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30/06/2022 | FRANCE | N°20VE00062

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 30 juin 2022, 20VE00062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision de la présidente de l'université Paris-Sud du 5 avril 2017 rejetant sa demande de contre-correction de ses copies d'examen du premier semestre de master 1 " Biologie santé plateforme Microbiologie ", d'enjoindre à la présidente de l'université de procéder à une nouvelle correction de toutes ses copies d'examen, de ses exposés et de son rapport de stage et de lui communiquer une date afin qu'il compose à nouveau ses exam

ens du premier semestre de l'année universitaire 2016/2017, à l'exception ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision de la présidente de l'université Paris-Sud du 5 avril 2017 rejetant sa demande de contre-correction de ses copies d'examen du premier semestre de master 1 " Biologie santé plateforme Microbiologie ", d'enjoindre à la présidente de l'université de procéder à une nouvelle correction de toutes ses copies d'examen, de ses exposés et de son rapport de stage et de lui communiquer une date afin qu'il compose à nouveau ses examens du premier semestre de l'année universitaire 2016/2017, à l'exception de l'unité élémentaire d'anglais, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de condamner l'université à lui verser la somme de 26 000 euros en réparation de ses préjudices et de mettre à la charge de l'université la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1704400 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement, les 7 janvier 2020, 30 septembre 2020 et 10 novembre 2021 M. A..., représenté par Me Akuesson, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, avant-dire droit, de désigner un expert chargé d'évaluer ses préjudices ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement ;

3°) de condamner l'université Paris-Sud à lui verser la somme de 17 000 euros en réparation de la perte de chance sérieuse d'obtenir son diplôme et les sommes de 4 000 euros et 5 000 euros en réparation de ses préjudices moraux ;

4°) de mettre à la charge de l'université le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité de l'université est engagée en raison de la rupture d'égalité entre étudiants dont il a été victime en méconnaissance de l'article L. 111-1 du code de l'éducation et de la discrimination qu'il a subie du fait de sa condition sociale, en méconnaissance de l'article 4 de la loi du 27 mai 2008 ;

- le tribunal administratif a inversé la charge de la preuve ;

- l'université a méconnu son obligation d'information sur l'organisation des activités pédagogiques ;

- une bourse sur critères sociaux lui a été refusée à tort ;

- un refus de réinscription en master 1 lui a été opposé à tort ;

- il a été privé d'une chance sérieuse d'obtenir son diplôme de master 1 et a subi un préjudice s'élevant à la somme de 17 000 euros ;

- il a droit à être indemnisé du préjudice moral qu'il a subi au titre de la discrimination dont il a fait l'objet à hauteur de 4 000 euros et au titre du traumatisme psychologique à hauteur de 5 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés respectivement les 22 juillet 2020 et 15 février 2022, l'université Paris-Saclay, représentée par Me Ramel, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'expertise est inutile et que les moyens de la requête de M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

M. A... a été admis au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 27 mars 2020.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- les observations de Me Akuesson, pour M. A..., et celles de Me Chevandier, pour l'université Paris-Saclay.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., inscrit en première année de master " biologie-santé plateforme microbiologie " à l'université Paris-Sud au titre de l'année universitaire 2016/2017, a exercé un recours gracieux pour contester les résultats qu'il avait obtenus au premier semestre et solliciter une nouvelle correction de ses copies d'examen. Un refus lui a opposé par la présidente de l'université le 5 avril 2017. Le 18 avril 2017, l'intéressé a formé devant le ministre de l'éducation nationale un recours hiérarchique, qui a été implicitement rejeté. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 7 novembre 2019 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de l'université Paris-Sud à lui verser la somme totale de 26 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des fautes commises par cet établissement à son égard.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. A... soutient que le jugement attaqué a inversé la charge de preuve, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, n'est pas de nature à affecter la régularité de ce jugement. Il doit, par suite, être écarté.

Sur la responsabilité de l'université :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation alors applicable : " L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative. Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d'apprendre et de progresser. Il veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction. Il veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d'enseignement. (...) Dans l'exercice de leurs fonctions, les personnels mettent en œuvre ces valeurs. / Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté. / Pour garantir ce droit dans le respect de l'égalité des chances, des aides sont attribuées aux élèves et aux étudiants selon leurs ressources et leurs mérites. La répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique, territoriale et sociale (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 2 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Sans préjudice de l'application des autres règles assurant le respect du principe d'égalité : (...) 3° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur un motif mentionné à l'article 1er est interdite en matière (...) d'éducation (...) ". Et aux termes de l'article 4 de la même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles (...) ".

5. Il appartient au requérant qui soutient qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer du sérieux de ses allégations. Lorsqu'il apporte à l'appui de son argumentation des éléments précis et concordants, il incombe à l'administration de produire tous les éléments permettant d'établir que la mesure contestée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

6. M. A... soutient qu'il a fait l'objet de discriminations depuis 2015 au sein de l'université Paris-Sud, devenue université Paris-Saclay, et d'une rupture d'égalité entre usagers du service public de l'éducation, protégée par les dispositions précitées de l'article L. 111-1 du code de l'éducation. Il se prévaut en particulier d'un défaut d'information concernant le planning des cours et des examens, du rejet de sa demande de bourse sur critères sociaux et du refus de réinscription en master 1 dont il a fait l'objet au titre de l'année 2016/2017.

7. En premier lieu, aux termes de l'article II.1 de la charte des examens de l'université : " (...) Pour chaque formation, le calendrier des enseignements et des périodes d'examens (hors contrôle continu) est porté à la connaissance des étudiants et des personnels par voie d'affichage sur l'environnement numérique de travail et/ou sur le site web de l'université au début de chaque semestre (quinze jours après le début des cours, au plus tard un mois avant le début des examens) (...) ". Aux termes de l'article II. 3 de cette charte : " (...) Quand ce n'est pas prévu dans le planning des examens, la convocation des étudiants aux épreuves écrites, orales ou pratiques se fait par voie d'affichage et/ou via le site web de l'Université au moins quinze jours avant le début des épreuves (...) ".

8. D'une part, il n'est pas contesté que le calendrier des enseignements et des examens a été porté à la connaissance des étudiants, en particulier de M. A..., conformément aux dispositions précitées de la charte des examens. D'autre part, aucune règle ni aucun principe n'imposait à l'université d'informer individuellement chaque étudiant de ce calendrier. Il résulte, au demeurant, de l'instruction que, par des courriels des 15 octobre 2016, du 20 novembre 2016 et du 12 décembre 2016, l'université a rappelé à M. A... qu'il lui appartenait de prendre connaissance du planning de master 1 au moyen d'un lien internet qui lui a été communiqué à plusieurs reprises. Par un courriel du 4 décembre 2016, l'université lui a même proposé de fixer un rendez-vous pour éclaircir sa situation et résoudre ses difficultés. Par suite, aucun élément ne permet de faire présumer l'existence d'une discrimination fautive dont M. A... aurait fait l'objet concernant le planning des cours et des examens. Aucune rupture d'égalité fautive n'est davantage caractérisée à cet égard.

9. En deuxième lieu, l'article L. 821-1 du code de l'éducation : " La collectivité nationale accorde aux étudiants, dans les conditions déterminées par voie réglementaire, des prestations qui sont dispensées notamment par le réseau des œuvres universitaires mentionné à l'article L. 822-1 où les étudiants élisent leurs représentants sans distinction de nationalité et où les collectivités territoriales sont représentées dans les conditions et selon des modalités fixées par décret. Elle privilégie l'aide servie à l'étudiant sous condition de ressources afin de réduire les inégalités sociales. (...) ".

10. M. A... soutient qu'il remplissait les conditions d'octroi d'une bourse sur critères sociaux et que c'est en méconnaissance du principe d'égalité entre étudiants qu'il en a été privé. Toutefois, M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il remplissait effectivement les conditions pour obtenir une telle bourse. En outre et en tout état de cause, il résulte de l'instruction que sa demande de bourse a été présentée hors délai. Ainsi, alors au surplus que l'attribution d'une telle aide ne relève pas de la compétence de l'université, M. A... n'apporte aucun élément faisant présumer l'existence d'une discrimination dont il aurait fait l'objet sur ce point. Aucune rupture d'égalité entre étudiants n'est caractérisée.

11. En troisième lieu, M. A... soutient qu'ayant été hospitalisé en 2016, sa réinscription en master 1 " biologie-santé plateforme microbiologie " a été refusée à tort. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. A... a présenté une demande de changement de spécialité au sein de son master le 1er septembre 2016. Par deux courriels des 6 et 7 septembre 2016, l'université lui a répondu que ce changement n'était pas justifié et qu'en tout état de cause, sa demande de réinscription en master était tardive. Cette tardiveté n'est pas contestée par M. A.... En outre, sur recours de l'intéressé, M. A... a finalement été admis en octobre 2016 dans le master et la spécialité de son choix. Il n'est pas même allégué que cette inscription a pénalisé M. A... dans son cursus universitaire. Dès lors, les conditions de réinscription de M. A... en master ne font présumer aucune discrimination. Aucune rupture d'égalité n'est établie.

12. Enfin, si M. A... a contesté en première instance le refus de double correction de ses copies d'examen qui lui a été opposé par une décision de la présidente de l'université du 5 avril 2017, aucune règle ni aucun principe n'impose une telle double correction. Par suite, ce refus n'est pas de nature à faire présumer une discrimination et aucune rupture du principe d'égalité n'est établie.

13. Il résulte de qui précède que M. A... n'établit pas que l'université Paris-Saclay aurait engagé sa responsabilité pour faute à son égard. Par suite, les conclusions principales de sa requête tendant au prononcé d'une mesure d'expertise doivent être rejetées, cette expertise n'ayant aucune utilité. Ses conclusions subsidiaires tendant à la condamnation de l'université doivent également être rejetées.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'université Paris-Saclay, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de même nature présentées par l'université peuvent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'université Paris-Saclay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à l'université Paris-Saclay.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

M. Toutain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

Le rapporteur,

G. D...La présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE00062 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00062
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

30-02-05-01 Enseignement et recherche. - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. - Enseignement supérieur et grandes écoles. - Universités.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : AKUESSON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-30;20ve00062 ?
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