 5221-32 et R. 5221-33 peut être refusé en cas de non-respect des termes de l'autorisation par l'étranger (...) 2° Des conditions d'emploi, de rémunération ou de logement fixées par cette autorisation. ". Enfin, l'article R. 5221-36 de ce code dispose : " Le premier renouvellement peut également être refusé lorsque le contrat de travail a été rompu dans les douze mois suivant l'embauche sauf en cas de privation involontaire d'emploi ".
6. Il est constant que M. B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, portant la mention " salarié ", sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant valoir un changement d'employeur. Il ressort de l'arrêté en litige, comme des courriers des 5 et 16 juillet 2019 et du 17 octobre 2019, que le préfet a saisi la DIRECCTE d'Ile-de-France pour l'instruction de cette demande dans le cadre d'une nouvelle demande conformément aux dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail, lequel fixe les éléments d'appréciation que le préfet doit prendre en compte pour accorder ou refuser une autorisation de travail, et dont au demeurant le requérant réclame l'application. Toutefois, cette saisine s'inscrivait en réalité dans le cadre d'un renouvellement de titre de séjour et elle ne pouvait dispenser les autorités compétentes d'examiner par ailleurs le respect, par l'intéressé, des conditions de la première autorisation de travail qui lui avait été accordée. A cet égard, il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que M. B... a démissionné de l'emploi qu'il occupait dans le cadre de sa première autorisation de travail en juin 2018, soit dans le délai de douze mois suivant la délivrance de cette autorisation, et a ensuite exercé deux autres emplois, sans que l'intéressé n'établisse qu'il aurait disposé d'une autorisation de travail pour ce faire. Ainsi, nonobstant l'erreur de fait quant à la durée pendant laquelle M. B... a occupé un emploi chez son premier employeur, la société Otchick'n, et indépendamment même du caractère réel et sincère de cette première demande, le préfet de l'Essonne a pu, sans commettre d'erreur de droit, refuser au requérant le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au seul motif du non-respect des dispositions des articles R. 5221-34 et R. 5221-36 du code du travail, dont il n'a pas méconnu le champ d'application.
7. Il résulte des dispositions des articles R. 5221-3 et R. 5221-17 du code du travail qu'en refusant à M. B... le renouvellement d'un titre de séjour, mention salarié, le préfet de l'Essonne a nécessairement refusé à l'intéressé la délivrance d'une autorisation de travail. Par suite, l'autorité préfectorale n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
9. D'une part, il résulte des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Essonne s'est fondé sur le fait que M. B... avait démissionné de l'emploi pour lequel il s'était vu délivrer une autorisation de travail et avait à deux reprises changé d'employeurs sans déposer de demande en ce sens. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a exercé des emplois dans la restauration en contrats à durée indéterminée pour une durée cumulée toutefois inférieure à deux ans à la date de la décision attaquée, et de manière discontinue dès lors que l'intéressé n'atteste pas d'une rémunération continue au titre de la période au cours de laquelle il était embauché. D'autre part, M. B..., qui ne justifie pas de sa date d'arrivée sur le territoire, ne conteste pas ne pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à, au moins, l'âge de dix-neuf ans. Par ailleurs, il est célibataire et sans enfant. En outre, en dehors d'un niveau en langue française A1, l'intéressé ne justifie d'aucune insertion particulière en France. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'admission au séjour en France du requérant répondrait à des conditions humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, et alors qu'il n'était saisi d'aucune demande en ce sens, en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité, le préfet de l'Essonne n'a ni méconnu ces dispositions, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces mêmes dispositions.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté en litige, lequel mentionne de manière précise et circonstanciée la situation professionnelle, personnelle et familiale de l'intéressé, que le préfet de l'Essonne a procédé à un examen suffisant de la situation de M. B....
En ce qui concerne la légalité des autres décisions :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français, celle fixant le délai de départ volontaire et celle fixant le pays de destination seraient illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
12. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs de fait que ceux évoqués au point 9., la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de M. B... à mener une vie familiale normale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elles ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation, ni d'erreur manifeste au regard de l'appréciation de leurs conséquences sur la situation de l'intéressé.
13. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, de méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... sont dépourvus de toute précision permettant d'en apprécier le
bien-fondé. Par suite, et en tout état de cause, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour portant la mention " salarié ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction doivent être rejetées, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2001314 du tribunal administratif de Versailles du 19 juin 2020 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. B... et sa demande de première instance sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bresse, président de chambre,
Mme Bonfils, première conseillère,
Mme Deroc, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.
La rapporteure,
M.-G. C...Le président,
P. Bresse La greffière,
C. Fourteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
2
N° 20VE01822