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30/06/2022 | FRANCE | N°21VE02987

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 30 juin 2022, 21VE02987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- d'annuler la décision du 1er juillet 2015 par laquelle le maire de la commune de Colombes a décidé de le licencier à compter du 7 septembre 2015 et, à titre principal, d'enjoindre à la commune de Colombes de le titulariser à compter du 1er juillet 2014 ou, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Colombes à lui verser une indemnité d'un montant de 40 748,43 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégal

ité de son licenciement,

- de condamner la commune de Colombes à lui verser une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- d'annuler la décision du 1er juillet 2015 par laquelle le maire de la commune de Colombes a décidé de le licencier à compter du 7 septembre 2015 et, à titre principal, d'enjoindre à la commune de Colombes de le titulariser à compter du 1er juillet 2014 ou, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Colombes à lui verser une indemnité d'un montant de 40 748,43 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de son licenciement,

- de condamner la commune de Colombes à lui verser une indemnité d'un montant de 40 748,43 euros pour abus de pouvoir, résistance abusive dans la remise de documents, discrimination et non-respect de son obligation de reclassement, une indemnité d'un montant de 20 374,21 euros au titre de la discrimination syndicale dont il a fait l'objet, une indemnité d'un montant de 20 374,21 euros au titre du préjudice moral qu'il a subi en raison des conditions particulièrement brutales, traumatisantes et vexatoires dans lesquelles son dossier a été traité, la somme de 3 995,70 euros en conséquence de sa résistance abusive depuis la mise en demeure de produire qui lui a été adressée par le tribunal le 30 mai 2015,

- d'annuler la décision du 27 décembre 2016 par laquelle le maire de la commune de Colombes a refusé de reconnaître le traumatisme subi à compter du 7 juillet 2015 comme résultant d'un accident de service,

- de condamner la commune de Colombes à lui verser la somme de 10 526,67 euros au titre de salaires et primes dus entre le 7 juillet 2015 et le 10 décembre 2015 ainsi que 1 052,67 euros au titre des jours de congés payés y afférents,

- de mettre à la charge de la commune de Colombes les entiers dépens de l'instance et la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1508537 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la commune de Colombes à verser la somme de 5 000 euros à M. D... et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure initiale devant la cour :

M. D... a demandé à la cour d'annuler ce jugement, d'annuler la décision du 1er juillet 2015, de condamner la commune de Colombes à lui verser les indemnités demandées en première instance et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 18VE01578 du 12 novembre 2020, la cour a annulé l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 6 mars 2018 et la décision du maire de Colombes du 1er juillet 2015, a mis à la charge de la commune le versement à M. D... de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure d'exécution devant la cour :

Par une ordonnance du 8 novembre 2021, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a procédé à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'entière exécution de l'arrêt de la cour n° 18VE01578 du 12 novembre 2020.

Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement les 21 décembre 2021 et 26 janvier 2022, et par un mémoire récapitulatif du 29 mars 2022, M. D..., représenté par Me Chanlair, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'ordonner l'exécution pleine et entière de l'arrêt n° 18VE01578 du 12 novembre 2020, dont la reconstitution de carrière avec intégration de l'ancienneté acquise pour les périodes où il était contractuel ;

2°) d'annuler et réformer les décisions attaquées ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Colombes le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les sommes dues par la commune ont été versées tardivement, de sorte que les intérêts moratoires sont dus ;

- sa carrière doit être reconstituée ;

- il doit être titularisé au 1er janvier 2015, la durée du stage étant d'une année ;

- il doit bénéficier de la reprise de son ancienneté liée aux contrats dont il a bénéficié depuis 2004 ; il doit être tenu compte d'un déroulement de carrière avec une ancienneté minimale depuis son licenciement ; une astreinte de 500 euros par jour de retard doit être prononcée ; la reconstitution de carrière implique la reconstitution de ses droits sociaux ; en outre, il aurait dû bénéficier d'un avancement de grade, le juge devant mettre en œuvre ses pouvoirs d'instruction concernant les emplois de techniciens des trois grades à Colombes et l'emploi occupé par l'exposant à la date de son licenciement ;

- il n'a pas été affecté sur un emploi équivalent et doit dès lors être réintégré dans l'emploi de responsable du service technique du centre de supervision qu'il occupait à l'origine ;

- son régime indemnitaire lié à son affectation actuelle n'apparaît pas adapté, le juge devant mettre en œuvre ses pouvoirs d'instruction à cet égard.

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 janvier 2022 et 16 février 2022, la commune de Colombes conclut au non-lieu à statuer sur la requête de M. D....

Elle soutient qu'il a été procédé à l'exécution de l'arrêt n° 18VE01578 du 12 novembre 2020 par le versement des sommes dues à M. D... et par sa réintégration au sein des effectifs de la commune sur un poste équivalent correspondant à son grade et à son cadre d'emploi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code monétaire et financier ;

- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;

- le décret n° 2010-329 du 22 mars 2010 ;

- le décret n° 2010-1357 du 9 novembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".

2. Par un arrêt du 12 novembre 2020, statuant sur l'appel formé par M. D... contre le jugement du tribunal administratif de Versailles du 6 mars 2018, la cour a annulé la décision du maire de la commune de Colombes du 1er juillet 2015 portant licenciement de M. D..., jugé qu'en condamnant cette commune à verser à l'intéressé la somme de 5 000 euros, le tribunal administratif avait fait juste appréciation de ses préjudices et mis à la charge de la commune de Colombes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. D... demande à la cour d'assurer l'exécution de cet arrêt.

Sur l'exception de non-lieu opposée par la commune de Colombes :

3. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 14 janvier 2022, M. D... a été réintégré dans les effectifs du personnel communal à compter du 1er janvier 2022 et classé au 3ème échelon, indice brut 415, indice majoré 369, indice personnel 515, avec une ancienneté conservée de un mois et vingt-trois jours. Toutefois, en exécution de l'arrêt du 12 novembre 2020, M. D... devait être réintégré dans les effectifs de la commune à la date à laquelle il a été irrégulièrement licencié et la reconstitution de sa carrière devait être effectuée rétroactivement à compter de cette date. Par ailleurs, si la commune de Colombes fait état du versement à M. D... des sommes de 5 000 euros et 2 000 euros les 14 juin 2018 et 12 juillet 2021, il est constant que ces sommes n'ont pas été assorties d'intérêts. Ainsi, l'arrêt de la cour n'ayant été que partiellement exécuté, la commune de Colombes n'est pas fondée à soutenir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'exécution présentées par M. D....

Sur les conclusions à fin d'exécution présentées par M. D... :

En ce qui concerne les intérêts moratoires :

4. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal puis, en application des dispositions précitées, au taux majoré s'il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification.

5. En premier lieu, s'il résulte de l'instruction que la somme de 5 000 euros a été versée à M. D... par un mandat de paiement du 14 juin 2018 en exécution du jugement du tribunal administratif de Versailles du 6 mars 2018, la commune n'établit pas, ni même n'allègue avoir versé les intérêts moratoires dus sur cette somme. Par suite, le jugement ayant été notifié à la commune le 9 mars 2018, il y a lieu d'enjoindre à la commune de Colombes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de verser à M. D... les intérêts sur cette somme de 5 000 euros au taux légal du 6 mars 2018 au 9 mai 2018 et au taux légal majoré de cinq points du 10 mai 2018 au 14 juin 2018.

6. En second lieu, s'il résulte de l'instruction qu'une somme de 2 000 euros a été versée à M. D... par un mandat de paiement du 12 juillet 2021 en exécution de l'arrêt de la cour du 12 novembre 2020, la commune n'établit pas, ni même n'allègue avoir versé les intérêts moratoires dus sur cette somme. Par suite, cet arrêt ayant été notifié le 12 novembre 2020, il y a lieu d'enjoindre à la commune de Colombes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de verser à M. D... les intérêts sur cette somme de 2 000 euros au taux légal du 12 novembre 2020 au 12 janvier 2021 et au taux légal majoré de cinq points du 13 janvier 2021 au 12 juillet 2021.

En ce qui concerne la titularisation et la reconstitution de carrière :

7. En premier lieu, l'annulation de la décision du maire de Colombes du 1er juillet 2015 portant licenciement de M. D... à compter du 7 septembre 2015, par l'arrêt de la cour du 12 novembre 2020, impliquait sa réintégration et le réexamen de sa situation. Si l'administration a titularisé M. D... dans les effectifs du personnel communal à compter du 1er janvier 2022 l'exécution de cet arrêt impliquait sa titularisation à la date d'effet de son licenciement le 7 septembre 2015 et la reconstitution de sa carrière et ses droits sociaux à compter de cette date et non à compter du 1er janvier 2015, comme il le soutient. Par suite, il y a seulement lieu d'enjoindre à la commune de Colombes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de réintégrer M. D... à compter du 7 septembre 2015 et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux à compter de cette date.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. D..., qui a été nommé technicien territorial principal de 2ème classe stagiaire à compter du 31 décembre 2013, a occupé dans un premier temps l'emploi de responsable du service technique du centre de supervision. Ce poste ayant été supprimé par une délibération du conseil municipal de Colombes du 13 novembre 2014, M. D... a ensuite été affecté dans le service de la conduite d'opération de bâtiment à compter du 1er mars 2015 et a été licencié pour suppression de poste à compter du 7 septembre 2015.

9. L'exécution de l'arrêt de la cour n° 18VE01578 du 12 novembre 2020 annulant le licenciement de M. D... n'implique que sa réintégration dans un emploi de son grade, dans son cadre d'emploi et non, comme il le soutient, sa réintégration dans l'emploi de responsable du service technique du centre de supervision qu'il occupait avant le 1er mars 2015.

10. Enfin, M. D... soutient que la reconstitution de sa carrière doit prendre en compte une reprise d'ancienneté liée aux contrats de travail dont il a bénéficié depuis 2004 au sein de la collectivité ainsi que l'avancement de grade dont il aurait dû bénéficier. Il soutient également que le régime indemnitaire dont il bénéficie à la suite de sa réintégration dans les effectifs de la commune n'est pas adapté. Toutefois ces contestations, qui concernent les modalités de sa réintégration et de sa reconstitution de carrière, soulèvent des litiges distincts de celui concernant l'exécution de l'arrêt de la cour et doivent, par suite, être rejetées, sans qu'il y ait lieu de prescrire des mesures d'instruction.

Sur les conclusions de M. D... à fin d'annulation :

11. L'exécution de l'arrêt de la cour du 12 novembre 2020 n'implique l'annulation d'aucune décision.

12. Il résulte de tout ce qui précède qu'à la date de la présente décision, la commune de Colombes n'a pas pris les mesures propres à assurer l'entière exécution de l'arrêt du 12 novembre 2020. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au maire de la commune de Colombes, d'une part, de titulariser M. D... et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux à compter du 7 septembre 2015 et, d'autre part, de lui verser les intérêts moratoires sur les sommes de 5 000 euros et 2 000 euros conformément aux points 5 et 6 ci-dessus, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Il y a lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 50 euros par jour jusqu'à la date à laquelle l'arrêt précité aura reçu exécution.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Colombes le versement à M. D... de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est enjoint au maire de la commune de Colombes de titulariser M. D... et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux à compter du 7 septembre 2015, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Colombes de verser à M. D... les intérêts sur la somme de 5 000 euros au taux légal du 6 mars 2018 au 9 mai 2018 et au taux légal majoré du 10 mai 2018 au 14 juin 2018 et les intérêts sur la somme de 2 000 euros au taux légal du 12 novembre 2020 au 12 janvier 2021 et au taux légal majoré du 13 janvier 2021 au 12 juillet 2021, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Colombes, si elle ne justifie pas avoir, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, exécuté l'arrêt n° 18VE01578 du 12 novembre 2020 et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 50 euros par jour, à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le maire de Colombes communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l'arrêt n° 18VE01578 du 12 novembre 2020.

Article 5 : La commune de Colombes versera la somme de 2 000 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 7 : le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la commune de Colombes.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

M. Toutain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

Le rapporteur,

G. C... La présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE02987 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02987
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

54-06-07 Procédure. - Jugements. - Exécution des jugements.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : MPC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-30;21ve02987 ?
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