Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... Prod'homme a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel le maire de Lorris l'a radiée des cadres pour abandon de poste, ainsi que la décision du 5 juillet 2019 par laquelle le recours gracieux qu'elle avait formé contre cet arrêté a été rejeté, d'enjoindre à la commune de Lorris de la réintégrer dans ses fonctions et de mettre à la charge de cette commune le versement à Me Arvis de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1904557 du 13 octobre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 14 décembre 2020 et 10 juin 2022, Mme Prod'homme, représentée par Me Arvis, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre à la commune de Lorris de la réintégrer dans ses fonctions, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de cette commune le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'expose pas les motifs pour lesquels le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté du 29 mai 2019 est entaché de détournement de pouvoir dans la mesure où il constitue une sanction disciplinaire déguisée ;
- le jugement attaqué est d'entaché d'erreurs de droit ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, elle n'a pas été régulièrement mise en demeure de reprendre ses fonctions dès lors que le poste sur lequel elle a été affectée, qui n'était pas aménagé conformément aux préconisations formulées par l'expertise médicale du 12 avril 2019, l'aurait conduite à travailler sous l'autorité directe de la directrice générale des services, avec laquelle elle avait précisément rencontré des difficultés relationnelles à l'origine de ses troubles de santé, et n'était donc pas adapté à son état, circonstances dont elle a expressément fait part à la commune par courrier du 24 mai 2019 en sollicitant le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
- la commune l'ayant ainsi mise dans l'impossibilité de reprendre ses fonctions, elle ne peut être regardée comme ayant entendu rompre tout lien avec le service, de sorte que l'abandon de poste n'est pas caractérisé en l'espèce ;
- dès lors qu'elle était fondée, pour les motifs précédemment exposés, à se prévaloir de son droit au retrait, en application de l'article 5-1 du décret du 10 juin 1985, la commune ne pouvait la radier des cadres pour abandon de poste sans commettre d'erreur de droit ;
- l'arrêté contesté du 29 mai 2019 est entaché de détournement de pouvoir dans la mesure où il constitue une sanction disciplinaire déguisée ;
- la mise en demeure qui lui a été notifiée ne précisait pas que la radiation des cadres pour abandon de poste impliquerait l'absence de droit au chômage ; en outre, le délai fixé par la mise en demeure n'était pas approprié ;
- en prononçant, par l'arrêté contesté du 29 mai 2019, sa radiation des cadres pour abandon de poste, au lieu de diligenter une procédure de licenciement en application l'article 17 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987, le maire de Lorris a entaché sa décision d'une erreur de droit et commis un détournement de procédure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2021, la commune de Lorris, représentée par Me Rainaud, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme Prod'homme le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une décision du 31 mai 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles a accordé à Mme Prod'homme l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Lesueur, substituant Me Arvis, pour Mme Prod'homme, et celles de Me Halle, substituant Me Rainaud, pour la commune de Lorris.
Considérant ce qui suit :
1. Mme Prod'homme, rédactrice territoriale titulaire de la commune de Lorris, affectée depuis 2015 sur le poste de responsable des services scolaires a été placée, à plusieurs reprises, en congés de maladie, notamment, du 6 octobre 2016 au 30 juin 2017, puis a repris ses fonctions, à mi-temps thérapeutique, à compter du 1er juillet 2017, sur un emploi en service administratif, sous l'autorité directe de la nouvelle directrice générale des services de la commune. A la suite d'un incident survenu avec cette dernière le 5 septembre 2017, Mme Prod'homme a, de nouveau, été placée en congés de maladie, du 8 septembre 2017 au 30 septembre 2018, puis en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 1er octobre 2018. Par un courrier du 27 mars 2019, Mme Prod'homme a demandé à être réintégrée à compter du 1er avril suivant. Après avis du comité médical départemental du 25 avril 2019 la reconnaissant apte à reprendre ses fonctions à compter du 15 mai 2019, le maire de Lorris, par un courrier du 15 mai 2019, a invité l'intéressée à reprendre son activité le 22 mai 2019. Mme Prod'homme n'a toutefois pas rejoint le nouveau poste de " responsable des archives et renfort du service accueil " auquel elle avait été affectée mais a informé le maire, par un courriel et une lettre du 24 mai 2019, qu'elle entendait mettre en œuvre son droit de retrait. Entre temps, le maire, par un courrier du 22 mai 2019, reçu le 27 mai suivant, a mis Mme Prod'homme en demeure de justifier de son absence ou, à défaut, de rejoindre son poste le 29 mai 2019. A défaut pour l'intéressée d'y avoir déféré, le maire, par un arrêté du 29 mai 2019, l'a radiée des cadres pour abandon de poste. Le recours gracieux formé par Mme Prod'homme contre cet arrêté, le 1er juin 2019, a été rejeté par une décision du 5 juillet 2019. Mme Prod'homme a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019, ainsi que cette dernière décision, et d'enjoindre à la commune de Lorris de la réintégrer dans ses fonctions. Par un jugement du 13 octobre 2020, dont Mme Prod'homme relève appel, ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En l'espèce, contrairement à ce que soutient Mme Prod'homme, le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen tiré du détournement de pouvoir en énonçant qu'il n'était pas établi.
3. En second lieu, si Mme Prod'homme soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit, un tel moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, n'est pas de nature à affecter la régularité de ce jugement. Il doit, dès lors, être écarté.
Sur la légalité des décisions contestées :
4. D'une part, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
5. D'autre part, l'agent qui se trouve en position de congé de maladie est regardé comme n'ayant pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, il ne peut en principe faire l'objet d'une mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer, dans les conditions définies au point 4, son licenciement pour abandon de poste. Il en va toutefois différemment lorsque l'agent, reconnu apte à reprendre ses fonctions par le comité médical départemental, se borne, pour justifier sa non présentation ou l'absence de reprise de son service, à produire un certificat médical prescrivant un nouvel arrêt de travail sans apporter, sur l'état de santé de l'intéressé, d'éléments nouveaux par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical.
6. Enfin, aux termes de l'article 5-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Si un agent a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ou s'il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, il en avise immédiatement son supérieur hiérarchique. / (...) L'autorité territoriale ne peut demander à l'agent de reprendre son activité dans une situation de travail présentant un danger grave et imminent (...) ".
7. En premier lieu, il est constant, ainsi qu'il a été exposé au point 1, que Mme Prod'homme, après avoir été reconnue apte à reprendre ses fonctions par le comité médical dans son avis rendu le 25 avril 2019, a été invitée, par le courrier que le maire de Lorris lui a adressé le 15 mai 2019, à rejoindre son poste le 22 mai 2019 à 9h00. Si l'intéressée, qui n'a reçu ce courrier que le jour même de la reprise ainsi envisagée, n'a pu reprendre son activité à cette date, il ressort des pièces du dossier que, par un nouveau courrier du 22 mai 2019, reçu le 27 mai suivant, le maire a mis Mme Prod'homme en demeure de justifier de son absence ou, à défaut, de rejoindre son poste le 29 mai 2019 à 9h00. Compte tenu de sa date de réception par la requérante, cette mise en demeure a ainsi laissé à l'intéressée, informée depuis le 22 mai de sa réintégration, un délai approprié pour reprendre ses fonctions. Par ailleurs, cette mise en demeure informait également l'intéressée, conformément aux principes rappelés au point 4, qu'à défaut d'y déférer, elle courait le risque d'être radiée des cadres pour abandon de poste, sans procédure disciplinaire préalable. Enfin, contrairement à ce que soutient Mme Prod'homme, aucun texte ni aucun principe n'imposait que la commune l'informât, dans ces courriers, des conséquences d'une telle mesure quant au droit aux allocations de chômage. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le maire de Lorris ne l'aurait pas régulièrement mise en demeure de rejoindre son poste avant de prononcer, par l'arrêté contesté du 29 mai 2019, sa radiation des cadres pour abandon de poste.
8. En deuxième lieu, pour contester l'existence d'une situation d'abandon de poste, Mme Prod'homme soutient qu'en l'affectant, à compter du 22 mai 2019, sur l'emploi de " responsable des archives et renfort du service accueil " placé sous l'autorité hiérarchique directe de la directrice générale des services, alors que, le 5 septembre 2017, elle avait eu avec cette dernière une altercation verbale, à laquelle seraient imputables les difficultés de santé qu'elle a ensuite rencontrées, la commune de Lorris l'aurait nommée sur un emploi incompatible avec son état de santé et, par suite, placée dans l'impossibilité de reprendre ses fonctions. Elle ajoute que cette circonstance justifiait qu'elle ait alors fait valoir, par un courriel et une lettre du 24 mai 2019, son droit de retrait, en application des dispositions précitées de l'article 5-1 du décret du 10 juin 1985. Toutefois, si les pièces produites par la requérante et, notamment, les rapports d'expertise médicale établis par les docteurs A..., Marsaudon et Duriot, respectivement les 12 avril, 22 avril et 5 juillet 2019, font état de ce que l'affection dont a souffert l'intéressée postérieurement au 5 septembre 2017, serait imputable au service, il est constant que cette dernière, à la suite de sa demande de réintégration du 27 mars 2019, a été reconnue, par l'avis du comité médical du 25 avril 2019, apte à la reprise de ses fonctions à partir du 15 mai suivant, sans que cet organisme émette de réserve ou préconise un aménagement de poste. Par ailleurs, il ne ressort d'aucun des documents versés aux débats et notamment pas du rapport établi par le docteur A... le 12 avril 2019 que la compatibilité entre la santé de Mme Prod'homme et le poste auquel elle se trouvait affectée, postérieurement au 15 mai 2019, aurait été médicalement subordonnée à la condition que l'intéressée ne soit pas placée sous l'autorité directe de la directrice générale des services de cette commune. Dans ces conditions, la requérante n'établit pas qu'en l'affectant, à compter du 22 mai 2019, sur le nouveau poste de " responsable des archives et renfort du service accueil ", la commune de Lorris l'aurait empêchée de reprendre ses fonctions, ni davantage que cette affectation l'aurait exposée à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, de la nature de ceux justifiant l'exercice du droit de retrait prévu par les dispositions précitées de l'article 5-1 du décret du 10 juin 1985. Il en résulte que Mme Prod'homme doit être regardée comme n'ayant plus été en situation d'absence régulière depuis le 22 mai 2019. Or l'intéressée, bien que régulièrement mise en demeure de reprendre ses fonctions dans les conditions rappelées au point 7, n'a ni rejoint son poste ni fourni d'autre justification, d'ordre matériel ou médical, de nature à expliquer son absence, avant l'expiration du délai lui ayant été imparti pour ce faire par la commune de Lorris. Dès lors, le maire de Lorris a pu, à juste titre, estimer que le lien avec le service avait été rompu du fait de la requérante et, par suite, prononcer, par l'arrêté contesté du 29 mai 2019, sa radiation des cadres pour abandon de poste.
9. En troisième lieu, le licenciement d'un agent territorial titulaire, dans le cas prévu à l'article 17 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987, d'une part, et la radiation d'un tel agent des effectifs de la collectivité qui l'emploie en cas d'abandon de poste, d'autre part, constituent deux décisions d'éviction distinctes, dont la légalité est subordonnée au respect de conditions procédurales et de fond propres à chacune d'elles. Dès lors, la circonstance qu'un agent territorial titulaire serait susceptible d'être licencié, par application des dispositions susmentionnées du décret du 30 juillet 1987, ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la collectivité qui l'emploie puisse, par ailleurs, légalement prononcer, dès lors que l'ensemble des conditions requises pour se faire sont réunies, sa radiation des effectifs pour abandon de poste. Ainsi, et en l'espèce, Mme Prod'homme n'est pas fondée à soutenir qu'en prononçant, par l'arrêté contesté du 29 mai 2019, sa radiation des cadres pour abandon de poste, au lieu de diligenter une procédure de licenciement par application des dispositions susmentionnées du décret du 30 juillet 1987, le maire de Lorris aurait entaché sa décision d'une erreur de droit et commis un détournement de procédure.
10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté du 29 mai 2019 prononçant la radiation des cadres de Mme Prod'homme pour abandon de poste, mesure qui est légalement justifiée pour les motifs exposés au point 8, serait entaché de détournement de pouvoir dans la mesure où il constituerait, selon l'intéressée, une sanction disciplinaire déguisée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme Prod'homme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées par la requérante aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Lorris sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme Prod'homme est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lorris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... Prod'homme et à la commune de Lorris.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président-assesseur,
M. Toutain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2022.
Le rapporteur,
E. C...La présidente,
C. SIGNERIN-ICRELa greffière,
M. B...La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 20VE03243 2