Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 11 octobre 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société Sepur, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 29 mars 2016 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé la société Sepur à le licencier pour motif disciplinaire.
Par un jugement n° 1608424 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 11 octobre 2016.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 février 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 12 novembre 2021, la société Sepur, représentée par Me Courpied-Baratelli, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A... B... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas suffisamment motivé ;
- le jugement est entaché d'une contradiction interne ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les faits reprochés à M. A... B... n'étaient pas tous matériellement établis et qu'ils n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement pour faute de l'intéressé ;
- les autres moyens soulevés par l'intimé en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 5 novembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Metin, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 300 euros soit mise à la charge de la société Sepur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas présenté d'observations.
Par ordonnance du président de la chambre du 20 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 novembre 2021 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,
- et les observations de Me Baratelli pour la société Sepur.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., agent de maintenance affecté à l'établissement de la société Sepur de Conflans-Sainte-Honorine, délégué du personnel titulaire et représentant syndical au comité d'entreprise, s'est vu notamment reprocher par la direction de l'entreprise, d'avoir, le 21 janvier 2016 en fin de matinée, mis en joue les personnes présentes dans le bureau des chefs d'équipe au moyen d'une arme. Par lettre du 3 février 2016, la société a demandé à l'inspectrice du travail l'autorisation de licencier M. A... B... pour faute grave. Par décision du 29 mars 2016, l'inspectrice du travail a refusé de délivrer l'autorisation de procéder au licenciement. Toutefois, par décision du 11 octobre 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, après avoir retiré sa décision de rejet implicite du recours hiérarchique de l'entreprise, a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a autorisé le licenciement de M. A... B... pour motif disciplinaire. Par la présente requête, la société Sepur relève appel du jugement du 13 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, sur la demande du salarié, annulé la décision du 11 octobre 2016 du ministre du travail.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient la société Sepur, il ne ressort pas des termes du jugement attaqué que les premiers juges auraient, pour annuler la décision du 11 octobre 2016, accueilli le moyen tiré de ce que le licenciement pour faute de M. A... B... serait en lien avec les mandats détenus par ce dernier. Il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Versailles serait entaché d'irrégularité en l'absence de toute motivation d'un lien entre les mandats et le licenciement envisagé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'aux termes de sa décision du 11 octobre 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a considéré que les faits reprochés par la société Sepur à M. A... B... tenant à ce que ce dernier, le 21 janvier 2016, a " été en possession, dans l'enceinte de l'entreprise, d'une arme à feu, a priori une mitraillette, dont on ne sait réellement si elle était factice ou non " et est " entré dans le bureau des chefs d'équipe et [a] mis en joue les personnes présentes en imitant le bruit de l'arme ", étaient matériellement établis et constituaient une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement disciplinaire du salarié. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... exerçait, lors de la journée du 21 janvier 2016, ses fonctions représentatives et qu'ainsi les faits litigieux ont été commis en-dehors de l'exécution de son contrat de travail.
5. S'agissant du premier grief, M. A... B... a fait valoir, dès son entretien préalable et son audition par le comité d'entreprise, qu'il ne pouvait y avoir de doutes sur le fait que l'arme à feu en question était un jouet, trouvé lors d'une tournée des encombrants du jour même et qui lui avait été donné par un collègue, et qu'il ne pouvait être confondu avec une vraie arme. Celle allégation de M. A... B... est corroborée par la plupart des salariés entendus par l'inspectrice du travail dans le cadre de l'enquête contradictoire. Il suit de là que la société est seulement fondée à reprocher au salarié d'avoir été en possession dans l'enceinte de l'entreprise, d'une arme factice.
6. S'agissant du second grief soulevé au soutien de la demande d'autorisation de licenciement, fondé, ainsi qu'il a été dit, sur la seule circonstance que M. A... B... est entré " dans le bureau des chefs d'équipe " et a mis en joue les personnes présentes, la société n'apporte pas d'élément suffisant pour apprécier le comportement de l'intéressé lorsqu'il a pénétré dans le bureau concerné, M. D..., agent de maîtrise présent dans ce bureau, se bornant à attester qu'il a vu M. A... B... faire " semblant de tirer sur le personnel présent derrière le comptoir ", sans pour autant avoir été en mesure d'entendre ce qu'il disait en raison du bruit ambiant et sans non plus mentionner, contrairement aux termes de la demande d'autorisation de licenciement, que l'intéressé aurait " imité le bruit d'une arme ". Dans ses écritures devant le juge de l'excès de pouvoir, la société Sepur relève aussi, ainsi que le chef d'agence l'a déclaré lors de son dépôt de plainte du 21 janvier 2016, que deux employées ont déclaré que M. A... B... était entré dans le " bureau des missions ", qui est distinct du bureau des chefs d'équipe, " avec une mitraillette en plastique " où il avait " mis en joue les personnes " présentes et " fait mine de tirer sur elles ". Outre que ce grief n'était pas explicitement avancé par la société au soutien de sa demande d'autorisation, fondée sur le seul comportement de M. A... B... dans le bureau des chefs d'équipe, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que l'une des deux salariées concernées a déclaré que l'arme était manifestement factice et qu'elle n'avait pas éprouvé de peur et que l'autre, bien qu'elle ait affirmé avoir eu peur, a toutefois continué à travailler en ignorant M. A... B..., dont il ressort suffisamment des pièces du dossier, ainsi que la juge d'instruction du tribunal judiciaire de Versailles l'a relevé dans son ordonnance de non-lieu du 22 avril 2020, qu'il n'a jamais fait preuve d'un comportement violent ou menaçant et était connu pour sa propension à " faire des blagues ", y compris à l'égard des deux salariées concernées, qui ont du reste indiqué lors de l'enquête contradictoire n'avoir porté plainte contre M. A... B... que sur ordre de leur direction. Si la société Sepur relève également que l'une des salariées a été placée en arrêt de travail après avoir fait une déclaration d'accident du travail, dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie, il ressort des pièces du dossier que ces circonstances ne résultent pas, en premier lieu, du comportement de M. A... B... mais de causes extérieures à l'entreprise.
7. Eu égard à ce qui précède et à la matérialité des griefs susceptibles d'être reprochés à M. A... B..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement de ce dernier, aussi regrettable fût-il notamment au regard du contexte résultant des attentats du 13 novembre 2015, puisse être regardé comme caractérisant une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations contractuelles d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement pour faute. Il suit de là que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a entaché sa décision du 11 octobre 2016 d'une erreur d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sepur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 11 octobre 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé le licenciement de M. A... B....
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... B... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Sepur demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. A... B... au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Sépur est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sepur, à M. E... B... et à la ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
M. Coudert, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.
Le rapporteur
B. C...Le président,
S. BROTONSLa greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 19VE00502 2