Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par action simplifiée (SAS) Ateliers de Reims a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier Jean-Martin Charcot à lui verser la somme de 188 869, 08 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 1er juin 2012 et capitalisation des intérêts, en règlement du solde du marché du lot n° 6 " menuiseries intérieures " des travaux de construction d'une unité de cent trente-neuf lits sur le territoire de la commune de Plaisir et de mettre à sa charge la somme de 18 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1405167 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 18 novembre 2019 et le 5 octobre 2021, la société Ateliers de Reims, représentée par Me Molas, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Plaisir, venant aux droits du centre hospitalier Jean-Martin Charcot, à lui régler la somme de 188 869,08 euros, sauf à parfaire, assortie des intérêts au taux légal augmenté de deux points à compter du 1er juin 2012 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Plaisir la somme de 18 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en application de l'article 46.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) de 1976 et d'une jurisprudence constante, l'entrepreneur dont le marché est résilié sans qu'il ait commis la moindre faute a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice subi ;
- en tout état de cause, les difficultés considérables ayant affecté le déroulement de l'opération sont imputables à des fautes du maître d'ouvrage ; ce dernier a manqué à ses pouvoirs de direction et de contrôle du chantier en s'abstenant de prendre des décisions essentielles à la poursuite de l'opération, en tergiversant sans cesse sur le choix des intervenants rendant impossible la poursuite du chantier, en s'abstenant de procéder à un contrôle minimum des capacités de la société Cap Architecture, chargée de la maîtrise d'œuvre, et en multipliant les annonces non suivies d'effets dans le cadre des procédures de constats consécutifs à la résiliation ;
- si les fautes du maître d'ouvrage ne sont pas retenues, l'exposante entend soutenir que les difficultés rencontrées dans le déroulement de l'opération sont constitutives de sujétions imprévues, la modification des délais de l'opération, qui a duré huit ans, ayant bouleversé l'économie du marché ;
- la valorisation de ses travaux s'élève à 526 962,97 euros HT, soit 479 491,61 euros HT correspondant au décompte mensuel de fin mars 2008 et 47 471,36 euros au titre de la valorisation des placards comportant des serrures à claviers, représentant au total la somme de 114 518,97 euros dans la décomposition du prix global et forfaitaire, qui avaient été fabriqués mais n'avaient pas pu être mis en place ; les vantaux des blocs portes et les placards fabriqués spécifiquement ne constituent pas des matériaux approvisionnés au sens de l'article 46.4 du CCAG Travaux ; en outre, ces prestations ont fait l'objet d'acomptes, alors que le marché interdisait tout versement d'acompte au titre des approvisionnements ; enfin, les menuiseries fabriquées sur mesure et insusceptibles d'être réutilisées doivent faire l'objet d'une indemnisation intégrale, la résiliation ayant été prononcée en l'absence de faute du titulaire, le maître d'ouvrage ayant décidé d'abandonner son programme ; la détérioration des ouvrages liée à l'écoulement du temps est exclusivement imputable à la faute du maître d'ouvrage ;
- les travaux supplémentaires correspondant aux ordres de service n° 13, 22 et 23 représentent la somme totale de 12 969,98 euros HT ;
- s'ajoute la révision des prix calculée selon les modalités de l'article 3.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) modifiées par l'avenant n° 2, soit la somme de 36 432,48 euros HT ;
- le coût de stockage des placards représente la somme de 30 199,70 euros HT ;
- la partie non rémunérée du coût des études d'exécution et de synthèse qui ont été entièrement réalisées s'établit à 12 965, 50 euros HT ;
- les surcoûts d'encadrement représentent la somme de 36 912, 80 euros HT ;
- le défaut de couverture des frais généraux s'établit à la somme de 25 364,84 euros HT ;
- le gain manqué peut être évalué à la somme de 5 888,27 euros HT ;
- le montant des acomptes s'élevant à la somme de 633 615,62 euros TTC, le solde s'établit à la somme de 188 869,08 euros TTC ;
- s'y ajoutent les intérêts moratoires à compter du 1er juin 2012, date à laquelle le solde du marché aurait dû être réglé.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2020, le centre hospitalier de Plaisir, représenté par Me Cabanes, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de la société requérante le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Ateliers de Reims ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Couette, pour le centre hospitalier de Plaisir.
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier Jean-Martin Charcot, aux droits duquel vient le centre hospitalier de Plaisir, a attribué le 30 septembre 2004 à la société Carillion BTP Thouraud, aux droits de laquelle est venue la société Cari Menuiserie, devenue la société Ateliers de Reims, le lot n° 6 " menuiseries intérieures " des travaux de construction d'une unité de cent trente-neuf lits pour un prix global et forfaitaire de 785 787,86 euros HT. L'ordre de service prescrivant le commencement des travaux a été notifié le 7 mars 2005 et les travaux devaient s'achever le 24 juillet 2006. Toutefois, les planchers réalisés par l'entreprise chargée du gros-œuvre s'étant affaissés, divers désordres en ont résulté et le chantier a accusé un important retard, également lié à la défaillance de plusieurs constructeurs. Sur ordres de service ainsi qu'en vertu d'un marché complémentaire de faible montant, la société Cari a effectué divers travaux pour le centre hospitalier au cours de l'année 2008. Le rapport de l'expert judiciaire désigné, à la demande du centre hospitalier, par une ordonnance du juge des référés du 3 juillet 2007, a été déposé le 6 mars 2010. Les travaux n'ont néanmoins pas repris et le centre hospitalier de Plaisir a finalement résilié le marché de la société Cari par un courrier du 19 mars 2012 sur le fondement de l'article 46.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux). Les constats contradictoires valant réception des ouvrages exécutés ont finalement été effectués le 28 mai 2013. Après que la société Cari a présenté son projet de décompte final le 11 juillet 2013, le décompte général, faisant apparaître un solde négatif pour l'entreprise de 284 033,40 euros TTC, lui a été notifié le 21 novembre 2013. Après rejet de sa réclamation présentée contre ce décompte, la société Cari a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Plaisir à lui verser la somme de 188 869,08 euros, majorée des intérêts moratoires à compter du 1er juin 2012 et de leur capitalisation, en règlement du solde de son marché. La société Ateliers de Reims relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 19 septembre 2019 rejetant sa demande.
Sur la responsabilité du centre hospitalier :
2. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
3. La société Atelier de Reims sollicite une indemnisation en invoquant l'existence de fautes du centre hospitalier dans le contrôle et la direction du marché. Elle soutient subsidiairement que les difficultés qu'elle a rencontrées constituent des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat. Elle invoque enfin la responsabilité sans faute du centre hospitalier à raison des préjudices résultant de la décision de résiliation qui lui a été notifiée sur le fondement des stipulations de l'article 46.1 du CCAG Travaux.
En ce qui concerne la faute du maître d'ouvrage dans le contrôle et la direction des travaux :
4. La société Atelier de Reims soutient que le centre hospitalier a commis des fautes dans le contrôle et la direction du marché, caractérisées par l'absence de prise de décisions essentielles à la poursuite du chantier, d'incessantes tergiversations dans le choix des intervenants, l'absence de contrôle minimum des capacités de la société Cap Architecture, titulaire du second marché de maîtrise d'œuvre, et de nombreuses annonces non suivies d'effet.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le rapport d'expertise judiciaire du 6 mars 2010 impute un retard de 10,5 mois dans la gestion du sinistre non seulement à la direction départementale de l'équipement des Yvelines, chargée de la conduite de l'opération de travaux, mais aussi au maître d'ouvrage lui-même, le contrôleur technique ayant émis des avis favorables aux solutions de reprises des désordres en décembre 2006 et avril 2007 qui n'ont pas été prises en compte.
6. Toutefois, alors même que le centre hospitalier aurait été rendu destinataire de ces avis favorables, il incombait au conducteur de l'opération d'informer le maître d'ouvrage de l'état d'avancement des travaux et d'assurer le suivi du calendrier d'exécution conformément aux stipulations de son contrat et il n'est pas établi ni même allégué que le centre hospitalier aurait été invité sans succès par la direction départementale de l'équipement des Yvelines à valider une proposition de reprise des désordres et de poursuite des travaux ou plus généralement que le centre hospitalier aurait tardé à répondre aux sollicitations du conducteur de l'opération ou des autres intervenants à l'opération. D'ailleurs, il n'est pas établi ni même allégué que la société Cari aurait alerté sans succès le maître d'ouvrage sur les conséquences préjudiciables de l'allongement du chantier liées aux difficultés rencontrées dans la gestion du sinistre.
7. En outre, il est constant que les investigations de l'expertise judiciaire n'ont permis la reprise des travaux qu'en septembre 2007, qu'au moins une réunion de chantier a été organisée le 6 novembre 2007, qu'un marché complémentaire au marché de maîtrise d'œuvre a été souscrit par le centre hospitalier pour la reprise des désordres le 22 janvier 2008 et que des marchés complémentaires ont été conclus avec les entreprises chargées des travaux en juin 2008. Il résulte d'un courrier adressé par le centre hospitalier à la société Cari le 16 janvier 2008 que le maître d'ouvrage a demandé au conducteur d'opération, au mandataire de l'équipe de maîtrise d'œuvre et à l'entreprise chargée de l'ordonnancement, le pilotage et la coordination (OPC) de mettre au point, dans les meilleurs délais, un planning de travaux de réparation et d'achèvement de l'ouvrage. Il a également demandé au conducteur d'opération d'organiser une réunion de reprise des travaux le 14 octobre 2008. L'entreprise chargée du gros œuvre ayant communiqué son devis de reprise des désordres le 20 novembre 2008, un marché complémentaire de travaux a été conclu avec elle le 19 janvier 2009.
8. Par ailleurs, il est constant les services de l'Etat chargés de la conduite de l'opération se sont désengagés de leur mission au début de l'année 2009, un nouveau contrat de conduite d'opération ayant été confié à la société Aeprim le 13 février 2009. Cette dernière ayant fait part au centre hospitalier de l'impossibilité d'assurer sa mission en juin 2009, son contrat a fait l'objet, en août 2009, d'une décision de résiliation à ses torts, que le tribunal administratif de Versailles a jugé bien fondée dans un jugement du 21 novembre 2013.
9. Il résulte en outre de plusieurs courriers adressés à l'équipe de maîtrise d'œuvre au cours de l'année 2010 que le centre hospitalier a également été confronté à des difficultés dans l'exécution de cette mission, le marché de maîtrise d'œuvre ayant dû être résilié au début de l'année 2011 en raison de l'incapacité du titulaire à gérer les opérations de travaux et le nouveau marché de maîtrise d'œuvre, confié à la société CAP architecture en avril 2011, ayant dû lui-même été résilié en août 2012 en raison des fautes commises par la société et de son placement en redressement judiciaire.
10. Il résulte, enfin, de l'instruction que le liquidateur judiciaire de l'entreprise chargée du gros œuvre a renoncé en novembre 2011 à la poursuite des travaux.
11. Il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la nature et l'étendue des missions qu'il a confiées à d'autres intervenants, en particulier concernant la conduite de l'opération, le centre hospitalier de Plaisir ne peut être regardé comme ayant omis de prendre les décisions essentielles à la poursuite du chantier, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne pouvant ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire d'un marché du seul fait de fautes commises par les autres intervenants.
12. En deuxième lieu, la société requérante soutient que le maître d'ouvrage a commis une faute en raison de tergiversations incessantes dans le choix des intervenants.
13. Il est constant que trois équipes de maîtrise d'œuvre et trois entreprises chargées de l'ordonnancement, du pilotage et de la coordination se sont succédées sur le chantier et que deux conducteurs d'opération ont tour à tour été désignés par le centre hospitalier. Toutefois, si ces changements d'intervenants ont effectivement contribué à l'allongement de la durée des travaux, la société Ateliers de Reims n'apporte aucun élément de nature à établir qu'ils n'étaient pas justifiés par la défaillance ou le désengagement des titulaires. Dans ces conditions, même si elle a eu des conséquences dommageables pour les autres entreprises, la succession d'intervenants à l'opération de construction ne caractérise aucune faute du maître d'ouvrage.
14. En troisième lieu, le marché de maîtrise d'œuvre conclu avec la société CAP Architecture le 12 avril 2011 a été résilié pour faute par le centre hospitalier de Plaisir le 6 août 2012 à raison du caractère erroné de ses déclarations tenant, d'une part, à son placement en redressement judiciaire, d'autre part, au montant de son chiffre d'affaires réel, celui-ci étant de deux à quatre fois inférieur à celui déclaré dans sa candidature. Si cette résiliation a encore retardé l'exécution des travaux de construction de la nouvelle unité, il ne peut être reproché au centre hospitalier d'avoir commis une faute dans le contrôle et la direction du marché en s'abstenant de vérifier l'exactitude des déclarations faites par le maître d'œuvre lors de sa candidature dès lors qu'il n'est pas établi ni même allégué que ces déclarations comportaient une incohérence que le maître d'ouvrage ne pouvait ignorer.
15. Enfin, la société Ateliers de Reims soutient que le centre hospitalier de Plaisir a également commis des fautes en raison de nombreuses annonces non suivies d'effet à la suite de la décision de résiliation du marché le 19 mars 2012. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société CAP Architecture a convoqué l'entreprise requérante pour procéder aux constatations nécessaires le 22 mai 2012. Aucun procès-verbal signé par le maître d'œuvre n'a été établi à cette occasion et le marché du maître d'œuvre a été résilié en août 2012, ainsi qu'il a été dit, en raison de ses fausses déclarations concernant ses capacités financières. Un nouveau maître d'œuvre ayant été désigné en octobre 2012, ce dernier a convoqué une nouvelle fois la société Cari à une réunion en vue de procéder aux constatations contradictoires le 19 décembre 2012. A la suite de contestations d'entreprises mettant en cause le caractère contradictoire des opérations de constats, il a été procédé à de nouveaux constats contradictoires le 28 mai 2013. Le projet de décompte final a été présenté par la société Cari le 11 juillet 2013 et le décompte général lui a été notifié le 21 novembre 2013. Compte tenu de la résiliation du marché de maîtrise d'œuvre, dont il n'est pas établi qu'elle n'était pas justifiée, du délai nécessaire pour désigner un nouveau maître d'œuvre et lui permettre de se préparer à établir les constats contradictoires et rédiger les rapports d'analyse y afférents, la société Ateliers de Reims n'est pas fondée à soutenir que les modalités de règlement du marché après la décision de résiliation traduisent une faute du maître d'ouvrage.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ateliers de Reims n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier a commis des fautes dans le contrôle et la direction des travaux.
En ce qui concerne les sujétions imprévues :
17. Dans le cadre d'un marché public à forfait, son titulaire a droit à être indemnisé pour les dépenses exposées en raison de sujétions imprévues, c'est-à-dire de sujétions présentant un caractère exceptionnel et imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties, si ces sujétions ont eu pour effet de bouleverser l'économie générale du marché.
18. La société Ateliers de Reims soutient que les difficultés qu'elle a rencontrées lors du marché ont entraîné un bouleversement de l'économie du contrat et sont indemnisables au titre des sujétions imprévues. Toutefois, ces difficultés résultant à l'origine d'un affaissement des planchers de l'unité en construction puis de l'impossibilité d'organiser la reprise des travaux compte tenu notamment de la défaillance successive de plusieurs intervenants, la société Ateliers de Reims ne justifie ainsi nullement de l'existence de sujétions présentant un caractère exceptionnel et imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties, de nature à lui ouvrir droit à une indemnisation sur le fondement des principes rappelés au point précédent. De surcroît, il n'est pas établi que ces difficultés ont entraîné un bouleversement de l'économie du marché. Par suite, les conclusions de la requête de la société Ateliers de Reims présentées sur ce fondement doivent être rejetées.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute liée à la résiliation :
19. Aux termes de l'article 46.1 du CCAG Travaux applicable au marché litigieux : " Il peut être mis fin à l'exécution des travaux faisant l'objet du marché, avant l'achèvement de ceux-ci par une décision de résiliation du marché qui en fixe la date d'effet. / Le règlement du marché est fait alors selon les modalités prévues aux 3 et 4 de l'article 13, sous réserve des autres stipulations du présent article. / Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 47 et 49, l'entrepreneur a droit à être indemnisé, s'il y a lieu, du préjudice qu'il subit du fait de cette décision. Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général ".
20. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier a procédé à la résiliation du marché conclu par la société Cari sur le fondement de ces stipulations de l'article 46.1 du CCAG Travaux. Par suite, la société requérante est fondée à demander réparation du préjudice subi du fait de cette résiliation, c'est-à-dire du préjudice en lien direct et certain avec cette décision.
Sur les sommes à inclure au décompte du marché :
En ce qui concerne la valorisation des travaux réalisés :
21. En premier lieu, la société Ateliers de Reims soutient que les travaux réalisés doivent être valorisés à concurrence de la somme de 481 484,21 euros HT, cette somme correspondant à celle de l'état d'acompte n° 8 du 5 novembre 2008.
22. Aux termes de l'article 46.2 du CCAG Travaux : " En cas de résiliation, il est procédé, l'entrepreneur ou ses ayants droit, tuteur, curateur ou syndic, dûment convoqués, aux constatations relatives aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, à l'inventaire des matériaux approvisionnés, ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel et des installations de chantier. Il est dressé procès-verbal de ces opérations. / L'établissement de ce procès-verbal emporte réception des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, avec effet de la date d'effet de la résiliation, tant pour le point de départ du délai de garantie défini à l'article 44 que pour le point de départ du délai prévu pour le règlement final du marché au 32 de l'article 13 ". Par ailleurs, aux termes de l'article 91 du code des marchés publics dans sa version applicable au marché en litige : " Les règlements d'avances et d'acomptes n'ont pas le caractère de paiements définitifs ; leur bénéficiaire en est débiteur jusqu'au règlement final du marché ou, lorsque le marché le prévoit, jusqu'au règlement partiel définitif ".
23. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la résiliation du marché litigieux, il a été procédé aux constatations des ouvrages ou parties d'ouvrages exécutés par la société Cari conformément aux stipulations précitées de l'article 46.2 du CCAG Travaux. Un procès-verbal de constat contradictoire a été établi le 28 mai 2013, qui a été signé avec des observations par le représentant de cette société. Il est constant que le décompte général ultérieurement notifié à cette dernière, qui fait état d'une situation vérifiée contradictoirement pour un montant de 285 099,37 euros HT, a été établi au regard des constatations effectuées contradictoirement le 28 mai 2013. Si l'état d'acompte n° 8 du marché litigieux a été validé par le maître d'œuvre et le conducteur d'opération et si le centre hospitalier ne s'est pas opposé au paiement à la société Cari de ses acomptes jusqu'en novembre 2008, période au cours de laquelle cette dernière est intervenue sur le chantier pour effectuer ses travaux, il résulte des dispositions précitées de l'article 91 du code des marchés publics que ces circonstances ne faisaient pas obstacle à la remise en cause de ces versements jusqu'au règlement final du marché. Ainsi, la société requérante ne peut se prévaloir de la validation et du paiement de ses acomptes pour établir que l'état réel d'avancement de ses travaux ne correspond pas aux constatations effectuées contradictoirement le 28 mai 2013. Le procès-verbal des opérations de constat du 28 mai 2013, le procès-verbal de constat d'huissier du même jour et l'annexe 5 au décompte général établie par la société SNC Lavalin, constituent des éléments de preuve de nature à établir l'état réel d'avancement des travaux qui ne sont remis en cause par aucune justification probante en sens contraire apportée par la société requérante. Dans ces conditions, la société Ateliers de Reims n'est pas fondée à soutenir qu'une somme de 481 484,21 euros HT devrait figurer au décompte du marché au titre des travaux exécutés.
24. En deuxième lieu, aux termes de l'article 43.1 du CCAG Travaux : " Le présent article s'applique lorsque le marché, ou un ordre de service, prescrit à l'entrepreneur de mettre, pendant une certaine période, certains ouvrages ou certaines parties d'ouvrages, non encore achevés, à la disposition du maître de l'ouvrage et sans que celui-ci en prenne possession, afin notamment de lui permettre d'exécuter, ou de faire exécuter par d'autres entrepreneurs, des travaux autres que ceux qui font l'objet du marché ". Aux termes de l'article 43.2 du même CCAG Travaux : " Avant la mise à disposition de ces ouvrages ou partie d'ouvrages, un état des lieux est dressé contradictoirement entre le maître d'œuvre et l'entrepreneur (...) ". Aux termes de l'article 43.3 du même CCAG Travaux : " Sous réserve des conséquences des malfaçons qui lui sont imputables, l'entrepreneur n'est pas responsable de la garde des ouvrages ou parties d'ouvrages pendant toute la durée où ils sont mis à la disposition du maître de l'ouvrage ".
25. La société fait valoir que le bâtiment est resté à l'abandon causant des dégradations aux ouvrages qu'elle avait posés, qui sont imputables au maître d'ouvrage. Toutefois, il n'est pas établi ni même allégué que l'état d'avancement des travaux constaté contradictoirement le 28 mai 2013 serait en tout ou partie imputable à la dégradation des ouvrages liée à l'arrêt du chantier pendant plusieurs années. En outre, si le centre hospitalier a assuré lui-même la surveillance du chantier lorsqu'il était à l'arrêt, il n'est pas établi que l'ouvrage ou certaines parties de l'ouvrage ont été mis à sa disposition au cours de cette période conformément aux stipulations précitées de l'article 43 du CCAG Travaux, aucune procédure de mise à disposition n'ayant été mise en œuvre. Par suite, la société Ateliers de Reims n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier ayant eu la garde des ouvrages ou parties d'ouvrages mis à sa disposition, il doit supporter la responsabilité des conséquences de leur dégradation.
26. Enfin, la société Ateliers de Reims sollicite l'inscription au décompte d'une somme de 49 761,74 euros HT correspondant à une partie du prix des placards avec des serrures à claviers évalué dans la décomposition du prix global et forfaitaire à la somme de 114 518,97 euros HT. Elle fait valoir que ces placards avaient été fabriqués spécifiquement pour ce marché mais n'ont pu être mis en place sur le chantier.
27. Alors même qu'il s'agirait de " matériaux approvisionnés " que le maître d'ouvrage n'était pas tenu de racheter en vertu des stipulations de l'article 46.4 du CCAG Travaux, ces dépenses ont été exposées en vain du fait de la résiliation du marché. Elles sont ainsi en lien direct et certain avec la décision du maître d'ouvrage de mettre fin au contrat et doivent être indemnisées conformément aux stipulations précitées de l'article 46.1 du CCAG Travaux à concurrence de la somme retenue par le titulaire, en l'absence de toute contestation de cette évaluation par le maître d'ouvrage.
En ce qui concerne les travaux supplémentaires :
28. Il résulte de l'instruction, en particulier du détail financier du décompte général, que l'ordre de service n° 22 portant exécution de travaux préparatoires aux reprises de gros œuvre, d'un montant de 1 992,60 euros HT, a été pris en compte dans le décompte général notifié à la société Atelier de Reims. Ainsi, elle n'est pas fondée à en demander une nouvelle fois le paiement. En ce qui concerne les ordres de service n° 13 et 23 portant respectivement remplacement des serrures à clavier mécaniques par des commandes électroniques sur les placards des chambres et modification de cinquante-et-un placards et ajout de deux placards, la société requérante n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause sur ce point les constatations contradictoires effectuées le 28 mai 2013 et à établir que ces travaux auraient été réalisés en tout ou partie lors de l'exécution du marché. Elle ne saurait, par suite, en obtenir le paiement.
En ce qui concerne la révision des prix :
29. La société Ateliers de Reims sollicite l'inscription au décompte d'une somme de 36 432,48 euros HT au titre de la révision des prix, calculée au regard de l'état d'avancement des travaux qu'elle évalue à la somme de 526 962,97 euros HT et du montant des travaux supplémentaires résultant des ordres de service n° 13, 22 et 23, soit au total la somme de 539 932,95 euros HT. Toutefois, il y a lieu de rejeter ces conclusions par voie de conséquence du rejet des conclusions afférentes à la valorisation des travaux et aux travaux supplémentaires.
30. En revanche, elle est fondée à solliciter la révision, calculée selon les mêmes modalités, de la somme de 49 761,74 euros HT correspondant à une partie du prix des placards avec des serrures à claviers et devant être réintégrée au décompte conformément au point 27 ci-dessus, soit une révision d'un montant de 3 357,72 euros. Ainsi, la société Atelier de Reims est fondée à solliciter l'inscription au décompte de la somme de 53 119,46 euros HT, soit 63 743,35 euros TTC.
En ce qui concerne les frais de stockage des placards :
31. D'une part, en l'absence de faute du maître d'ouvrage, la société Atelier de Reims n'est pas fondée à demander sur ce fondement l'indemnisation des frais de stockage des placards qu'elle a exposés lors de l'exécution du marché.
32. D'autre part, ces frais étant sans lien direct avec la décision de résiliation du marché, la société Atelier de Reims n'est pas davantage fondée à en demander réparation sur le fondement de la responsabilité sans faute du maître d'ouvrage au titre des stipulations précitées de l'article 46.1 du CCAG Travaux.
En ce qui concerne les études d'exécution et de synthèse :
33. La société Ateliers de Reims fait valoir qu'elle a réalisé la totalité des études d'exécution et de synthèse, que ces prestations n'ont pas été individualisées dans la décomposition du prix global et forfaitaire, qu'elles représentent 5 % du prix du marché et qu'elle est fondée à demander l'inscription au décompte d'une somme de 12 965,50 euros HT correspondant à 33 % du montant total de ces études correspondant selon elle aux travaux non réalisés.
34. Toutefois, la société Ateliers de Reims n'établit pas avoir réalisé davantage d'études que celles prises en compte dans l'état d'avancement des travaux constaté contradictoirement le 28 mai 2013. Ainsi, elle ne saurait obtenir un complément d'indemnité à ce titre.
En ce qui concerne les surcoûts d'encadrement :
35. La société Ateliers de Reims sollicite la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme totale de 36 912,80 euros HT correspondant à des surcoûts d'encadrement de chantier exposés entre 2007 et 2013. Elle indique avoir notamment dû mobiliser un salarié retraité qu'elle a réembauché dans la perspective de la reprise des travaux.
36. Toutefois, en l'absence de faute du centre hospitalier dans le contrôle et la direction des travaux, ces surcoûts d'encadrement ne sont pas indemnisables sur le fondement de la responsabilité pour faute du maître d'ouvrage. En outre, ces surcoûts d'encadrement étant sans lien direct avec la décision de résiliation, ils ne sont pas davantage indemnisables au titre de la responsabilité sans faute du centre hospitalier.
En ce qui concerne le défaut de couverture des frais généraux :
37. La société Ateliers de Reims sollicite l'inscription au décompte d'une somme de 25 364,84 HT correspondant à un défaut de couverture de frais généraux calculé sur le chiffre d'affaires non réalisé à la suite de la décision de résiliation du marché. Toutefois, la société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que la valorisation des travaux réellement effectués à la date de résiliation du marché ne prendrait pas en compte la quote-part de frais généraux correspondant à ceux effectivement exposés par le titulaire lors de l'exécution du marché et que la résiliation du marché l'a placée dans l'impossibilité de couvrir la totalité de ses frais généraux.
En ce qui concerne le gain manqué :
38. Il résulte du jugement attaqué que le tribunal administratif a admis que la société Ateliers de Reims pouvait être indemnisée à concurrence de la somme de 5 888,27 euros au titre de son bénéfice escompté sur la partie résiliée du marché. Les parties ne contestent pas cette indemnisation en appel. Il n'y a pas lieu de la remettre en cause.
Sur le solde du marché :
39. Il résulte de tout ce qui précède que doivent venir en déduction du solde négatif du marché, fixé par le maître d'ouvrage à la somme de 284 033,40 TTC, l'indemnité de 5 888,27 euros relative au gain manqué et l'indemnité de 63 743,35 euros TTC au titre du prix d'une partie des placards réalisés sur mesure. Ainsi, le décompte négatif à la charge du titulaire doit être ramené à la somme de 214 401,78 euros TTC.
40. Par suite, la société Ateliers de Reims n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Plaisir à lui verser la somme de 188 869,08 euros HT assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts.
Sur les frais liés au litige :
41. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des parties une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Ateliers de Reims est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Plaisir au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ateliers de Reims et au centre hospitalier de Plaisir.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
M. Toutain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.
Le rapporteur,
G. B...La présidente,
C. Signerin-Icre La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 19VE03801 2