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30/06/2022 | FRANCE | N°21VE03364

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 30 juin 2022, 21VE03364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par une ordonnance n° 2108340 du 17 novembre 2021, la magistrate désignée par la présidente de ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 16 décembre 2021 et 10 juin 2022, M. B..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par une ordonnance n° 2108340 du 17 novembre 2021, la magistrate désignée par la présidente de ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 16 décembre 2021 et 10 juin 2022, M. B..., représenté par Me Dahi, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, dans cette attente, de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dahi de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'énonce l'ordonnance attaquée, sa demande de première instance n'était pas tardive dès lors que le délai de recours de quarante-huit heures alors prévu, pour les seules obligations de quitter le territoire français sans délai notifiées par voie administrative, au II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne lui était pas opposable, l'arrêté contesté lui ayant été notifié par voie postale ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'incompétence ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été convoqué à la séance tenue par la commission du titre de séjour le 24 novembre 2020, à l'occasion de laquelle son cas a été examiné ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en estimant, pour rejeter sa demande de renouvellement de son titre de séjour, que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public, le préfet de l'Essonne, qui ne pouvait à cet égard se fonder sur de simples signalements non suivis de condamnations pénales, a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'incompétence ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît le 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2022, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la demande présentée devant le tribunal administratif était tardive et, par suite, irrecevable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... ;

- et les observations de Me Dahi, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant kosovar né le 1er mars 1997 et déclarant être entré en France le 22 septembre 2010, alors âgé de treize ans et accompagné de sa famille, s'est vu délivrer, le 22 février 2016, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", régulièrement renouvelée jusqu'au 12 avril 2020. Alors que M. B... avait sollicité un nouveau renouvellement de son titre de séjour, le préfet de l'Essonne, suivant en cela l'avis défavorable émis par la commission du titre de séjour le 24 novembre 2020, a, par un arrêté du 22 février 2021, rejeté cette demande au motif que la présence de l'intéressé en France constituait une menace à l'ordre public, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler cet arrêté. Par une ordonnance n° 2108340 du 17 novembre 2021, dont M. B... relève appel, la magistrate désignée par la présidente de ce tribunal a rejeté sa demande, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, au motif qu'elle était tardive et, par suite, manifestement irrecevable.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant (...) ". Aux termes du II de l'article R. 776-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément (...) ". La notification par voie postale d'une obligation de quitter sans délai le territoire français, et non par voie administrative comme le prévoient les dispositions précitées, fait obstacle à ce que le délai de recours contentieux de quarante-huit heures que ces dispositions instituent soit opposable au destinataire.

3. D'autre part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. En l'espèce, il est constant que l'arrêté contesté du 22 février 2021 faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai lui a été notifié par voie postale, et non par voie administrative comme le prévoient les dispositions citées au point 3. Par suite, le délai de recours contentieux de quarante-huit heures que celles-ci instituent n'était pas opposable à l'intéressé, ni davantage le délai de trente jours applicable aux mesures d'éloignement assorties d'un délai de départ volontaire. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision contestée du 22 février 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles le 27 septembre 2021, soit antérieurement à l'expiration du délai raisonnable d'un an mentionné au point 4. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir qu'en rejetant pour tardiveté sa demande, la magistrate désignée par la présidente de ce tribunal a entaché l'ordonnance attaquée d'irrégularité. Cette ordonnance doit, dès lors, être annulée.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté contesté du 22 février 2021 :

6. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...). / L'étranger est convoqué par écrit au moins quinze jours avant la date de la réunion de la commission qui doit avoir lieu dans les trois mois qui suivent sa saisine ; il peut être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et être entendu avec l'assistance d'un interprète. L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, cette faculté étant mentionnée dans la convocation (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que, par l'arrêté contesté du 22 février 2021, le préfet de l'Essonne a rejeté la demande de M. B... tendant au renouvellement du titre de séjour après consultation de la commission du titre de séjour, qui avait émis un avis défavorable le 24 novembre 2020. Toutefois, alors que M. B... soutient qu'il n'a pas été convoqué devant la commission, le préfet ne justifie pas, malgré le supplément d'instruction diligenté en ce sens par la cour, de ce que le requérant aurait été régulièrement convoqué à cette réunion, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que le refus de titre de séjour est entaché d'un vice de procédure.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté du 22 février 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Eu égard au motif d'annulation énoncé au point 8, l'exécution du présent arrêt implique seulement que le réexamen de la situation de M. B.... Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Essonne de procéder à ce réexamen, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans cette attente, de mettre l'intéressé en possession d'une autorisation provisoire de séjour. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

10. En l'espèce, M. B... n'établit, ni même n'allègue, avoir sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour les besoins de la présente instance. Dès lors, ses conclusions tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme au profit de Me Dahi, alors que cette dernière ne peut ainsi solliciter l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2108340 rendue par la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles le 17 novembre 2021 est annulée.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Essonne en date du 22 février 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de procéder au réexamen de la situation de M. B..., dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans cette attente, de mettre l'intéressé en possession d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Dahi, au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Essonne.

Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président-assesseur,

M. Toutain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

Le rapporteur,

E. D...La présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

3

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N° 21VE03364


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03364
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : DAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-30;21ve03364 ?
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